
Deux plages du Finistère, à Douarnenez et Kerlaz, sont recouvertes d’algues vertes. De quoi saturer les stations de compostage. Avec le développement des porcheries industrielles permis par la loi Duplomb, le phénomène va empirer.
Par Chloé RICHARD
Douarnenez (Finistère), reportage
« C’est effarant. » Muelle a beau vivre depuis vingt ans à Douarnenez, dans le Finistère, et être « habituée aux algues vertes », elle ne se rappelle pas en avoir « déjà vu autant ». « Je suis passée devant la plage par hasard, et je me suis arrêtée pour prendre des photos tellement j’étais stupéfaite », raconte la trentenaire.
Depuis mercredi 9 juillet, la plage du Ris, à cheval entre la ville de Douarnenez et de Kerlaz, ainsi que la plage de Trezmalaouen située à Kerlaz, sont le théâtre d’un échouage massif d’algues vertes. « Rien que pour la commune de Kerlaz, on est déjà à 2 500 m3 d’algues vertes ramassées cette année, contre 1 400 m3 l’an passé [à la même date] », déplore Dominique Stephan, élu (sans étiquette) délégué à l’environnement à Kerlaz.
Un va-et-vient quasi incessant de tractopelles et camions bennes aux cabines pressurisées — pour s’abriter du H₂S, un gaz potentiellement mortel généré par les algues en putréfaction — rythme depuis quelques jours le quotidien de ces plages bretonnes. À Plonévez-Porzay, la station de compostage est fermée depuis le 24 juin en raison d’une quantité trop importante d’algues vertes déjà ramassée.
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« On a des échouages depuis le 11 juin. Les algues sont en ce moment transportées dans la station de Kerioret, à Douarnenez. Mais pour combien de temps encore ? », s’interroge l’élu. Il craint que le site arrive lui aussi à saturation et devienne alors potentiellement dangereux en raison des émanations de gaz.
Extensions de porcheries à gogo
Plusieurs facteurs ont favorisé le développement de ces fameuses ulves. Déjà, les fortes pluies du printemps ont lessivé les terres agricoles, qui étaient recouvertes de déjections de cochons issues des porcheries. Ajoutons à cela la température de l’eau, de quelques degrés au-dessus de la moyenne, alliée à un fort ensoleillement ces derniers jours. Sans oublier, évidemment, la présence de porcheries industrielles en amont de la baie. Bref, le cocktail était parfait.
« 480 000 cochons par an dans la baie de Douarnenez »
« D’après nos calculs, la baie de Douarnenez compte environ 28 porcs à l’hectare. Par an, ce sont 480 000 cochons qui en sortent », indique Christophe Deniel, de l’association Baie de Douarnenez Environnement. Depuis le début de l’année, deux porcheries, l’une à Goulien, l’autre à Plonévez-Porzay, ont déjà obtenu l’autorisation de s’étendre. Une troisième, située à Plomodiern, devrait obtenir un feu vert d’ici à quelques mois.
Des élus complices
« On avait pourtant réussi à faire annuler l’extension de cette dernière par le tribunal administratif il y a deux ans », souligne Arnaud Clugery, directeur et porte-parole de l’association Eau et Rivières de Bretagne. Las, le 9 juillet, Le Télégramme racontait que la porcherie serait bel et bien agrandie, avec l’aval enthousiaste du conseil municipal.
Parmi les communes invitées à donner leur avis sur cette énième extension, « Kerlaz est la seule à avoir donné un avis défavorable voté à la quasi unanimité. Tandis que les villes de Locronan et Plonévez-Porzay ont émis un favorable », déplore l’élu. Le Parc naturel marin d’Iroise, un organisme de gestion à vocation scientifique et environnementale mais présidé par Maël de Calan, président Les Républicains du département, a également émis un avis favorable.
« Le Parc a pourtant un pouvoir intéressant : il peut mettre en conformité un projet en donnant un avis défavorable afin d’assurer l’équilibre en mer [les nitrates rejetés par l’agriculture industrielle perturbent les écosystèmes]. Mais il ne s’est pas saisi de cette compétence », remarque Arnaud Clugery.
La loi Duplomb risque d’aggraver la situation
À Kerlaz, si le courant marin ne change pas de direction et vu que l’entreprise de ramassage d’algues n’a pas pu se déplacer, la plage risque d’être fermée pour un mois entier. Comme l’été dernier. « La décision est sur la table, l’arrêté est prêt », prévient Dominique Stéphan.
Pour lui, « ce qu’on fait ne sert de toute façon à rien. On ramasse les algues parce qu’il faut bien que les gens voient qu’on fait quelque chose ». L’élu fait référence à la loi Duplomb qui vient d’être adoptée : celle-ci facilite l’agrandissement et la création de bâtiments d’élevages intensifs. La Bretagne, première région productrice de porcs, risque ainsi d’être fortement affectée. Et les algues vertes de proliférer. Le problème est loin d’être microlocal : un peu plus loin, dans les Côtes-d’Armor, la plage de Saint-Guimond, à Hillion est fermée pour la deuxième fois cet été.
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Source: https://reporterre.net/Dans-le-Finistere-les-algues-vertes-saturent-les-stations-de-compostage
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