Projet de loi sur l’emploi des séniors : un aménagement de la réforme des retraites (IO.fr-14/07/25)

La ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet. (AFP)

Le 3 juillet, a été examiné par l’Assemblée nationale le projet de loi sur l’emploi des séniors, issu de l’accord national interprofessionnel (Ani) du 14 novembre 2024 discuté par les organisations syndicales, patronales et le gouvernement.

Par Jo CALATHEA.

Le 3 juillet, a été examiné par l’Assemblée nationale le projet de loi sur l’emploi des séniors, issu de l’accord national interprofessionnel (Ani) du 14 novembre 2024 discuté par les organisations syndicales, patronales et le gouvernement (voir les numéros 832, 835 et 841 d’Informations ouvrières). Un accord qui tombe à point nommé pour une ministre du Travail qui cherche à avancer « à bas bruit » sur la mise en musique d’une réforme des retraites massivement et bruyamment rejetée.

Pour la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, pas question de changer une virgule à cet accord providentiel que constitue l’Ani du 14 novembre. Un accord « signé par quatre organisations syndicales équivalant à 75 % de la représentativité syndicale » ne cesse-t-elle de rappeler à chaque amendement des députés de la France insoumise.

Le gouvernement, grand défenseur des syndicats ? Après avoir méprisé l’écrasante mobilisation contre la réforme des retraites, après la faillite du conclave, pourquoi tout d’un coup cet accord est-il brandi comme un grigri magique ?

Parce qu’il n’est qu’un aménagement de la réforme des retraites de Macron. Un aménagement qui, sous couvert d’atténuer les graves conséquences de la réforme sur les séniors qu’il a lui-même créées, va encore plus loin dans les cadeaux au patronat.

Un projet de loi qui s’inscrit dans les plans de Macron

Nouvelle recette mais mêmes ingrédients pour respecter la lettre de cadrage que Macron avait envoyé aux organisations syndicales avant le conclave : « à bas bruit, sans éclats, on peut vraiment avancer » déclare la ministre aux députés, poursuivant ainsi : « je suis ministre du Travail depuis septembre : depuis septembre, nous avons eu cinq accords, que vous êtes aujourd’hui invités à transposer ».

Rappelons que ce projet de loi sur l’emploi des séniors intervient après les textes sur l’assurance chômage qui repoussent à 55 ans (au lieu de 53) l’âge auquel un chômeur peut toucher une indemnité plus longue, texte signé par une majorité des organisations syndicales et d’employeurs.

Ségolène Amiot, députée insoumise, rappelle également que le gouvernement a travaillé à « la sortie de l’indemnisation d’environ 17 000 personnes et la perte de cinq ou six jours d’indemnité en moyenne par an, ce qui défavorisera 900 000 allocataires en raison de la mensualisation, des cadeaux sociaux aux patrons ainsi qu’une nouvelle baisse de la cotisation chômage employeur ».

Ce projet de loi arrive également juste après le décret du 20 mars 2025 qui permet de radier un chômeur qui n’accepterait pas un emploi moins bien payé et très loin de chez lui, puisqu’il n’y a plus de critère kilométrique et que les offres d’emploi se calent sur le salaire moyen de l’emploi visé, dans sa région.

Rappelons également que le Premier ministre a annoncé dès son arrivée qu’il voulait « reprendre sans suspendre » la réforme des retraites de Macron. Alors comment croire la ministre du Travail quand elle annonce vouloir réparer « une injustice » envers les séniors au travers de son projet de loi.

Précarité pour les séniors, cadeaux pour les entreprises

Alors que l’ensemble des syndicats avait rejeté le « CDI sénior » en raison de la précarité de ce contrat, celui-ci revient par la fenêtre sous la forme d’un « contrat de valorisation de l’expérience » qui permet de diminuer de 30 % l’indemnité de mise à la retraite versée par l’employeur. Il lui permet également de rompre le contrat dès que le salarié aurait atteint l’âge légal de départ, à taux plein.

La députée LFI Ségolène Amiot est intervenue sur cette question lors de la première séance d’examen du texte à l’Assemblée : « Nous ne participerons pas au réenchantement de la mise au travail forcée de nos aînés. C’est pour ces raisons que nous ne soutiendrons pas vos fameux contrats de valorisation de l’expérience, qui (…) cachent un nouveau cadeau fait au patronat, avec une nouvelle exonération de cotisations qui va venir s’ajouter aux 90 milliards déjà offerts aux entreprises sous la forme d’aides accordées sans contreparties ». « Dans ce projet de loi, vous avez prévu la carotte –⁠ des cadeaux sociaux aux entreprises, pris sur le dos de la Sécurité sociale, puisqu’ils ne sont pas compensés –⁠ (…) mais pas le bâton ».

On comprend alors que les organisations patronales se soient empressées de signer l’Ani. On comprend aussi que des millions de salariés se soient opposés à la réforme des retraites et que les confédérations syndicales aient dû en tenir compte et quitter le conclave.

La France insoumise est le seul groupe parlementaire à avoir voté contre le projet de loi sur l’emploi des séniors1. Ségolène Amiot ne s’y est pas trompée : « Cet Ani ne nous fera pas oublier votre passage en force sur la retraite à 64 ans, que vous avez voulu conforter avec le fameux conclave. Dans quelle langue faut-il le dire ? Les Françaises et les Français veulent l’abrogation de la réforme des retraites ! »

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source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/07/14/projet-de-loi-sur-lemploi-des-seniors-un-amenagement-de-la-reforme-des-retraites/

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