
Ce jeudi 17 juillet, une cérémonie officielle à Dakar marque le retrait des troupes françaises du Sénégal, présentes depuis son indépendance en 1960. Un moment symbolique du recul de l’impérialisme français dans la région, mais loin de signer sa fin.
Par Raji Samuthiram
Après le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et le Gabon, c’est du Sénégal que les troupes françaises ont plié bagage. Lors d’une cérémonie ce jeudi, le camp Geille, ainsi que l’escale aéronautique militaire, ont été remis à l’État sénégalais. Une cérémonie terne avec une remise de clé symbolisant la passation de contrôle du camp Geille entre des représentants des deux états-majors. Ainsi, les 350 militaires français, derniers membres des Éléments Français au Sénégal (EFS) et leurs familles ont aussi quitté la base, marquant la fin de la permanence française au Sénégal.
Le président Bassirou Diomaye Faye a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une « rupture » mais plutôt du début d’un « partenariat rénové » avec son ancien colonisateur. Celui-ci avait déjà assuré auprès du Monde qu’il souhaitait garder une « relation cordiale » avec la France. Une façon de satisfaire les besoins de la diplomatie française, tout en opérant un changement qui répond aux aspirations radicales des masses populaires qui l’ont élu.
Toutefois, le retrait français, qui survient après celui des autres pays ouest-africains, s’inscrit dans la continuité du recul de l’impérialisme français dans la région. Certains, comme au Tchad, ont été des coups durs et une véritable humiliation pour la France, qui vraisemblablement n’avait pas été informée à l’avance des annonces. Désormais, la France ne dispose d’aucune base permanente sur le continent, à part à Djibouti et avec la présence d’une centaine de soldats à Libreville, au Gabon.
En 2022, l’échec cuisant de l’opération Barkhane, l’engagement militaire français le plus long et couteux depuis la guerre d’Algérie, marquait le premier de ces reculs de l’armée française en Afrique. Des années d’ingérence politique et militaire, marquées par des méthodes humiliantes pour les populations locales, ont contribué à de vastes contestations populaires, y compris au Sénégal, où les manifestations contre le régime autoritaire de Macky Sall ont également protesté contre le soutien de la France. C’est suite à trois ans de conflits politiques et sociaux de mobilisation populaire et de répression que le président Bassirou Diomaye Faye avait été élue, sur les bases de promesses comme la rupture avec le franc CFA. Devant la pression populaire importante et l’échec stratégique de l’opération Barkhane, l’Etat français avait pour sa part décidé d’entamer un retrait progressif de l’Afrique de l’Ouest depuis 2022. Cette situation témoigne de la radicalité qui s’exprime, au Sénégal comme ailleurs, contre des décennies de présence française dans la vie politique et économique du pays, bien que les nouveaux gouvernements en place ont surtout cherché à s’accorder avec les pays impérialistes pour négocier de meilleures conditions sans rompre définitivement avec la domination coloniale.
Aujourd’hui, alors que les classes dominantes s’inquiètent du recul de l’impérialisme français dans son pré-carré africain, le gouvernement Macron tente de le réarticuler à son avantage. C’est en ce sens que la Revue nationale stratégique du ministère des armées, publiée cette semaine, souligne « la nécessaire multiplication des coopérations internationales de la France… notamment en Afrique. » Entre autres, la France continue de maintenir une coopération militaire avec divers pays au nom de la lutte contre le terrorisme, notamment en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Togo, et au Bénin.
Une façon de maintenir son pré-carré historique sous une autre forme, et qui pourrait se répliquer dans la région du Sahel, alors que la Françafrique reste un des facteurs centraux, avec l’arme nucléaire, qui permet à la France de se maintenir parmi les puissances impérialistes mondiales. Un enjeu d’autant plus central donc, à l’heure où la marche vers la guerre et l’explosion des budgets militaires s’accélèrent à l’international. C’est en ce sens que Macron a annoncé que l’objectif des 67,4 milliards d’euros pour l’armée devrait être atteint dès 2027, plutôt qu’en 2030.. La France poursuit toujours son agenda impérialiste, malgré le retour de bâton des décennies d’oppression en Françafrique.
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