
© Samir Maouche pour l’Humanité
François Bayrou a annoncé une ponction de 5,3 milliards d’euros inscrite dans son budget 2026, soit plus du double de l’effort exigé en 2025. Une « spoliation » dénoncée par l’Association des maires de France, selon laquelle ces mesures représenteraient en réalité plus de 10 milliards d’euros en moins pour les finances locales.
Par Hayet KECHIT.
Les prémices d’un nouveau bras de fer entre l’exécutif et les élus locaux ? La part d’effort exigée des collectivités territoriales dans les 43,8 milliards d’euros de coupes prévues en 2026 promet en tout cas des remous de la part de leurs représentants.
Ces derniers commencent déjà à affûter leurs armes face à « des mesures à l’ampleur sans précédent et qui n’obéissent à aucune logique autre que le rabot », s’insurge André Laignel, premier vice-président délégué de l’Association des maires de France (AMF) et président du Comité des finances locales (CFL), qui défend les intérêts financiers des collectivités.
5,3 milliards d’euros en moins pour les collectivités locales
Et pour cause : la ponction de 5,3 milliards d’euros annoncée par le locataire de Matignon dans son discours du 15 juillet s’inscrit dans le sillon creusé en décembre 2024 par son prédécesseur, Michel Barnier, qui avait alors exigé un effort, à peu de chose près équivalent, de 5 milliards d’euros.
Le couperet de l’article 49.3 a certes tué dans l’œuf le projet de loi de finances, mais la fronde persistante des élus avait acculé François Bayrou au point de le contraindre à revoir à la baisse ses exigences pour l’année en cours.
Pour le budget 2026, le Premier ministre semble prêt à en découdre. Cette « participation ajustée » de 5,3 milliards d’euros, plus du double des 2,2 milliards d’économies imposées aux collectivités cette année, est même présentée comme clémente car elle équivaudrait à 12 % des 43,8 milliards du plan d’économies, inférieure à « la part des collectivités dans la dépense publique » qui s’élèverait à 17 %, a argumenté le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen.
Dilico : l’épargne forcée version Emmanuel Macron
Comment l’État compte-t-il ponctionner cette manne ? D’abord, par le biais d’un gel partiel des fractions de TVA transférées par l’État, une ressource incontournable pour les collectivités qui perçoivent cette taxe en compensation des recettes perdues avec la suppression de la taxe d’habitation et la réduction de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) décidées par Emmanuel Macron.
Communes, départements et régions toucheraient en 2026 le même montant que l’année précédente et devront donc renoncer au surplus généré par l’évolution annuelle de la TVA, soit 1,2 milliard d’euros qui resteront dans les mains de l’État.
Les ponctions s’appuieront également sur la reconduction du « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités » (Dilico), sorte de mécanisme d’épargne forcée institué en 2025 pour garantir un « fond de précaution » destiné à freiner les dépenses des collectivités présentant des « dépenses de fonctionnement supérieures à 40 millions d’euros ».
Un tour de vis à plus de 10 milliards d’euros
En 2026, non seulement le dispositif, annoncé à l’origine comme provisoire, ne s’éteindra pas, mais son montant sera doublé pour atteindre 2 milliards d’euros, a indiqué la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin. « On est dans la spoliation et la trahison permanente des engagements de l’État », dénonce André Laignel, selon qui les ponctions représenteraient en réalité le double des 5,3 milliards d’euros annoncés.
Si l’on ajoute à ces mesures la hausse de 3 points du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), soit « 1,4 milliard en moins », l’amputation de 900 millions d’euros dans les crédits de la mission cohésion des territoires, la baisse de la compensation des valeurs locatives des locaux industriels (1,2 milliard), le 1,7 milliard de moins sur la dotation solidarité et égalité des chances, la facture totale s’élèverait en réalité à plus de 10 milliards d’euros.
Les quelques contreparties annoncées par François Bayrou, à savoir la possibilité pour les collectivités de revaloriser les impôts locaux en 2026 et le soutien de 300 millions d’euros pour la quinzaine de départements en grande difficulté financière, sont jugées « totalement insuffisant(e)s » par l’élu.
Des répercussions redoutables sur la population
Selon lui, les répercussions de « cette purge » sur le quotidien de la population s’annoncent redoutables, si l’on en croit les premiers effets du budget 2025, qui entrave déjà les élus dans leurs capacités à répondre aux besoins essentiels de leurs administrés : subventions aux associations sportives, qualité de l’alimentation dans les cantines scolaires, temps périscolaires… autant de domaines qui ont été frappés par les restrictions budgétaires massives.
« Il y aura forcément un recul des services publics locaux et des investissements, qui menace de mettre la France en récession », anticipe l’élu qui annonce une mobilisation d’ampleur pour inciter les parlementaires à faire barrage à ce projet à l’automne prochain. Ce sur quoi il semble avoir peu de doutes : « Il n’y a que les médecins de Molière pour croire aux vertus de la saignée ! »
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