L’épidémie de dermatose bovine s’étend malgré les premières mesures (reporterre-23/07/25)

Un vétérinaire vaccine des vaches contre la dermatose nodulaire bovine, le 22 juillet 2025 à Aviernoz (Haute-Savoie). – © Jeff Pachoud / AFP

Trois semaines après les premiers cas de dermatose nodulaire bovine, plus de 500 vaches ont été abattues dans les foyers contaminés en France. Les actions de résistance à ces mesures ont cessé après la découverte de nouveaux cas.

Par Elsa SOUCHAY.

« Il faut reconnaître que la maladie est là. » La voix de Pierre-Jean Duchêne est lourde au micro de France Inter, dimanche 20 juillet, quand il annonce arrêter son combat contre l’abattage de son troupeau, sur la commune d’Entrelacs (Savoie). « Constatant que l’État ne pliera pas, je pense qu’il faut savoir s’arrêter à un moment », dit-il. Résigné plus que convaincu, il avait perdu la veille un recours administratif et constaté de nouveaux cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) dans son troupeau, touché depuis la fin juin.

Après dix jours de mobilisation des éleveurs locaux pour empêcher l’accès à sa ferme aux vétérinaires, les barrages ont été levés lundi 21 juillet. Virus non transmissible et sans danger pour l’humain, la dermatose est en revanche classée au pire niveau de dangerosité pour les bovins, au même niveau que la fièvre aphteuse. Transmis par les piqûres de gros insectes, les taons et les stomoxes, ce virus très contagieux provoque chez les vaches de la fièvre, une baisse de production de lait et des lésions sur les muqueuses.

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La pathologie est fatale pour 10 % en moyenne des animaux contaminés, mais est très contagieuse et peut atteindre la quasi-totalité d’un cheptel, surtout quand les vaches n’ont pas été exposées auparavant à ce virus, jusqu’ici jamais détecté en France.

Campagne de vaccination en urgence

Les regards se tournent désormais vers la vaccination, obligatoire pour près de 275 000 bovins dans cette « zone réglementée » et qui a commencé le 18 juillet. « Les premiers effets du vaccin sont visibles sous dix jours avec une immunité complète obtenue en trois semaines et pendant un an », détaille Stéphanie Philizot, présidente de la société nationale des groupements techniques vétérinaires. Pour elle « la lutte qui se met en place aujourd’hui est capitale pour protéger l’ensemble du territoire », en confinant la maladie dans la zone où elle se trouve.

Pour l’heure, les 34 foyers recensés restent localisés près de la commune d’Entrelacs, mais le virus se propage : un autre foyer a été détecté à Faverges-Saythenex (Haute-Savoie), une trentaine de kilomètres à l’est, où avaient été rapatriées en urgence des bêtes qui pâturaient autour du premier foyer. Un acte qui était pourtant interdit depuis un arrêté du 30 juin prescrivant des mesures d’immobilisation et de limitation des mouvements des animaux jusqu’à 50 km à ronde, y compris entre les différentes parcelles d’un même élevage. Une troisième zone de contagion a été détectée le 23 juillet sur la commune de Hauteluce, 34 km à l’est de Faverges.

« Si on essaye de faire une différence entre les animaux qui présentent des signes d’infection et les autres, on risque de manquer tous ceux en cours d’incubation et les porteurs sains », dit Éric Cardinal, directeur scientifique de la santé animale à l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Or, avec une incubation pouvant durer un mois et des insectes volant jusqu’à 2 km à la ronde, impossible de garantir la protection des élevages voisins tant que des vaches malades sont toujours là.

Mesures d’accompagnement

C’est d’ailleurs autour des premières fermes contaminées que se trouvent les autres foyers français recensés. Avec comme très mince espoir pour ces élevages de peut-être préserver de l’abattage quelques bestiaux, qui se trouvent loin dans les estives, s’ils n’ont pas eu de contact avec ceux restés à l’étable. Au total, selon l’Organisation mondiale de la santé animale, 551 animaux ont déjà été tués le 23 juillet en France et 434 autres en Italie, principalement en Sardaigne.

Stéphane Galais, responsable élevage de la Confédération paysanne, conteste toujours le principe de ces abattages groupés dès les premières contaminations et dénonce « des mesures descendantes très autoritaires sans prise en compte de la complexité des enjeux ». Quid par exemple de l’avenir des cheptels de ces races à faible effectif, comme l’abondance, que des éleveurs savoyards tentent depuis des décennies de sauver par la sélection génétique ? « Quoi qu’il arrive, à la sortie, il faudra ouvrir la discussion sur une autre approche du sanitaire », notamment sur la pertinence des abattages de masse, alerte Stéphane Galais.

La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, qui se rendra sur place pour la première fois jeudi 24 juillet, a annoncé de nouvelles mesures d’accompagnement : avance de trésorerie versée immédiatement après l’abattage, extension des mesures d’indemnisation et accompagnement psychologique. « Nous viendrons lui dire notre refus de sa stratégie inhumaine, basée sur l’abattage total des troupeaux », a annoncé la Confédération paysanne dans un communiqué appelant à la mobilisation lors du déplacement de la ministre.

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Source; https://reporterre.net/L-epidemie-de-dermatose-bovine-s-etend-malgre-les-premieres-mesures

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