Plan contre la fraude sociale : qui sont les vrais fraudeurs ? (IO.fr-6/08/25)

(photo AFP)

Catherine Vautrin, ministre de la Santé et du Travail vient de rendre publiques les dispositions d’un projet de loi contre la fraude sociale. Elle stigmatise les bénéficiaires du RSA, les malades, les chômeurs, alors que les vrais fraudeurs sont les patrons.

Par Soriane FRID.

Dans le cadre d’une interview parue dans le journal Le Parisien du 3 août 2025, Catherine Vautrin, ministre de la santé et du travail a détaillé les dispositions souhaitées par le gouvernement dans le cadre d’un projet de loi contre la fraude sociale.

La ministre s’appuie sur un rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale paru le 25 septembre 2024 et évaluant la fraude sociale à 13 milliards d’euros par an pour justifier son projet. Pour la fraude fiscale qui est évaluée entre 80 et 100 milliards d’euros, les annonces se feront plus tard, selon la ministre. Dans la recherche des 40 milliards d’économies, il y a des priorités pour ce gouvernement, pourquoi commencer là où potentiellement il y a le plus de gras à se faire ? Autant commencer par le plus petit morceau.

Selon le rapport du Haut conseil, la fraude sociale est quasi exclusivement du fait des entreprises.

En effet, l’Urssaf est la première victime de la fraude sociale, avec entre 7 à 9 milliards d’euros de cotisations qui seraient éludées du fait du travail dissimulé1.

La ministre, qui indique dans cette interview que « la fraude sociale est une trahison de celles et ceux qui cotisent pour financer notre modèle social », entend-elle s’attaquer aux patrons qui, non contents de piller notre salaire différé (ou cotisations sociales) à hauteur de 80 milliards d’euros par an, fraudent en plus à hauteur de 7 à 9 milliards d’euros par an ? La ministre annonce-t-elle un vaste plan de recrutement dans les organismes de protection sociale (CPAM, Caf, France Travail) pour garantir des versements à bon droit ?

Que nenni ! En lieu et place d’un véritable plan de lutte contre la fraude sociale, la ministre nous sort son catalogue de stigmatisation populiste et caricatural !

Surfant sur l’idée que les bénéficiaires du RSA ont des résidences à l’étranger ou des comptes offshore, la ministre indique que les organismes de Sécurité sociale (Caf, CPAM…) pourront contrôler les comptes des bénéficiaires de prestations sociales…

Pour les chômeurs, même traitement nauséabond avec l’idée que ceux-ci profitent de leurs allocations pour bronzer au soleil, avec obligation d’avoir un compte en France ou en Union européenne (à noter que l’UE, ce n’est pas l’étranger pour la ministre).

Or ces types de contrôles existent déjà dans les organismes de Sécurité sociale et l’efficacité est limitée pour la simple et bonne raison que quand on est pauvre, ben on est pauvre.

Un seul but aux annonces ministérielles : protéger les vrais fossoyeurs de la protection sociale

Malheureusement, cette énergie déployée pour décortiquer la vie des assurés se fait au détriment de l’accueil de ceux-ci. En effet, les moyens ne sont plus mis dans l’accueil et le traitement des dossiers et cette situation fait qu’en moyenne le non-recours aux droits touche entre 30 et 40 % des assurés, allocataires ou pensionnés. Et que dire des erreurs dans les versements de prestations (souvent au détriment des bénéficiaires) du fait des outils défectueux et du manque de personnel ?2

Concernant l’utilisation de faux Rib, ici aussi, il s’agit de jouer sur les fantasmes racistes car depuis la LFSS 2023 vous ne pouvez pas saisir de Rib hors Sepa3 pour les prestations sous conditions de résidence. De plus, selon les chiffres de la Cnaf (Caisse nationale d’allocations familiales), les Rib frauduleux concernent pour 1/3 des Rib européens, pour 2/3 des Rib français. Mais la ministre préfère faire croire que les allocataires vont au bled avec les allocations plutôt que de toucher à ses copains !

Cette même ministre continue encore en s’attaquant aux malades. Une véritable obsession ! Alors que le gouvernement entend liquider le service du contrôle médical, celle-ci ose encore parler de la fraude aux arrêts maladies alors que depuis le 1er juillet, un nouveau Cerfa est déployé, rendant la fabrication de faux arrêts impossibles ! Elle se fait l’écho de Bayrou qui ,dans son allocution, indique que « la santé ne peut pas être un marché où les consommateurs sont sans limites. »

Mais la meilleure annonce est celle-ci : la ministre propose d’instaurer une CSG à hauteur de 45 % sur les revenus illicites ! Les dealers et proxénètes n’ont qu’à bien se tenir, demain ils verront la CSG appliquée sur les produits de leurs business !

Ces annonces n’ont qu’un but, protéger les vrais fossoyeurs de notre protection sociale et jeter en pâture les bénéficiaires de la solidarité ouvrière !

Ces annonces risquent au passage d’aggraver les non-recours aux droits car une étude publiée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) révèle que le non-recours aux prestations sociales serait lié à la crainte des conséquences négatives, dont l’obligation de remboursement ou perte d’autres droits et le souhait de s’en sortir par soi-même, sans dépendre de l’aide sociale ou de ne pas être considéré comme un assisté.

°°°

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/08/06/plan-contre-la-fraude-sociale-qui-sont-les-vrais-fraudeurs/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/plan-contre-la-fraude-sociale-qui-sont-les-vrais-fraudeurs-io-fr-6-08-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *