
Par Jean-Luc MELENCHON.
Les incendies monstrueux dans l’Aude après ceux de Marseille sont le résultat prévisible du refus et du mépris des gouvernements pour toutes les alertes écologiques et budgétaires depuis plusieurs années. En particulier celles des députés et militants insoumis. Je renvoie à ce sujet au rapport présenté par le député insoumis Damien Maudet qui est on ne peut plus clair sur le sujet. Son intervention sur RTL résume bien la situation et les responsabilités.
Les dégâts matériels, les blessures innombrables de la biodiversité, les milliers de personnes et de professionnels exposés aux risques de la lutte contre l’incendie, rien de tout cela ne tient à la fatalité. Tout est politique. Ce sont des choix politiques persistant au niveau global, on le sait, qui sont à l’origine du changement climatique. Mais dans le cas concret, la désinvolture dans la prévention et dans la préparation des moyens de lutte sont toutes liées directement aux choix politiques des gouvernements qui ont ruiné la France, détruit l’Etat dans le but de permettre au marché d’occuper la place tenue hier par les services publics. Naturellement cela n’a pas eu lieu. Le capitalisme français est globalement parasitaire : il prend, ne donne que très peu et n’investit quasiment pas. Mais l’intention est là. Comme aux USA en Californie, le changement climatique et la peur des incendies, ce sont d’abord des opportunités de bonnes affaires : celles des compagnies d’assurance, des sociétés privées de prévention des risques et des marchands d’eau. Mais comme le désastre californien l’a prouvé, ce type d’économie du malheur ne peut pas vraiment fonctionner. Quand l’eau devient plus chère quand on a besoin alors celle qui ne peut être achetée parce que soit trop chère soit déjà monopolisée alors tout brûle à loisir et les coups financiers ne sont pas compensés par les primes d’assurances. Et ainsi de suite. L’œuvre nocive de l’Union européenne doit aussi être mentionnée. Elle veut mettre un terme au système français du volontariat des pompiers. Ce serait de la concurrence déloyale à l’égard des sociétés privées qu’elle voudrait voir exister en France à leur place. Dans la confusion actuelle, ne perdez jamais de vue que la guerre de la finance contre les droits des peuples est permanente et universelle. La France réelle et concrète façonnée par l’histoire de ses luttes et conquêtes est détruite méthodiquement par une politique qui méprise les exigences du vivant dans la nouvelle ère climatique. Le prochain projet de budget de Bayrou va encore aggraver la précarité des moyens dans ce domaine aussi. Ce ne sera ni un hasard ni une erreur de calcul mais la volonté maintenue et acharnée de continuer le plan de marche des néolibéraux. Et maintenant tout le monde a compris que ce plan ne marche pas, qu’il ne conduit qu’à l’enrichissement de poignées de gens au détriment de tous et de la société humaine dans son ensemble. Ce plan a dorénavant un visage celui de Von der Leyen et de la vassalisation acceptée. Il ne faut pas perdre de vue cette composante du moment politique :la faillite économique, morale, intellectuelle du système dans l’esprit du très grand nombre. C’est un atout décisif dans la maturation de la révolution citoyenne qui mûrit si vite en ce moment.
La censure de la loi Duplomb est une étape cruciale où l’activité populaire se renforce par sa mobilisation et la combinaison de cette activité avec celle de la gauche radicale institutionnelle. Les insoumis ont été à l’initiative d’un recours au Conseil Constitutionnel qui a rallié des signatures de toute la gauche parlementaire. Quand le recours fut déposé, peu de commentateurs croyaient à la victoire finalement obtenue. Entre-temps a eu lieu la mobilisation spontanée avec la pétition qui a reçu très vite ses renforts militants naturels. De plus, une mobilisation argumentée s’est déployée à l’initiative des sociétés savantes et d’autorités scientifiques indépendantes. On aura noté le silence complice des ARS qu’aucune politique de prévention de la santé n’intéresse, toutes occupées qu’elles sont par le rabattage de clientèle de malades vers le secteur privé. Ici c’est une première grande victoire contre la loi pesticide et son univers. Surtout par la convergence qu’elle a permise dans ce front uni par l’intérêt général humain ! L’autre victoire est que désormais la question agricole revient en discussion sur une nouvelle base, la seule qui vaille, celle qui peut unir les Français sur une nouvelle base : la santé publique et la souveraineté alimentaire. Cet axe, c’est celui que poursuivent conjointement les insoumis et d’amples secteurs de professionnels de l’agriculture. A partir de là, une nouvelle fois une conjonction de masse est possible. Les deux millions de signatures sur la pétition représentent cinq fois la population active agricole totale. Sans oublier que nombre de professionnels de l’agriculture ont eux-mêmes soutenu et activement participé à cette mobilisation comme j’ai pu le constater en participants au rassemblement syndical au invalides en juillet.
La loi Duplomb a été soutenue fortement par le gouvernement et votée au début de l’été par l’extrême droite, la droite et une majorité du « bloc central ». Chacun savait pourtant sans l’ombre d’un doute à quoi s’en tenir sur le lien entre l’épidémie des cancers et maladies neurodégénératives et les pesticides. Les sociétés savantes, les autorités scientifiques et professionnelles qui ont présenté leurs observations en appui au recours devant le conseil constitutionnel ont été parfaitement claires. Elles ont déclaré être « confrontés au quotidien à l’augmentation des cancers, dont l’incidence a doublé en 30 ans. Une partie de cette augmentation est explicable par le vieillissement de la population, mais ce phénomène n’explique pas l’augmentation des cancers de l’enfant (de 26% entre 1980 et 2000 ou des cancers des adultes jeunes (de 80% en 30 ans). Aussi, l’INC a estime que près de la moitié (47%) du doublement des cas incidents de cancers chez les femmes depuis 1990 s’explique non pas par des facteurs démographiques, mais par une augmentation des expositions aux cancérogènes. Au regard du lien reconnu par l’Inserm entre l’exposition aux pesticides et l’occurrence de certains cancers (prostate, lymphomes, myélome, leucémies et tumeurs cérébrales de l’enfant), il ne fait pas de doute qu’une partie de cette « épidémie » de cancers est liée à l’utilisation de ces produits. Au-delà des cancers, les pesticides sont associés aux maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer, dont la fréquence augmente également, à la bronchopneumopathie chronique obstructive, etc. »
Le but désormais est d’élargir et d’étendre le combat sur ces nouvelles bases déjà jusqu’à l’abrogation complète de la loi. C’est le seul moyen d’éviter de reproduire les erreurs du passé, responsables de catastrophes sanitaires majeures comme celles de l’amiante ou du chlordécone. Nous voulons surtout une deuxième délibération du texte de loi. Le combat gagnant est possible et nécessaire. Car de leur côté les amis de l’industrie des pesticides expriment une rage révélatrice. Ainsi quand Laurent Wauquiez, président du groupe parlementaire LR gémit : « Difficile (…) de trouver normal que le Conseil constitutionnel décide à la place des élus d’interdire ce qui était autorisé il y a 5 ans. Le niveau d’ingérence des juges constitutionnels devient un vrai problème pour notre démocratie. » Ou que l’auteur de la loi du lobby de l’agriculture chimique, le sénateur Laurent Duplomb, LR pleure : « La censure sur la réintroduction de ce pesticide va conduire inexorablement à encore plus d’importations avec de l’acétamipride et de moins en moins de productions françaises victimes d’impasses techniques ». N’oublions pas les nouveaux amis des pesticides au RN comme Sébastien Chenu : « Adieu la betterave et le sucre Français, Adieu la filière noisette française… Adieu l’agriculture française, bonjour les importations. Encore un secteur saccagé. » Plus direct et violent, la FNSEA qui s’est aventurée dans un soutien sans faille à cette loi de provocation maintient sa stratégie de combat frontal en faveur des pesticides. Pour Jérôme Despey, FNSEA, la censure est : « un choc, inacceptable et incompréhensible (…) C’est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions » du droit européen qui autorise l’acétamipride jusqu’en 2033 dans l’Union européenne. Seule la Confédération Paysanne est restée dans le camp de l’intérêt général de la santé publique. Elle montre que cette censure partielle ne règle pas tout pour autant. : « Cette décision n’est qu’une victoire en demi-teinte. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour notre santé, pour la filière apicole et pour la biodiversité de manière générale (…) les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible. » Les insoumis pensent de même. Et de son côté la Ligue contre le cancer a exprimé une satisfaction vigilante et elle témoigne ainsi de la nouvelle conjonction de forces sur la ligne de la prévention au service de la santé publique : « La vigilance demeure », « l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) établit depuis 2013 un lien entre l’exposition aux pesticides et certains cancers. » Dans le même registre les victimes des pesticides comme Fleur Breteau de « Cancer colère » s’affirment : « Pour nous, la loi Duplomb dans son entièreté aurait dû être abrogée, c’est une loi complètement archaïque qui défend un modèle d’agriculture qui est très dommageable, qui nous fait du mal, qui nous empoisonne. (…) Ça montre une chose, ça montre que le rapport de force fonctionne. » Nous pensons exactement cela. Nouveau front, nouvelle conjonction de forces, nouveau rapport de force, la question agricole change de siècle et de priorités !
Les coups de menton contre l’Algérie montrent qu’il n’en va pas de même dans des domaines où les brûlures de l’Histoires devraient avoir engendré plus d’expérience et de leçons qu’on ne le voit. L’agressivité des gouvernants français affligent, inquiètent et désespèrent : il va falloir encore subir deux ans de ce gâchis permanent qu’est la politique internationale de la Macronie. Maintenant que la survie du gouvernement macroniste vit de la ronde où se tiennent par les barbichettes la droite extrême et de l’extrême droite n’importe quelle pantalonnade désastreuse est devenue possible. Le désastre algerien est servi. Après avoir fait expulser la France de presque toute l’Afrique, Macron a décidé d’accompagner les provocations de son ministre de l’Intérieur contre l’Algérie au moment où celui-ci fait la danse du ventre aux nostalgiques de la colonisation et aux arabophobes. Le chemin pris est un tissu d’absurdités mutuellement désastreuses pour les deux pays et les deux peuples. L’Algérie est le mirage mortel des rêves de puissance des impuissances politiques des dirigeants français depuis 1830 et l’invasion de l’Algérie. La monarchie restaurée des bourbons voulait renouer avec la gloire de l’Empire en passant par une porte ou elle ne déclencherait pas une nouvelle mobilisation de toute l’Europe féodale contre la France. L’échec fut immédiat, total et durable. La résistance des Algériens commença sitôt l’invasion. Et sous une forme ou sous une autre elle ne se relâcha jamais jusqu’à l’indépendance de 1962. Elle fut nourrie et attisée par la cupidité des grands colons, l’acharnement du lobby colonial qui tirait les ficelles de toutes les combinaisons politiciennes gouvernementales. La politique de peuplement fut un échec aussi total compensée par un véritable ratissage des pauvres de toute l’Europe du sud dont mes ancêtres qui y moururent aussi pauvres qu’ils étaient arrivés. Et bien sûr et avant tout par le refus continuel du seul principe qui aurait pu changer la donne : l’égalité des droits. Lisez Camus sur le sujet avec son enquête dans les Aurès et vous aurez une bonne vision de ce que qu’était la situation à ce sujet. Cette règle reste, dans une nouvelle donne, le seul principe qui vaille. L’âge des colonies et de la suprématie européenne est fini, bien fini et tant mieux. La stratégie du choc avec le gouvernement algérien ne mène nulle part. Elle renouvelle les mirages lamentables du passé. D’ailleurs aucun dirigeant français ne serait capable de dire ce qu’il veut réellement obtenir. Ah si j’ai lu : « le respect ». Je me crois assez liée au Maghreb pour pouvoir dire que ce n’est pas de cette façon grossière qu’il se gagne dans la relation avec les peuples du Maghreb. A l’heure ou de son côté le roi du Maroc tend la main pour trouver une issue pacifique et mutuellement consentie avec son voisin, les Français sont donc les seuls à maintenir un vocabulaire de combat de coq. En poussant les Français au divorce avec le Maghreb, la Macronie commet une faute dont notre pays ne se relèvera pas aussi facilement que le croient ses élites gouvernementales obtuses et les divers lobbys à l’œuvre chacun pour leur petite cuisine. Comme je l’ai dit à Marseille devant des milliers de gens en 2016 : il n’y a pas d’avenir durable pour la France sans ou contre le Maghreb et ses peuples. Car si les indépendances ont mis fin aux divers avatars de la colonisation, fort heureusement il n’a pas mis un terme à l’appétit que les peuples ont pour la fraternité mutuelle. Que cela plaise ou pas aux recroquevillés et rabougris de toutes les variétés politiques françaises, nos peuples sont familialement, culturellement, économiquement et spirituellement intriqués. Sur chacun de ces points la politique de Retailleau à laquelle Macron s’est soumis est une violence insupportable. Elle ne mène nulle part sinon à de nouvelles déroutes et blessures. Et surtout à de profondes et inutiles déchirures dans notre peuple tel qu’il est, dans la France telle qu’elle est comme « Nouvelle France » qui doit travailler avant tout à son unité et à maîtriser son déploiement vers le monde.
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Source: https://melenchon.fr/2025/08/08/incendies-duplomb-algerie-les-nuls-nous-fatiguent/
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