
Par sa politique de désertification agricole et de démantèlement des services publics, le gouvernement. Notre article, suivi du témoignage d’un pompier de l’Aude.
Par Gérard LUIGGI .
Les analyses, les rapports, les études s’accumulent depuis des dizaines d’années pour rassembler les causes du déclenchement des incendies.
L’une des études les plus importantes, publiée en 2021 par les Cahiers de la Méditerranée, intitulée « L’impact de l’agriculture sur les incendies de forêts et leur propagation dans les régions méditerranéennes françaises », est cosignée par plusieurs chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Rennes, Avignon et Corte.
Ils écrivent notamment ceci : « Peu d’études concluent que la dynamique météorologique est la principale cause des incendies de forêts : il y a un quasi-consensus pour mettre en exergue l’impact de l’utilisation de la couverture des sols sur l’occurrence et l’étendue des incendies. »
Si donc il y a réchauffement, sécheresse, vents violents, etc., la probabilité de déclenchement des incendies a comme première cause l’activité humaine, et notamment celle relative à l’usage des sols, comme ils l’indiquent : « Les espaces naturels sont dominés par une végétation méditerranéenne (…), qui correspond soit à un état issu de la dégradation des forêts après incendie, soit à l’abandon agricole ». Messieurs Macron et Bayrou n’ont sans doute pas lu ces documents, affirmant dans toutes leurs interventions que toutes ces catastrophes ont pour seules origines « le changement climatique » et « l’irresponsabilité des citoyens ».
Des dizaines d’années de régression agricole
Comme le soulignent les chercheurs de l’Inra, l’abandon agricole est une donnée majeure de l’explosion du nombre d’incendies, et la région des Corbières en constitue l’exemple le plus frappant : l’arrachage des vignes y a atteint un record, avec plus de 5 000 hectares de vignoble détruits, soit 7 % du patrimoine viticole audois.
La presse régionale du Sud-ouest se fait l’écho du désespoir des vignerons qui se voient poussés par les gouvernements successifs à détruire l’œuvre de leurs parents, avec les « primes à l’arrachage » de 4 000 € l’hectare, et qui rappellent le rôle de « coupe-feu » que constituaient les vignobles. « Il y a 20 ans qu’on a dit qu’un tel feu va arriver, et aujourd’hui on y est. Maintenant il faut tout faire pour que ça ne se reproduise pas, le jour où la vigne disparaît dans les Corbières, ce sera cet incendie multiplié par 5 ou 10 ! » ont fait savoir les viticulteurs de l’Aude au Premier ministre, mercredi 6 août. Une interpellation appuyée par la chambre d’agriculture régionale et le sénateur PS et vigneron des Corbières, Sébastien Pla : « 40 ans en arrière, il y avait de l’élevage, de la polyculture, des vignes partout, et il n’y avait pas d’incendie, c’est la meilleure prévention possible. Ça fait quelques années que nous alertons les ministres (…). »
Pour les intérêts de qui ?
Les primes à l’arrachage sont appelées « arrachage Ukraine », car elles sont financées par des fonds européens destinés au soutien des exploitations viticoles françaises affectées par les conséquences de la guerre en Ukraine, guerre que soutient Macron. Résumons : guerre en Ukraine = effondrement des ventes des vignobles = arrachage massif des vignes pour cause de surproduction. L’économie de guerre, c’est la destruction des vies et du travail productif, notamment agricole. Mais également des moyens humains et matériels pour combattre le feu : Macron avait promis en 2022 de passer de douze à vingt-six Canadair. À ce jour, le nombre est resté à douze.
Toutes les professions agricoles savent ce qu’elles veulent, comme le rappelle le président des vignerons audois, Damien Onorré : « Le département est en train de mourir à petit feu ! Il ne restera qu’un désert de cendres si on périt. Depuis des années, on demande de l’irrigation, rien n’est fait ».
Mais qui a en responsabilité l’aménagement du territoire, la gestion des ressources en eau, la prise en compte des risques ?
Ces missions sont à la charge de la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Mme Pannier-Runacher, et du ministre du Territoire et de la Décentralisation, M. Rebsamen.
Étrangement, ils ne figuraient pas dans la délégation accompagnant le premier ministre Bayrou dans l’Aude. Ce furent le ministre de l’Intérieur, donc de la police, et son ministre délégué François-Noël Buffet, qui ont tenu à souligner : « On laisse s’installer les broussailles à la place des cultures, (…) il faut une police municipale pour une coercition et des sanctions, face à l’irresponsabilité, aux négligences, fortement ».
Les ministères précités ont en charge l’application des codes de l’urbanisme et forestier. Mais pour les faire appliquer, il faut des fonctionnaires. Or les Directions départementales des territoires (DDT) ont subi des années de réduction continuelles des effectifs. Pour ces seules 10 dernières années, moins 34 % des effectifs, soit plus de 12 000 postes ont été supprimés.
Non, Messieurs Retailleau et Buffet, les citoyens ne sont pas des irresponsables qu’il faudrait donc sanctionner. Il faut recréer les équipes des DDT pour faire appliquer par exemple le code forestier qui stipule que « les périmètres des OLD (obligation de débroussaillement) doivent être cartographiés dans les PLU (plan d’urbanisme) de chaque commune soumise au risque incendie ».
« ON MET NOS VIES EN DANGER A C AUSE DES RESTRICTIONS BUDGETAIRES » Un pompier syndiqué (Aude) rapporte à Informations ouvrières « Il faut savoir que les choses se sont modifiées. Il ne faut pas oublier le feu à Narbonne début juillet. 2 000 hectares brûlés. On a affaire à des conditions météorologiques nouvelles. La règle des trois 30 : force du vent, température, hydrométrie devient la norme. En été, on était habitué à des feux qui ravageaient environ 600 hectares (…). Dorénavant, ce sont des méga feux qui dépassent la capacité des moyens engagés. Le feu de Ribaute avançait à 6 km/h soit 1 hectare brûlé par heure. On découvre quelque chose de nouveau et le manque de moyens énorme pour des incendies aussi gros. « Le gouvernement a annulé la commande des canadair et dans le même temps dépensait des millions pour les Rafale« On est confronté à de grosses carences de l’État. Pour la flotte aérienne, Macron avait promis en 2022 après les feux en Gironde, deux Canadair supplémentaires puis dix sur les cinq années à venir. En réalité, un seul a été livré en remplacement d’un parti à la casse. Au final le même nombre pour une situation qui empire.Macron avait promis la mutualisation des moyens européens. Macron était directeur de la sécurité civile européenne, il pouvait agir, il n’a rien fait. Bayrou est occupé par son budget d’austérité, on sait qu’il ne fera rien. Jusqu’en 2020, il y avait deux trackers à Carcassonne, ils pouvaient intervenir en moins de 5 minutes sur les feux naissants.Avoir très rapidement les moyens aériens c’est essentiel, la meilleure réponse c’est la rapidité. Les canadairs sont trop loin, ils arrivent trop tard. On n’a plus rien dans le département. Ça coûterait beaucoup moins cher de préparer plutôt que de réparer. Le feu de juin a coûté 65 millions d’euros ! Le gouvernement a annulé la commande des Canadair et dans le même temps dépensait des millions pour les Rafale. « On est mal équipé, les tenues sont étouffantes, les moyens ne sont pas appropriés « J’aimerais les voir en plein soleil, on est mal équipé, les tenues sont étouffantes, les moyens ne sont pas appropriés. Le département de l’Aude est très pauvre et la politique menée par l’État et le département le maintient dans cette pauvreté. Nous avons seulement deux camions pour l’Aude. La répartition mise en place par le gouvernement est anarchique, un département breton de la même taille que le nôtre en a dix-sept alors que les risques sont ici. (…)Concernant les effectifs, grâce à la grève de l’an dernier, on a obtenu 33 postes de pompiers professionnels pour le département. La grève était puissante, majoritaire, on demandait cent postes ce qui correspond aux besoins, on en a eu trente-trois. Actuellement pour le département, il y a trente-trois postes à Narbonne et trente-trois à Carcassonne. La seule ville de Béziers en a cent cinq, l’Aude est déficitaire. La répartition s’effectue sur la base de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), c’est la taxe sur le nombre d’immatriculations dans le département. C’est complètement absurde. (…)Pour le matériel c’est pareil, nous avons des pantalons de protection vieux, inadaptés. On n’en a pas assez, quelquefois on est obligé de se les prêter. « À la rentrée, on va demander au département les moyens qui manquent » On va laisser finir la saison mais c’est sûr qu’à la rentrée, on va demander au département les moyens qui manquent : camions, postes et matériel. On ne peut pas continuer dans des conditions pareilles, ça suffit de mettre nos vies en danger.On est fatigués, on est irritables. Émotionnellement, on a ramassé : malaise, épuisement… En plus des interventions sur les feux, il faut faire face aux interventions courantes : accidents de la route, noyades, suicides (en moyenne c’est deux cents par mois). Comme il manque des postes, la hiérarchie ne regarde plus les temps de repos. (…) Plus rien n’est respecté, pendant le feu j’ai travaillé trois jours d’affilée sans m’arrêter.Nous ne mettrons plus nos vies en danger à cause des restrictions budgétaires Nous allons mettre noir sur blanc nos revendications, nous irons les porter au Conseil départemental : les postes nécessaires, le nombre de camions, des équipements et du matériel adapté, spécifiques aux feux de forêt. Nous ne mettrons plus nos vies en danger à cause des restrictions budgétaires. |
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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/08/16/incendies-dans-laude-le-gouvernement-est-responsable/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/incendies-dans-laude-le-gouvernement-est-responsable-io-fr-16-08-25/