Arrêt maladie : comment le gouvernement veut dépenser le moins possible (IO.fr-20/08/25)

(photo AFP).

Pour le gouvernement Bayrou (comme pour les autres) ce n’est pas normal que le poids des indemnités journalières augmente dans le budget de l’Assurance maladie, osant même indiquer que la moitié des arrêts longue durée de plus de 18 mois seraient injustifiés.

Par Soriane FRID.

Françaises, Français il y a un problème dans les finances de ce pays et c’est la faute des salariés qui abusent des arrêts maladie. Donc il faut s’attaquer à ceux-ci…

Ce résumé qui peut sembler caricatural reflète ici l’orientation du gouvernement.

Pour celui-ci, le problème n’est en rien lié aux 80 milliards de fraude fiscale ni aux milliards de fraude sociale.

Le problème ne vient pas des dizaines de milliards de cadeaux faits aux patrons entre les cadeaux fiscaux et les exonérations de cotisations sociales.

Non, le problème ce sont les travailleurs malades.

Et cet acharnement contre les arrêts maladie ne date pas du mois de juillet 2025.

En effet, même si on a oublié le personnage, tout le monde garde en tête les propos de Bruno Lemaire, vous savez, l’ancien ministre de l’Économie qui prétendait le 18 avril 2023 qu’une partie de la fraude sociale était du fait des musulmans qui envoyaient leurs allocs au Maghreb (ça rappelle quelqu’un).

Ce ministre (alors démissionnaire), avait déjà les mêmes arguments que Bayrou lors de son audition en commission des finances le 9 septembre 2024. Pour lui : « Notre modèle social, c’est ça qui risque de faire réellement déraper les comptes publics dans les années à venir », en ajoutant que les arrêts maladie étaient entre autres la cause de tous les maux du pays.

En 2024 comme en 2025, pour la macronie, le déficit de la Sécurité sociale ne vient pas des 80 milliards d’exonérations de cotisations et aux 10 milliards de fraude patronale, il est dû aux français malades !

Le gouvernement ne cesse de parler de l’envol du coût des arrêts maladie en martelant le fait que cela représente 16 milliards d’euros pour 2024.

Éléments de langage repris volontiers par Catherine Vautrin dans le cadre du service après-vente du projet gouvernemental, quitte à distiller des infox dans le but de jeter les salariés malades à la vindicte populaire.

Ce montant peut donner le tournis mais il est à relativiser car cela ne représente que 6,35 % du budget de l’Assurance maladie (252 milliards de budget pour 2024).

les vraies raisons de l’augmentation (relative) du coût global des arrêts maladie

Tout d’abord, le montant des indemnités journalières est corrélé à l’augmentation des salaires.

Il faut savoir que les indemnités journalières (IJ) ne sont pas des allocations mais des revenus de remplacement. Cela signifie que les IJ sont calculées sur la base de votre salaire.

Donc, quand le Smic augmente, le montant des indemnités journalières est revalorisé vu que celui-ci est calculé sur le salaire.

Néanmoins, afin de ne pas nourrir de nouveaux fantasmes, si en montant global les indemnités journalières ont progressé du fait de l’évolution du Smic et des salaires, il faut relativiser.

Selon la Cnam toujours, le montant journalier moyen des indemnités journalières, passé de 31 euros en 2010 à 33 euros en 2019, puis à 36 euros en 2023… pas de quoi faire la fiesta…

Une explication de l’augmentation du nombre d’arrêts maladie est liée au vieillissement de la population active qui a subi de plein fouet les contre-réformes sur la retraite. L’abrogation de la réforme des retraites est la solution si on veut réduire le nombre d’arrêts expliqué par le fait que les corps sont usés.

Ces deux explications sont attestées par la Cnam elle-même :

« Cette progression s’explique à 60 % par des facteurs démographiques (augmentation et vieillissement de la population salariée) et économiques (hausse du salaire moyen ou du Smic) »1.

Pour les autres arrêts (qui représentent 40 % de l’augmentation) l’explication est donnée dans ce rapport. Cette augmentation est due à la dégradation des conditions de travail2.

En effet, les motifs d’arrêts les plus récurrents sont les arrêts pour dépression (33 %) suivis des troubles musculosquelettiques (32 %).

Comment ne peut-il pas en être autrement avec les attaques régulières contre le Code du travail et le poids des syndicats dans les entreprises ?

Concernant les arrêts de longue durée non justifiés, Bayrou et Vautrin auraient mieux fait de vérifier leurs fiches avant de causer.

En effet, selon les données de la Cnam, les arrêts sont, pour l’écrasante majorité, justifiés.

Sur l’année 2024, plus de 1 200 000 arrêts maladie ont été contrôlés par le service du contrôle médical pour 78 000 notifications de reprise du travail notifiées (reprise de travail ne voulant pas dire que l’arrêt n’est pas justifié).

Les saillies du gouvernement ont même contraint la Cnam à démentir l’infox relayée par Bayrou comme nous l’avons appris dans un article du Canard enchaîné3.

Le problème de l’Assurance maladie n’est donc pas dans le fait que les gens soient en arrêt maladie.

Dans un contexte où à longueur de journée les médias distillent le discours de la quasi-faillite du pays et la nécessité de se préparer à la guerre, la Sécurité sociale symbolise l’eldorado qu’il faut piller ! Mais pour pouvoir mettre définitivement la main sur le magot de la Sécu, il faut s’attaquer aux ordonnances du 4 octobre 1945 et au code de la Sécurité sociale.

En effet, en ne garantissant plus la protection des travailleurs et de leur famille contre les aléas de la vie (ici la maladie), c’est l’article 1er des ordonnances du 4 octobre 1945 qui est visé et donc toute la Sécu qui prévoit :« Il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent. »

Cheval de Troie contre les conventions collectives

Une des mesures phares du gouvernement consisterait à passer le nombre de journées de carence4 de 3 à 7 jours.Cette mesure contre les arrêts maladie représentant une formidable opportunité pour le patronat qui complète le manque à gagner entre les indemnités journalières et le salaire réel.En effet, une enquête émanant de la Protection sociale complémentaire d’entreprise (PSCE) de 2009 révélait que : « Pour plus de 80 % des salariés, la prise en charge était totale au 4e jour et au 7e jour. L’enquête PSCE de 2017 précisait que deux tiers des salariés travaillaient dans un établissement dans lequel l’employeur prenait en charge les trois premiers jours de carence avec des variations selon la catégorie socioprofessionnelle, le type de contrat de travail ou la taille des entreprises. Par exemple, 84 % des établissements de plus de 500 salariés prennent en charge les jours de carence alors que moins de 40 % des établissements de moins de 10 salariés proposent cette couverture. »Ces annonces ne devant pas pénaliser le capital, le Medef et de la CPME ont d’ores et déjà indiqué leur ferme opposition au fait qu’ils aient à payer les journées de carence supplémentaires voulues par le gouvernement car en l’état actuel des choses, ils sont contraints de payer du fait de l’existence de conventions collectives protectrices.

Pour faire passer leur projet, il faut au gouvernement la collaboration des syndicats

C’est pourquoi une « négociation » des partenaires sociaux est prévue en septembre avec le but affiché par Bayrou le 15 juillet dernier d’aboutir à « une réforme structurelle visant à responsabiliser les entreprises sur la prévention et les salariés contre les arrêts abusifs en intégrant la réforme des indemnités journalières ».Pour pouvoir satisfaire le patronat, le gouvernement ultra-minoritaire doit avoir l’appui des confédérations syndicales et il peut compter sur le soldat Fatome, l’actuel directeur de la Cnam, nommé par leurs soins pour développer leur programme.C’est dans ce contexte que les annonces de Vautrin ne sont pas le fruit du hasard.Elles s’appuient sur les 60 mesures du rapport Charges et roduits de la Cnam5, adopté le 3 juillet dernier lors du conseil de la Cnam grâce notamment aux voix de la CFDT, de l’Unsa et de la CFE-CGC.Aux chantres du paritarisme, voilà à quoi ça sert, donner une virginité sociale au gouvernement pour remettre en cause les droits et acquis des travailleurs.Mais nous le disons haut et fort : Il n’y a rien à négocier, il faut organiser urgemment le rapport de force pour les bloquer.Au même titre que le conclave sur les retraites, il faut boycotter cette future négociation sur les indemnités journalières.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/08/20/arret-maladie-comment-le-gouvernement-veut-depenser-le-moins-possible/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/arret-maladie-comment-le-gouvernement-veut-depenser-le-moins-possible-io-fr-20-08-25/

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