Morts au travail ? Non, morts de la déréglementation généralisée (IO.fr-18/08/25)

Familles de victimes de travailleurs décédés d’accidents du travail manifestent (2023). Chantier près de Poitiers (photos AFP).

738 salariés sont décédés d’un accident de travail en 2022, 759 en 2023. Des drames en continuelle augmentation, probablement sous-estimés, conséquences d’une suite de mesures de déréglementation.

Par Kévin CREPIN (Tribune Libre)

Ce 16 juillet en Vendée, un jeune de 19 ans est mort sur son lieu de travail, enseveli sous du bitume à 200 degrés. Les accidents du travail de jeunes morts au travail se succèdent. Six jeunes en deux mois, dont quatre mineurs. Trois étaient en stage en entreprise, de cette main-d’œuvre gratuite et sans formation fournie par les gouvernements successifs. Un jeune de 16 ans écrasé le 17 juin par une palette dans un Gifi dans la Manche.

Un lycéen en bac pro âgé de 17 ans, est écrasé le 16 mai sous une poutre métallique de 500 kg, dans une usine de Saône-et-Loire, stage dès la troisième, stage de seconde…

Ces stages sont désormais généralisés tout le long du parcours scolaire, du collège à l’enseignement supérieur, quel que soit le parcours et le type d’études suivis. Une destruction scolaire qui s’accompagne d’une transformation de la jeunesse en chair à patron. Dans le même temps, Macron procède à la liquidation des lycées professionnels, qui assuraient une vraie formation qualifiante, intégrant les questions de sécurité au travail.

Si les jeunes sont loin d’être épargnés, c’est par ailleurs toute la population salariale du pays qui est touchée par cette vague d’accidents mortels.

La France a plus de 4 fois plus d’accidents du travail mortels que l’Allemagne, l’un des pires chiffres du classement, rapporté à la population salariée. En valeur absolue, il s’agit de 738 morts en 2022. En hausse en 2023 avec 759 morts. Faut-il s’en étonnera ?

Suppression des CHSCT, destruction de l’inspection du travail

C’est d’abord la loi Rebsamen, en août 2015, sous le gouvernement PS de François Hollande, qui a ouvert la boîte de Pandore en attaquant les moyens des représentants du personnel, et notamment les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (les fameux CHSCT). Dotée de représentants avec des heures de délégation, l’instance pouvait mener travail d’enquête, visite de terrain, pour surveiller le respect des règles de sécurité et des conditions de travail.

Un travail parachevé par les ordonnances de Macron en 2018, qui ont liquidé l’instance, conférant leurs missions au Comité social et économique (CSE) sans en donner les moyens.

Des moyens, l’inspection du travail, saignée dans ses effectifs comme l’ensemble de la fonction publique, en manque cruellement. On trouve en France un agent de contrôle pour 13 200 salariés, et une pléthore de postes non pourvus (près de 20 % !). Bien en deçà de la norme de l’Organisation internationale du travail (OIT) (pourtant déjà très faible) d’un agent pour 10 000. Mais au-delà des effectifs, c’est aussi la question de ses pouvoirs qui est posée.

Le même ministre du Travail « socialiste » Rebsamen a supprimé l’enquête obligatoire pour solliciter l’autorisation par un inspecteur du travail de faire faire des travaux dangereux pour un mineur. Remplacé par un simple déclaratif… Le mouvement global depuis des années est à la création, les uns après les autres de pouvoir administratifs, en lieu et place du droit pénal au travail.

Conséquence de cette « dépénalisation » du droit du travail : le nombre de procès-verbaux qui lui parviennent encore. La menace de peines de prison pour le délit d’entrave (le fait d’empêcher les représentants du personnel de pouvoir assurer leurs missions) a ainsi été supprimée par Macron, au profit d’une amende de 7 500 euros.

Des accidents du travail nettement sous déclarés

Il faut ajouter que les déclarations d’accident du travail ont souffert de la même évolution. Alors que la France a le taux le plus élevé d’Europe pour les accidents non mortels (3 364/100 000 salariés en 2021), tout est fait dans les entreprises pour encourager à la sous déclaration.

Un état de fait connu et reconnu, puisque dans un rapport du 1er octobre 2024, la Sécurité sociale estime qu’entre 2 et 3,8 milliards d’euros d’indemnisations par la branche maladie auraient dû être considérés comme accident du travail.

De grandes entreprises intègrent même aux objectifs de leur manager de tout faire pour ne pas procéder aux déclarations d’accident du travail.

Le tout permet même dans certains cas, de solliciter une minoration des cotisations sociales, si le taux d’accident ou de maladie professionnelle est bas.

Ces mêmes entreprises généralisent aujourd’hui en toute impunité le recours à l’intérim (dont le Code du travail certifie toujours formellement qu’il s’agit de pourvoir des emplois de manière temporaire…) avec tout le déficit en matière de sécurité, de formation, de connaissance de l’entreprise qu’entraîne ce vaste turnover scientifiquement organisé.

Même problème avec la généralisation de la sous-traitance en cascade. Alors que La Poste était liquidée en une vaste succession d’entreprises sous-traitantes, on a ainsi vu le nombre d’accidents du travail augmenter de 32 %.

Il n’y a pas de fatalité dans ces chiffres épouvantables de la France en matière de morts au travail. Il y a les politiques de déréglementation successives menées par les gouvernements, que Macron continue de poursuivre et de vouloir généraliser.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/08/18/morts-au-travail-non-morts-de-la-dereglementation-generalisee/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/morts-au-travail-non-morts-de-la-dereglementation-generalisee-io-fr-18-08-25/

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