
Faisant de la dette sa priorité politique sans mentionner la crise climatique, le Premier ministre François Bayrou veut un budget d’austérité. Il soumettra son gouvernement à un vote de confiance le 8 septembre.
Par Violaine COLMET-DAÂGE.
François Bayrou s’inquiète-t-il réellement de l’avenir de nos enfants ? Lors d’une conférence de presse destinée à détailler les mesures du plan d’austérité envisagé pour le budget 2026, le Premier ministre a assuré ne pas vouloir « leur laisser un monde écrasé par les dettes », mais sans jamais aborder la question des crises environnementale et climatique. Dans la foulée, il a annoncé convoquer l’Assemblée le 8 septembre pour soumettre son gouvernement à un vote de confiance sur la question de la gestion de la dette.
Aucune des mesures envisagées mi-juillet pour réduire les dépenses publiques de près de 44 milliards d’euros ne sera discutée en amont, a-t-il prévenu. Après un été caniculaire marqué par les incendies, une mobilisation citoyenne massive contre la loi Duplomb et à l’approche d’une rentrée sociale mouvementée, le Premier ministre n’a suggéré aucune évolution des lignes directrices de son budget : la transition écologique pourrait rester aux abonnées absentes et la casse sociale entérinée.
Des mesures d’austérité sévères
Suppression de deux jours fériés, nouvelle réforme de l’assurance-chômage, réduction des dépenses de santé et gel des investissements dont devraient pâtir la transition écologique : les coupes budgétaires drastiques envisagées par François Bayrou ont suscité d’intenses critiques au cœur de l’été.
La menace de censure du gouvernement était de plus en plus vive à l’approche de la fin de la trêve estivale, si bien qu’en soumettant l’avenir de son gouvernement au vote des parlementaires, le Premier ministre a coupé l’herbe sous le pied à ses opposants, au risque de précipiter sa chute. Dans la soirée, la majorité des partis d’opposition — La France insoumise, le Parti communiste français, les Écologistes, le Parti socialiste et le Rassemblement national — avait déjà annoncé qu’elle s’y opposerait.
La date choisie pour le vote, le 8 septembre, soit deux jours avant la mobilisation générale envisagée par différentes formations politiques et syndicats pour manifester contre son projet budgétaire, aurait-elle, elle aussi, été choisie pour étouffer dans l’œuf toute contestation ?
« La dette, c’est chacun d’entre nous »
Devant un parterre de ministres et de journalistes, le Premier ministre s’est à nouveau longuement étendu sur « la gravité » de la situation économique de la France. « Cette année, la charge de la dette va devenir le premier poste de dépenses », a-t-il déclaré. Et la situation ne devrait faire qu’empirer dans les années à venir. Ce « surendettement » serait une faute collective dont tous les citoyens seraient coresponsables, a-t-il poursuivi en disant : « La dette, c’est chacun d’entre nous. »
Depuis une dizaine d’années, le creusement de la dette publique s’accélère en effet. En cause : des dépenses trop importantes, mais également des recettes insuffisantes, a pointé la Cour des comptes dans un rapport publié début juillet. « À aucun moment, [François Bayrou] n’envisage d’aller voir du côté des recettes », a réagi Marine Tondelier sur BFMTV.
Des cadeaux aux riches qui ne ruissellent pas
« Depuis 2017, nous avons la même politique, qui consiste à faire des cadeaux fiscaux au capital, aux revenus des plus riches, des grandes entreprises, en espérant que ça attire l’investissement et l’emploi… que ça ruisselle, expliquait deux jours plus tôt l’ancien conseiller maître honoraire à la Cour des comptes François Ecalle, à l’occasion des journées d’été de LFI. Mais c’est un échec. »
La commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques allouées aux entreprises a ainsi évalué que près de 211 milliards d’euros avaient été accordés aux entreprises, sous forme de subventions, d’aides fiscales et d’allègements de cotisations sociales, mais déplore un manque de transparence et de contrepartie réelle.
« L’été 2025 semblera frais »
Refusant tout débat sur le détail des mesures, le Premier ministre n’a esquissé aucun infléchissement de cap concernant la transition écologique. L’été a pourtant une nouvelle fois été le théâtre des effets dévastateurs du réchauffement climatique : 16 000 hectares sont partis en fumée dans l’Aude, la seconde canicule de l’été a battu de nouveaux records. Les citoyens se sont aussi massivement mobilisés contre la loi Duplomb. Mais pour le Premier ministre, « le débat devrait être centré sur dépenser moins et produire plus ». Quid de la raréfaction des ressources, de la crise environnementale et de la dette climatique ?
Après un été caniculaire, la question des garde-fous est pourtant cruciale, a pourtant rappelé la climatologue Valérie Masson-Delmotte dans Le Monde, où elle regrette notre « aveuglement collectif ». « Une France réchauffée de 4 °C à la fin du siècle — la trajectoire vers laquelle nous nous dirigeons — connaîtra dix fois plus de vagues de chaleur, dès la mi-mai et jusqu’à la fin septembre. […] L’été 2025 semblera frais ; c’est difficile à imaginer », dit la membre du Haut Conseil pour le climat.
Années perdues
Valérie Masson-Delmotte dénonce également « un déni de responsabilité » des politiques, « un déni de la nécessité d’agir sur les causes du changement climatique » et un affaiblissement de la transition écologique. « Le coût de l’inaction est largement supérieur aux investissements nécessaires à une économie décarbonée », conclut-elle. Des sujets passés sous silence par le Premier ministre.
Les premières mesures esquissées prévoient au contraire de nouveaux reculs, avec le gel des investissements, à l’image des aides à la rénovation énergétique et des aides à l’achat d’une voiture électrique. « Reporter, ralentir, tergiverser : chaque année perdue alourdit la facture », s’est inquiété le Réseau Action Climat (RAC) cet été.
Selon l’économiste Jean Pisani-Ferry, il faudrait au contraire 30 milliards d’euros supplémentaires par an pour financer la transition écologique. Pourtant, les investissements restent encore trop faibles. « Les coupes budgétaires pour la transition écologique en 2024 ont eu des impacts directs sur les émissions de gaz à effet de serre avec un ralentissement de leur baisse et une prévision pour 2025 qui est totalement hors des clous », a poursuivi le RAC.
L’association liste plusieurs sources de recettes possibles, comme la fin des exonérations fiscales octroyées au secteur aérien, le renforcement du malus au poids sur les véhicules les plus lourds et la mise en place d’une fiscalité cohérente avec les objectifs de réduction de l’artificialisation.
Un budget qui s’attaque aux chômeurs et aux malades
Le Premier ministre a enfin promis une répartition équitable de l’effort. Une annonce en décalage complet avec la réalité de la politique menée ces dernières années. Depuis 2017, les 500 personnalités françaises les plus riches ont vu leur capital doubler alors que les inégalités sociales n’ont jamais été aussi fortes.
Les coupes budgétaires envisagées ne laissent guère de doute : selon Mediapart, une nouvelle réforme de l’Assurance chômage pourrait restreindre l’accès aux ruptures conventionnelles et à l’indemnisation des plus jeunes, précaires et plus âgés. Le gouvernement pourrait aussi raboter le budget des hôpitaux déjà exsangues, ou encore limiter la prise en charge par la Sécurité sociale des maladies de longue durée, alerte encore Mediapart.
Cette stratégie ferait porter la charge des soins sur les mutuelles, augmentant ainsi les inégalités sociales de santé pour les plus modestes n’ayant pas accès à ces assurances. Ces prévisions ont poussé les organisations syndicales à appeler à la grève générale le 10 septembre. Une pétition contre ce projet budgétaire a déjà recueilli plus de 350 000 signatures.
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Source: https://reporterre.net/Avec-son-budget-Francois-Bayrou-creuse-encore-la-dette-climatique
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