Mouvement du 10 septembre : l’écologie sera de la partie (CA.net-29/08/25)

La contestation populaire déclenchée par les annonces budgétaires de François Bayrou continue d’enfler. Revendications, modes d’action, choix stratégiques : la constellation du mouvement du 10 septembre tente de se rassembler.

Par Laury-Anne CHOLEZ & Louise MOHAMMEDI.

Il suffit d’une étincelle pour que la colère populaire s’embrase. En annonçant son budget, le 15 juillet, François Bayrou ne s’attendait sans doute pas à déclencher une vague de colère qui espère paralyser le pays le 10 septembre.

Et la potentielle chute du gouvernement ne change pas l’objectif. « C’est pas juste Bayrou le problème, c’est l’accumulation des mesures antisociales. On n’est pas là pour faire de la politique, on est là pour transformer le système », explique Camille, participante au groupe Telegram Indignons-nous. Avec près de 9 000 membres, c’est l’un des canaux les plus suivis de l’ensemble des comptes Facebook, Instagram et TikTok qui relaient le hashtag #bloquonstout.

Le journal Le Monde est remonté aux origines de cette contestation avec la première mention d’un blocage le 21 mai dans un canal Telegram baptisé Les Essentiels, initié par des groupes proches de l’extrême droite et de la France souverainiste.

Méfiance vis-à-vis des partis

« L’extrême droite s’est aujourd’hui éloignée, car nos revendications ne vont pas dans son sens autour des questions de sécurité et d’immigration », remarque Flo, du collectif Blocage 10 septembre. Edwige Diaz, vice-présidente du Rassemblement national, a d’ailleurs déclaré que le rôle de son parti n’était pas « de crier dans un haut-parleur ».

Du côté de l’opposition, La France insoumise (LFI), Les Écologistes et les communistes soutiennent le mouvement. Mais les sympathisants insistent sur le côté apolitique du 10 septembre. « Les signes de soutien sont positifs, mais le mouvement doit savoir garder son indépendance et ne doit pas être sous la coupe des partis », souligne Gaëtan Souvarine, un des appelants du collectif Faire bloc.

Même méfiance du côté des syndicats, abondamment critiqués dans les échanges. « Ce qui pose problème aux gens, ce sont les centrales syndicales, qu’ils trouvent trop molles à l’échelle nationale. On leur reproche la grève perlée pendant la réforme des retraites qui s’est avérée inutile », explique Flo, de Blocage 10 septembre. Après avoir réuni son comité confédéral, la CGT a appelé mercredi à construire un mouvement de grève, afin que cette mobilisation soit « une première étape réussie » pour « gagner un budget à la hauteur des besoins. »

Une manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 7 février 2023. © Nnoman / Reporterre

Car si la contestation contre le budget est à l’origine de cette mobilisation, la réforme des retraites est également restée en travers de la gorge des centaines de milliers de manifestants qui s’y étaient opposés en 2023. D’autres sont révoltés par le vote de la loi Duplomb — qui veut notamment réintroduire trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes —, malgré la pétition ayant rassemblé plus de 2 millions de signatures contre ce texte.

Des revendications sociales et écologistes

Dans le groupe Indignons-nous, des personnes se sont attelées à la rédaction d’un communiqué de presse pour rassembler les nombreuses revendications. Il y est par exemple question de « l’arrêt immédiat des cadeaux aux grosses fortunes et aux multinationales » et de l’instauration d’une taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines [1].

L’instauration d’une démocratie directe et surtout d’une meilleure transparence démocratique sont également demandées. « Une chose qui nous rassemble, c’est notre ras-le-bol face à ces politiques qui ne nous représentent pas et se moquent de nous depuis trop longtemps », déclare Clara [*], modératrice du groupe.

La transition écologique n’est pas oubliée, même s’il est précisé qu’elle ne doit pas stigmatiser les plus précaires. Le texte parle d’en finir avec la privatisation de l’eau, de donner plus d’aides aux petites exploitations agricoles en difficulté, d’instaurer la gratuité des transports en commun à l’échelle des métropoles ou encore de taxer les carburants aériens et maritimes.

Pour Camille, qui participe aux discussions d’Indignons-nous, l’écologie peut rebuter certains membres du groupe. « Il y a de la pédagogie à faire pour sortir de la tête des gens de fausses idées sur l’écologie. C’est un sujet qu’il faut travailler sur le long terme », analyse-t-elle.

Des symboles à cibler

Pour aller dans ce sens, plusieurs organisations écologistes ont appelé à rejoindre le 10 septembre : Action Justice Climat, Extinction Rebellion, Stop LGV 47, Les Soulèvements de la Terre et le collectif La Voie est libre, qui se bat contre l’A69. « Il faut impulser un mouvement populaire dans la rue pour essayer de se retrouver et de ne pas segmenter la société », propose Geoffrey Tarroux, membre de La Voie est libre.

Le collectif exige la renationalisation des autoroutes pour combler les trous du budget. « 4,4 milliards d’euros par an, c’est le gain estimé par l’État de la suppression de deux jours fériés, mais c’est aussi le bénéfice annuel des concessions autoroutières. Alors dans ce contexte délétère, nous exigeons la fin du racket autoroutier », peut-on lire dans le communiqué de presse.

Durant l’été, les comités locaux des Soulèvements de la Terre se sont également rapprochés des groupes régionaux du 10 septembre. « Cela paraissait évident pour tout le monde. Il faut appuyer cette initiative qui s’inscrit dans une dynamique de lutte des classes face à la dégradation des conditions de vie », analyse Benoît, des Soulèvements. Le 25 août, le collectif a publié un communiqué appelant à « bien viser » et « à bloquer les lobbies et infrastructures les plus nuisibles à tous et à toutes, au service desquelles se met actuellement ce gouvernement ».

« Il peut s’agir des industries de l’agrochimie à qui la loi Duplomb laisse le champ libre pour nous empoisonner pendant que Bayrou réduit l’accès aux soins, ou encore des milliardaires réactionnaires comme Bolloré à qui profitent les politiques d’austérité », poursuit Benoît. Les Soulèvements proposent aussi de mettre leur expérience en matière de blocage et de ravitaillement au service des mobilisations à venir.

Quelle en sera la nature ? La question est sur toutes les lèvres et la réponse demeure incertaine. « Ce sont les assemblées locales et régionales qui vont décider des modalités d’action les mieux adaptées et des lieux à bloquer », précise Lulu [*], participant d’Indignons-nous.

Des modalités d’action encore en discussion

Si les grèves et les manifestations sont plébiscitées, la plupart des militants réfléchissent à d’autres formes d’expression de leur colère. « On pense que c’est bien de diversifier les modes d’action pour que ce soit plus compliqué à contrôler pour les forces de l’ordre et plus difficile à cerner pour le gouvernement », dit Flo.

Des appels à blocage sont nombreux à circuler, sans que les cibles ne soient encore définies. Le spectre de la répression assombrit toutefois les esprits. « Certains disent qu’ils n’iront pas en manifestation, car ils ne veulent pas se retrouver avec un œil crevé. On peut se mobiliser autrement », assure la militante.

L’idée de ne pas utiliser sa carte bancaire durant tout le mois, pour bloquer les banques, est souvent citée. Certains proposent également de retirer son argent des banques ; une idée déjà proposée en 2010. Les militants veulent également boycotter les grandes surfaces, en faisant ses courses chez les petits commerçants. Enfin, des membres du mouvement suggèrent tout simplement de rester chez soi pour vider les rues — voire même se confiner, comme à l’époque de l’épidémie de Covid-19.

Tous et toutes ressentent le besoin de se retrouver chaque soir pour réfléchir aux actions du lendemain. À l’instar du mouvement Nuit debout, cité par certaines personnes interrogées, il n’est pas question que le 10 septembre ne soit qu’un feu de paille. « On espère qu’il s’inscrira dans la durée et qu’il amènera à la destitution de Macron », précise Gaëtan Souvarine, de Faire bloc.

Sous les ors de l’Élysée, le président de la République ne semble pas encore trembler. Dans une interview donnée au JDNews, il a déclaré : « Présider, c’est faire ce pour quoi on a été élu et surtout ce que l’on croit juste pour le pays. Voilà ce à quoi je m’attèle depuis le premier jour et ce que je ferai jusqu’au dernier quart d’heure. »

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Source: https://reporterre.net/Mouvement-du-10-septembre-l-ecologie-sera-de-la-partie

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