Les quatre principales raisons de l’attaque de Netanyahu contre les négociateurs au Qatar. (10/09/25 – SOFS)

“Doha, Qatar”, 2018. © Juan Cole.

Entre la frappe à Doha & les raids de Washington & Tel-Aviv sur l’Iran, alors officiellement en pourparlers avec Téhéran, on peut constater que négocier avec l’un ou l’autre est mauvais pour la santé.

👁‍🗨 Les quatre principales raisons de l’attaque de Netanyahu contre les négociateurs au Qatar

Par Juan Cole, le 10 septembre 2025


Ann Arbor – Le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a bombardé mardi le bâtiment utilisé par les négociateurs civils du Hamas à Doha, au Qatar, alors que des négociations indirectes étaient en cours en leur présence. Cinq membres subalternes du Hamas ont été tués, ainsi qu’un garde de sécurité qatari, mais les principaux négociateurs ont survécu. Plus tôt dans l’été, Israël et les États-Unis ont également bombardé l’Iran alors qu’ils étaient officiellement en négociation avec Téhéran. On peut sans doute en conclure que négocier avec l’un ou l’autre est dangereux pour la santé.

L’administration Trump en était informée et est donc impliquée dans cette attaque. Il est peu probable que les avions israéliens aient pu survoler la Jordanie et l’Arabie saoudite pour frapper à proximité de la base militaire américaine d’al-Udeid, qui compte environ 12 000 militaires en service actif, sans l’accord tacite des États-Unis. Les États-Unis contrôlent l’espace aérien autour d’al-Udeid et auraient pu refuser l’accès aux Israéliens.

Rappelons que c’est l’administration Obama qui a demandé au Qatar d’accueillir les négociateurs du Hamas afin de mener des discussions indirectes avec eux, et que le Qatar a été félicité à plusieurs reprises par le département d’État américain, mais aussi par le ministère israélien des Affaires étrangères, pour avoir joué ce rôle. Lorsque, en 2018, le Qatar a envisagé d’expulser les responsables du Hamas et de mettre fin à son rôle d’intermédiaire, Netanyahou a envoyé le chef du Mossad à Doha pour supplier les Qataris de continuer à s’acquitter de cette mission.

Permettez-moi, en tant que journaliste, d’explorer les raisons qui ont poussé le gouvernement Netanyahu à agir de la sorte.

1. Tout d’abord, l’attaque était destinée à mettre fin aux négociations avec le Hamas. Netanyahu et les extrémistes de son cabinet ne veulent pas négocier. Ils souhaitent procéder au nettoyage ethnique de Gaza et éliminer tous les membres de la branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam. Ils ne semblent pas non plus préoccupés par de potentielles victimes civiles, qu’il s’agisse de membres du parti politique du Hamas ou de résidents de Gaza sans affiliation politique. Ces objectifs ne sont pas une réponse à l’attaque du Hamas contre Israël du 7 octobre 2023, mais relèvent du désir de longue date de la droite israélienne d’effacer les Palestiniens de la Palestine et d’empêcher à jamais la création d’un État palestinien.

Malgré le rejet des négociations par le cabinet extrémiste, la majorité des Israéliens préféreraient peut-être mener de telles négociations pour rapatrier les otages restants et mettre fin à une guerre qui tue ou blesse leurs jeunes soldats, affecte leurs finances en raison de la conscription et nuit à l’économie (à l’exception du marché boursier, qui a grimpé en flèche, profitant aux milliardaires qui soutiennent Netanyahu).

Netanyahu a également été soumis à des pressions ponctuelles de la part de l’administration Trump pour négocier la fin des combats. Trump a d’abord apporté son soutien au cessez-le-feu initialement négocié par l’équipe de Joe Biden en janvier dernier, puis a exercé de fortes pressions sur Netanyahu pour qu’il l’accepte. Deux mois plus tard, Netanyahu a unilatéralement rompu le cessez-le-feu et lancé une campagne de nettoyage ethnique encore plus brutale. Le président américain dit parfois regretter cette décision.

La destruction des bureaux de l’équipe de négociateurs réduit à néant toute perspective de négociations.

2. L’un des motifs sous-jacents de l’attaque contre les négociateurs civils du Hamas est peut-être d’affaiblir le mouvement de protestation en Israël, qui a régulièrement rassemblé des dizaines de milliers d’Israéliens dans les rues des grandes villes pour réclamer un cessez-le-feu au nom des otages israéliens. Si les négociations pour un cessez-le-feu ou la libération des otages n’aboutissent pas, Netanyahu espère sans doute que ses opposants se verront privés de cet argument. Au pire, il peut les amener à dénoncer une frappe contre les bureaux du Hamas, les faisant passer pour des traîtres aux yeux de la plupart des Israéliens. Même l’opposition politique de Netanyahou a salué les frappes sur Doha. C’est donc une question de politique intérieure israélienne. La diversion est une tactique éprouvée.

3. Israël a peut-être cherché à semer la discorde entre les États-Unis et le Qatar. En mai, les États-Unis et le Qatar ont en effet signé un accord de plusieurs milliards de dollars prévoyant l’acquisition par le Qatar de la technologie anti-drone de Raytheon et de batteries antimissiles THAAD de Lockheed Martin. Si ces livraisons sont effectuées et que le personnel qatari est formé à leur utilisation, les nouvelles capacités antimissiles et antidrones pourraient compliquer considérablement les éventuelles frappes israéliennes sur le Qatar. Si Netanyahou envenime suffisamment les relations avec le Qatar pour que ce dernier annule son accord de défense de 42 milliards de dollars avec l’administration Trump, Israël pourra continuer à bombarder le pays.

4. Israël tente d’utiliser sa supériorité aérienne pour asseoir sa puissance hégémonique régionale. Cette prééminence lui permet notamment de frapper n’importe où au Moyen-Orient, à sa guise, afin d’influencer la politique régionale. Tel-Aviv bombarde régulièrement la Syrie, alors que les deux pays ne sont pas en guerre et que l’administration Trump a reconnu le nouveau gouvernement révolutionnaire fondamentaliste de Damas et levé les sanctions. Israël bombarde également régulièrement le Liban, malgré un prétendu cessez-le-feu négocié à l’automne dernier. Il bombarde aussi régulièrement des cibles civiles au Yémen, en réponse aux attaques de missiles houthis contre Israël, et a récemment assassiné le Premier ministre houthi. Israël a également bombardé l’Iran et envisagé d’assassiner l’ensemble de sa classe politique. La frappe sur Doha confirme le nouveau statut d’Israël en tant que principal acteur de la réalité politique au Moyen-Orient.


Juan Cole est le fondateur et rédacteur en chef d’Informed Comment. Il est professeur d’histoire Richard P. Mitchell à l’université du Michigan. Il est l’auteur, entre autres, de Muhammad: Prophet of Peace amid the Clash of Empires et The Rubaiyat of Omar Khayyam. Suivez-le sur Twitter à l’adresse @jricole ou sur la page Facebook d’Informed Comment.

Source originale : https://www.juancole.com/2025/09/reasons-netanyahu-negotiators.html

Source en français : https://ssofidelis.substack.com/p/les-quatre-principales-raisons-de

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/les-quatre-principales-raisons-de-lattaque-de-netanyahu-contre-les-negociateurs-au-qatar-10-09-25-sofs/

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