
Alors que l’extrême droite radicale a vécu comme un traumatisme son expulsion du mouvement des Gilets jaunes, ils ont été peu visibles lors du 10 septembre. À Paris, Némésis a fait un de leurs habituels happenings. À Lyon, des lycéens ont été attaqués.
Par Daphné DESCHAMPS.
10 septembre, place de la République – La mobilisation en lien avec le mouvement Bloquons tout commence à grossir avant qu’un brouhaha ne se fasse entendre. Des cris et des mouvements de foule accompagnent l’arrivée des militantes fémonationalistes du collectif Némésis. « Ignorez-les, elles cherchent de l’attention, elles veulent qu’on s’en prenne à elles », s’exclame une manifestante. Les membres du groupe sont une dizaine emmenées par leur cheffe, Alice Cordier, épaulée par plusieurs porte-paroles connues pour leurs amitiés néofascistes (1).
Habituées des happenings provocateurs au milieu de manifestations de gauche, deux journalistes de la station d’extrême droite Radio Courtoisie, un autre de « Frontières » et plusieurs gros bras papillonnent autour d’elles. Quelques jets d’eau fusent dans la direction du groupuscule venu tourner des images « choc » sur « l’extrême gauche qui récupère la mobilisation ». « On veut vous proposer des solutions pour trouver de l’argent », tente Alice Cordier, qui prétend vouloir parler du « coût de l’immigration » pour justifier sa présence. « Casse-toi la raciste », lui répond une partie de la foule. Très vite, les militantes identitaires sont exfiltrées de la place par des policiers en civil. Anaïs M., une des porte-paroles du collectif, tombe au sol, tirée en arrière.
« On se met en mode protection rapprochée », ordonne un policier en uniforme avant d’encadrer les identitaires haranguant quelques manifestantes de gauche qui les suivent. Ravies de leur coup de com’, immédiatement diffusé sur les réseaux sociaux des médias d’extrême droite qui les accompagnent, les militantes de Némésis s’amusent de la situation, avant de se glisser entre les boucliers des CRS qui verrouillent la place de la République. Il faut faire vite, deux d’entre elles sont attendues sur le plateau de « Frontières » dans l’heure… À Paris, il s’agissait de la seule incursion de l’extrême droite radicale dans le mouvement du 10 septembre.
Une attaque à Lyon
Sur la place, la foule soupire, irritée. « Elles viennent pour être chassées. En leur donnant ce qu’elles veulent, on tombe dans leur piège », dit une manifestante à sa voisine. « La prochaine fois, il faudrait faire comme si elles n’existaient pas. » Némésis est coutumier de ce type d’action, après avoir usé de la même stratégie lors des rassemblements contre l’extrême droite en juin 2024, mais aussi lors de la marche NousToutes en novembre 2024 ou encore durant le cortège féministe du 8 mars, où StreetPress avait identifié un néonazi au sein de leur service d’ordre.
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À chaque fois, l’objectif reste le même : provoquer des réactions violentes de la foule pour créer une polémique permettant au collectif de se placer sur l’échiquier médiatique, d’acquérir une crédibilité et un soutien institutionnel notamment au sein du RN et des Ciottistes, et de dérouler son idéologie xénophobe. Le 10 septembre n’a donc pas fait exception à la règle.
Ailleurs, en France, les militants d’extrême droite ont été plus discrets, malgré une attaque à Lyon où des dizaines de néofascistes ont attaqué le blocage organisé par les lycéens de Saint-Just, dans le 5e arrondissement. Selon une étudiante qui a témoigné au micro du « Progrès » :
« Les fachos du lycée se sont énervés, nous ont lancé des œufs, se sont battus. Ils cherchaient quelqu’un, ils avaient des couteaux et ils l’ont poursuivi dans tout le cinquième arrondissement. »
« Certains lycéens ont dû se cloîtrer pendant quarante cinq minutes parce que les fafs les cherchaient activement », confie à StreetPress un autre lycéen qui a assisté à l’attaque. « L’un d’entre nous a été blessé à la main, peut-être avec un couteau. » La préfecture de police du Rhône a confirmé cette attaque et a déclaré qu’une personne était recherchée, sans faire état de la présence d’armes blanches lors de l’attaque.
Tentative de noyautage
Avant ça, la mouvance lyonnaise avait fait une vague tentative pour noyauter le mouvement. Une nuit en août, les néofascistes de Lyon populaire s’en sont donné à cœur joie sur un canal Telegram dédié à l’organisation des mobilisations et des blocages dans la capitale des Gaules. C’est un des leaders du groupuscule, Calixte Mathon, qui a ajouté son équipe à la conversation.
Infiltration ou sabotage, leur objectif est flou. Cette nuit-là, selon des captures d’écran que s’est procurées StreetPress, ils se contentent de perturber la conversation en envoyant des messages vocaux de rots ou de pets ainsi que des insultes misogynes, islamophobes. Ils tentent également de provoquer les militants antifascistes aussi présents dans le canal en partageant une photo d’un récent passage à tabac d’un antifasciste. « On l’a un peu pris comme une annonce de leur intention de prendre part au 10 septembre et à Bloquons tout, qu’on le veuille ou non », explique à StreetPress un militant de gauche. Il renchérit :
« Mais c’était avant que la CGT ou la France insoumise ne rejoignent le mouvement, ce qui a changé la donne sur leur capacité à venir mettre le bazar. C’est très différent des Gilets jaunes. »
À l’époque, Lyon avait été un des théâtres de l’expulsion retentissante des groupuscules néofascistes des manifestations. Après plusieurs condamnations judiciaires à Paris à la suite de l’Acte III du mouvement en décembre 2018 et d’une défaite dans la rue face à des militants antifascistes, les radicaux des Zouaves Paris – qui reformeront ensuite le Gud – tentent de se rabattre sur Lyon et viennent prêter main-forte à leurs copains du Bastion social Lyon.
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Début février 2019, ils tentent de charger le cortège antifasciste en bord de Rhône. Ils sont très vite repoussés, certains leaders, dont Marc de Cacqueray-Valmenier, finissent au sol pendant que leur cortège s’enfuit vers le Vieux-Lyon. L’Acte XIII des Gilets jaunes marque la sortie des néofascistes du mouvement. Depuis, l’épisode s’est installé comme un traumatisme de la mouvance.
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Avec l’organisation, décrite par certains comme une potentielle renaissance des Gilets jaunes, quelques néofascistes semblaient avoir développé un espoir pour récupérer le mouvement. Une partie rêvait même de leur grand soir, et ils avaient écrit un manuel de prise de contrôle du mouvement selon « Libération », appelant à « privilégier les mobilisations véritablement radicales ». En l’état actuel, c’est raté : les espoirs militants de Lyon populaire ont vite été douchés, et ils ont été très rapidement expulsés des conversations.
(1) Les militantes de Némésis Nina Azamberti et Clémence Le Saint, en plus d’avoir été assistantes parlementaires de députés RN, ont également des liens avec les néofascistes de Tenesoun ou les identitaires de Défends Marseille pour la première.
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