
Pour la deuxième fois en neuf mois, et pour la première fois dans l’histoire de la Ve République sur un vote de confiance, le Premier ministre est tombé. C’est sur le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, que le choix s’est donc porté pour le remplacer : tout un symbole !
Par Pierre Valdemienne
La nouvelle avait beau être prévue, il n’en demeure pas moins qu’elle fait l’effet d’un séisme ou, à tout le moins, d’une nouvelle réplique. « Le président de la République dans un champ de ruines », titre l’éditorial du Monde (10 septembre), ajoutant : « Le désastre (…) est total. ».
Le résultat est sans appel : sur les 212 députés que compte ce qu’il reste de ce qu’il est encore convenu d’appeler le « socle commun », le maire de Pau n’a recueilli que 194 voix en sa faveur lundi soir, 18 députés ayant fait défaut. Parmi eux, 13 élus du groupe Droite Républicaine ont voté contre (et 9 se sont abstenus), contre la consigne donnée par Bruno Retailleau.
Conscient qu’il se retrouve de fait, et à nouveau, en première ligne, Macron, qui voit sa cote de popularité établir un nouveau record à 17 %, et qui concentre sur lui la colère de la population laborieuse – deux tiers des Français sont favorables à sa démission – n’a pas attendu longtemps avant d’annoncer le nom du successeur de François Bayrou.
Un ministre de la guerre comme Premier ministre
C’est sur le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, que le choix s’est donc porté : tout un symbole ! En désignant comme nouveau locataire à Matignon celui qui veut porter le budget militaire à 57 milliards d’euros cette année, puis à 64 milliards l’an prochain, soit un doublement des crédits militaires en 10 ans, Emmanuel Macron donne le signal clair qu’il entend bien continuer et intensifier sa politique belliciste et anti-ouvrière, pour fournir l’« effort de guerre » au détriment des « dépenses sociales ».
Ces derniers jours, l’Élysée n’a pas caché que sa recherche se portait sur un profil qui permettrait un soutien direct ou indirect du Parti socialiste (PS). De ce point de vue, sur la question de la guerre et des crédits de guerre, Sébastien Lecornu pourra sans nul doute compter sur le PS.
« Je voterai pour l’engagement de militaires français en Ukraine » (Olivier Faure)
En effet, en matière de défense, le PS n’a jamais caché son soutien à la majorité présidentielle. Rappelons-nous que le président du groupe parlementaire du PS, Boris Vallaud, avait déclaré en mars dernier dans l’hémicycle, à propos de la situation en Ukraine et de la sécurité en Europe : « Nous affirmons au gouvernement qu’il ne trouvera dans nos rangs que des soutiens déterminés aux initiatives qu’il prendra afin de défendre l’Ukraine (…). Pour nous socialistes, il faut faire plus et plus vite : livrons des armes, encore des armes (…). Les socialistes sont prêts, en cas d’accord de paix, à ce que la France participe aux bataillons qui devront se porter sur le terrain. ». C’est précisément ce qu’a réaffirmé Olivier Faure, dimanche dernier, par un post X : « Je voterai pour l’engagement de militaires français en Ukraine. ».
Quant au Rassemblement national (RN), là aussi, pas d’ambiguïté sur la question : interrogé sur LCI le 13 juillet dernier, le député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, n’a-t-il pas déclaré : « Ça fait de longues années que Marine Le Pen demande plus de moyens pour nos armées. Nous avions soutenu la loi de programmation militaire de M. Lecornu » ?
Mais où tous ces gens-là veulent-ils nous emmener ? Rejet exprimé élections après élections, éviction de Premier ministre en rafale, refus du génocide à Gaza, de la guerre en Ukraine ou ailleurs, manifestations, grèves – petites ou grandes, par tous les bouts et de tous côtés, les travailleurs, les jeunes, l’écrasante majorité de la population laborieuse disent non.
Et tous ces gens-là, refusant de rompre, accrochés à leurs petits fauteuils, candidats à prendre la place des autres pour faire la même chose, préoccupés de « stabilité » – ce qui signifie protéger la Ve République organisée pour servir la classe dominante – avec aboiements ou courbettes, se contorsionnent, inventent des stratagèmes ou des boucs émissaires pour pérenniser l’ordre établi.
Le temps leur est compté
Mais la masse, parce qu’elle ne veut plus être écrasée pour gaver les riches, avance pour une rupture radicale, pour se protéger et se défendre.
Quoi qu’il advienne du 10 septembre et des suites, et nous en sommes à fond, le nombre des prises de position d’instances syndicales, en dépit ou contraignant leurs sommets, en est une des illustrations, et pas des moindres. D’autant qu’il se combine avec des recherches spontanées de bon augure… Quant à la décision de mobiliser 80 000 policiers en vue du 10 septembre, elle démontre la compréhension du pouvoir que la masse s’avance effectivement pour une rupture radicale, et s’y prépare.
Dans cette situation, oui, la présidente du groupe parlementaire de La France Insoumise (LFI), Mathilde Panot, a raison de dire dans l’hémicycle, ce lundi : « Le dégoût suscité par votre politique s’est donné rendez-vous le 10 septembre. Ce jour agit comme un formidable encouragement à l’action. Le mouvement aura remporté une victoire avant même son commencement : la chute de votre gouvernement ».
Et d’ajouter ce mardi : « Puisque nous avons un président de la République qui refuse de changer de politique, et qui s’apprête à mettre un énième Premier ministre qui continuerait toujours la même politique, eh bien nous allons déposer cet après-midi une motion de destitution 1 (…). Le groupe parlementaire insoumis va se mettre au service du mouvement du 10 septembre. L’un de ses mots d’ordre est précisément le départ d’Emmanuel Macron. »
Quand bien même tels ou tels replâtrages se mettraient en place, ils n’auront qu’un temps. Et avec les mouvements en cours et la motion de destitution déposée aujourd’hui, le temps leur est compté.
« Une provocation ! »Jean-Luc Mélenchon – « Réponse de Macron au renversement de Bayrou : dorénavant c’est absolument comme auparavant. Seul le départ de Macron lui-même peut mettre un terme à cette triste comédie du mépris du Parlement, des électeurs et de la décence politique. » Manuel Bompard – « Jusqu’à quand devons-nous subir le mépris, l’entêtement et le déni de démocratie ? L’heure est à la mobilisation pour faire partir Macron. Dans la rue dès ce mercredi 10 septembre. À l’Assemblée nationale en votant notre motion de destitution. » Mathilde Panot – « Une provocation ! La même politique pour les riches, minoritaire à l’Assemblée et dans le pays. Lecornu, celui qui face aux Gilets jaunes ou aux Guadeloupéens en lutte pour le droit à l’eau n’a répondu que par la répression. Celui qui dîne avec Le Pen. Nous le censurerons. Plus que jamais demain #BloquonsTout pour faire partir Macron ! » Jérôme Legavre – « Sébastien Lecornu c’est celui qui avait dit en 2023 que la guerre en Ukraine était une opportunité pour l’industrie d’armement française… Ça tombe bien c’est aussi ce que pensent Faure et Glucksmann. La majorité, elle, n’en veut pas ! ». Le Parti ouvrier indépendant (POI) – « A la veille d’une mobilisation majeure dont les assemblées de préparation n’ont cessé d’exiger “Des milliards pour l’école et l’hôpital, pas pour la guerre !”, Macron nomme son ministre de la guerre, Premier ministre. Plus que jamais : pas un euro, pas une vie pour leur guerre ! Rupture avec Macron et sa politique! ». |
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Source: https://infos-ouvrieres.fr/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/bayrou-balaye-macron-le-remplace-par-son-ministre-des-armees-io-fr-10-09-25/