
Oxfam publie ce lundi 22 septembre une synthèse de ses propositions en matière d’impôts. De quoi alimenter le débat en cette période cruciale, nous explique Layla Abdelké Yakoub, chargée de plaidoyer justice fiscale et inégalités de l’ONG.
Par Pierric MARISSAL.
Ne trouvez-vous pas que les questions fiscales sont très présentes dans le débat public ?
Layla Abdelké Yakoub,Chargée de plaidoyer justice fiscale et inégalités d’Oxfam
Dans les mobilisations du 10 septembre ou de jeudi dernier, les questions de justice fiscale et d’égalité économique étaient partout, et c’est logique : la dette et l’état des finances du pays servent d’alibi à la dégradation des services publics, alors que les inégalités sont extrêmement élevées.
Pendant les manifestations, la taxe Zucman était aussi explicitement très présente. Ce n’est pas non plus anodin que la population s’approprie la pensée d’un économiste et le dispositif technique qui porte son nom. Nous vivons un moment inédit pour la justice fiscale.
Parmi vos 19 propositions fiscales, cette taxe Zucman est l’une des priorités. Comment voyez-vous la levée de boucliers de ses opposants ?
Cette taxe est en effet une des priorités qu’on défend, mais en insistant sur le fait que, seule, elle ne résoudra pas les problèmes de justice fiscale du pays. C’est un minimum qui vient répondre à un dysfonctionnement technique presque absurde : l’impôt n’est plus progressif en haut de la pyramide.
Elle a aussi porté dans le débat public un message important : l’argent des ultrariches est dans leur patrimoine financier, et il n’est pas taxé. Ce message a percé le mur médiatique. Les contre-arguments des opposants à la justice fiscale – je ne sais pas comment les appeler autrement, puisque même des économistes libéraux soutiennent Zucman – ont été balayés. Il ne leur reste que des ressorts irrationnels, émotionnels, pour créer de la peur.
Eux-mêmes paniquent : tous les sondages montrent le large soutien populaire à cette taxe et témoignent plus largement d’un besoin de justice fiscale.
Quelles sont vos autres mesures fiscales prioritaires ?
La taxation des super-héritages. Le sujet est aussi de plus en plus présent dans le débat médiatique, même s’il reste un peu tabou. Nous avons montré qu’une petite minorité, les 0,1 % les plus riches, touche des héritages de 13 millions d’euros en moyenne. Et comme pour la taxe Zucman, il y a une forme de dégressivité qu’on peut corriger assez simplement en remettant en question quelques niches fiscales, ce qui pourrait rapporter 12 à 14 milliards d’euros par an.
Même les libéraux qui sont attachés au mérite devraient soutenir une fiscalité juste de l’héritage. Il y a une urgence, la génération des baby-boomers a accumulé 20 % de plus de patrimoine que la précédente, et la moitié des milliardaires français ont plus de 70 ans.
Plus généralement, il faut repenser notre système fiscal en ciblant en priorité les ultrariches et les très grandes entreprises, mais aussi en prenant en compte les enjeux féministes et écologiques. La fiscalité est un moyen de changer les comportements, avec l’ISF climatique, par exemple.
On prône aussi une remise en question de la flat tax, ce plafond qui fait que les dividendes sont bien moins imposés que le travail dans notre pays. Nous défendons aussi une refonte de la taxe sur les transactions financières, qui est actuellement dysfonctionnelle. L’État a externalisé aux marchés financiers eux-mêmes son recouvrement et cela ne fonctionne vraiment pas…
°°°