Chronique du fascisme déjà là : Sarkozy en taule, le festin de Macron continue (Regis’s Substack-26/09/25)

Par Régis de CASTELNAU

Praticien du droit et de la justice, j’ai entrepris depuis une dizaine d’années un travail critique, sur la double catastrophe qui frappait l’institution judiciaire. Tout d’abord une catastrophe matérielle, où un système néolibéral pour lequel le rôle de l’État n’est pas de garantir la pérennité des services publics, y compris dans leurs fonctions régaliennes, mais de protéger le Marché et par conséquent le Capital. À la destruction programmée et méthodique de l’État-providence, s’est ajouté l’abandon budgétaire de la justice. Déjà parent pauvre dans un pays où la régulation administrative a toujours été plus puissante, la Justice s’est vue privée des ressources qui lui auraient permis de d’accomplir sa mission convenablement. La comparaison statistique avec les autres pays européens démontre la pauvreté, et d’une certaine façon le mépris dans lequel les dirigeants du pays tiennent cette mission. Mais un autre phénomène s’est combiné avec la clochardisation, celui de l’autonomisation du corps des magistrats, aboutissant en violation de la Constitution et de tous les principes d’une démocratie représentative, à une transformation de la Justice en pouvoir politique séparé. Composé de gros bataillons de la petite bourgeoisie urbaine, base de masse du néolibéralisme, le corps des magistrats est armé d’une idéologie directement politique de soutien à celui-ci. Par des centaines d’articles et la publication d’un ouvrage assez copieux, j’ai tenté d’appeler l’attention sur les dérives gravissimes de cette « Autorité judiciaire » devenue véritable « Pouvoir judiciaire », décidé à imposer au peuple français sa vision politique. Comme l’a montré le fonctionnement du système avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Personne aujourd’hui ne peut contester que c’est le raid judiciaire contre François Fillon du printemps 2017 qui a permis l’installation d’un parfait inconnu à l’Élysée. C’était le but poursuivi par ceux qui l’ont organisé. Depuis, la justice a soigneusement protégé le système mis en place par Emmanuel Macron, souvent à base de corruption géante. Aucune des grandes (ou petites) affaires qui auraient été de nature à le disqualifier n’a jamais prospéré. C’est une litanie que ces dossiers endormis, allant d’Alstom à McKinsey en passant par Kohler, fond Marianne, Benalla etc. etc. Parallèlement le même appareil judiciaire s’acharne contre tous ceux qui peuvent s’opposer au pouvoir d’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en savent quelque chose. Tout aussi parallèlement les mêmes toujours, se précipitent au coût de sifflet pour réprimer férocement tous les mouvements sociaux qui peuvent mettre en cause le système, les gilets jaunes pour ne parler que d’eux en savent eux aussi quelque chose. Et rappelons-nous l’incroyable circulaire Dupond Moretti lançant après le 7 octobre 2023, une répression tout aussi féroce et destructrice de la liberté d’expression. Enfin, il y a la complaisance avec la délinquance quotidienne du lumpenprolétariat sur laquelle je renvoie là aussi à la lecture d’un article récent.

Labourer la mer ?

Il y a quelques jours, à l’occasion de la publication d’un entretien vidéo au sujet de cette crise de la justice, je faisais part de mon désenchantement sur les résultats de cette décennie de travail, en reprenant à mon compte la fameuse phrase de Bolivar à la fin de sa vie : « j’ai labouré la mer ».

Ce qui vient de se produire avec la décision de condamnation de Nicolas Sarkozy, invraisemblable au plan des principes juridiques et judiciaires, a transformé le désenchantement en véritable consternation. D’abord en ce qu’elle témoigne de la détermination de la magistrature d’imposer son pouvoir directement politique sur la société française. Détermination qui caractérise ce « fascisme déjà là » dont le système néolibéral est en train de se doter. Ensuite avec les réactions imbéciles des analphabètes politiques, pourtant opposants déterminés au macronisme, mais acclamant l’exécution de Sarkozy. En oubliant qu’on ne fait pas de politique par juge interposé, puisque c’est le moyen de se dispenser de mener les bons combats politiques justement.

Depuis que je mène ce combat décennal, j’ai été accusé successivement de défendre personnellement François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et bien évidemment Nicolas Sarkozy. Ceux qui me connaissent savent à quel point cette accusation est risible, notamment en ce qui concerne l’ancien Président de la République. Mais la bêtise qui s’exprime à cette occasion, est précisément celle qui est attendue. Que les gens se réjouissent de ce qui arrive au si détesté Sarkozy, et se désintéressent de la violation grossière des principes fondamentaux et de la loi française pour permettre sa condamnation. Construisant ainsi l’acceptation d’une situation où la Justice s’installe résolument dans son rôle d’outil politique au service du système en place. La condamnation de Nicolas Sarkozy n’est pas séparable de l’installation de Macron à l’Élysée, de la protection de la corruption de son système, de la chasse à ses opposants et de la répression féroce des mouvements sociaux. C’est la même chose.

Lancer un bout de viande à la meute

Concernant Sarkozy, probablement en jubilant ceux qui le poursuivent ont mis une touche finale à la vendetta qui dure depuis 20 ans. Scandée par des myriades de procédures, qui n’apprenaient rien sur sa probité personnelle et politique, sur laquelle personne ne pouvait se faire la moindre illusion. Mais qui en revanche disait tout sur l’acharnement de ces magistrats militants. « Ah ce coup-ci, sans preuve, après une procédure de 20 ans (!), avec un raisonnement juridique invraisemblable on va pouvoir l’humilier et l’envoyer en taule. Et vous allez, voir comme d’habitude la meute sera contente. Réjouissez-vous brave gens, on vous a jeté un bout de viande avariée à déchiqueter. Et pendant ce temps le festin du système Macron se poursuit ».

Et bien sûr tout le monde acclame cette DIVERSION qui n’est pourtant que l’expression d’un arbitraire judiciaire. En oubliant que le gang Macron lui ne risque rien.

Sarko voyou politique ? Sans blague ! Mais outre que c’est un has-been, une justice politique qui se permet tout, c’est bien pire. Le fascisme arrive, mais comme il tape sur Sarkozy, les imbéciles sont contents. Pour eux, c’est reposant de faire de la politique par juge interposé.

Et c’est la clé du système qui se met en place. Un peuple qui plutôt que de se battre contre l’insupportable, se jette sur les morceaux de viande qu’une magistrature inféodée au néolibéralisme lui jette.

Bon, même si on va continuer à marteler ce qui devrait relever l’évidence, on commence à en avoir plein les bottes.

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Source: https://regisdecastelnau.substack.com/p/chronique-du-fascisme-deja-la-sarkozy?utm_

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