
« Nous sommes entrés dans un moment politique sans précédent historique », écrit Jean-Luc Mélenchon dans une note de blog, en analysant le « tableau général » après les chutes successives des gouvernements macronistes.
Pour la France insoumise et son leader, le cœur du problème est à l’Élysée. Ce matin, après la démission express de Sébastien Lecornu, le mouvement insoumis a demandé l’examen immédiat de sa motion pour destituer Emmanuel Macron, seul responsable du chaos dans le pays. La conclusion est claire : « Il faut donc en revenir à la décision du seul souverain que connaît ce pays : le peuple. Le retour au peuple est la réponse que les démocraties apportent lorsqu’elles se trouvent dans une impasse. ». L’Insoumission relaye dans ses colonnes l’analyse de Jean-Luc Mélenchon.
« Aucune combinaison, aucune magouille, aucune entente de derrière les rideaux ne peut se substituer à l’exigence que le peuple se prononce. Il est le seul maître de ce pays. » – Jean-Luc Mélenchon après la démission de Lecornu
Nous sommes entrés dans un moment politique sans précédent historique dans la Vᵉ République : trois gouvernements, en l’espace d’un an, à la suite d’un président de la République battu dans toutes les élections depuis la sienne. Plutôt qu’à l’addition de ces mésaventures, c’est au tableau général qu’il faut réfléchir.
Cette situation est le symptôme de l’impasse dans laquelle plonge inéluctablement la Vᵉ République, dès lors qu’il y a une contradiction entre la légitimité de l’élection présidentielle et celle des élections législatives. À quoi s’est ajoutée l’incapacité du président de la République à maîtriser une telle situation.
Il en résulte une confusion dans les esprits, dans les institutions, parmi les acteurs économiques et dans les rangs des décideurs politiques qui aggravent le tout. Il faut donc, pour répondre à ce moment, prendre à bras-le-corps le cœur du problème. C’est-à-dire le président de la République, sa légitimité à continuer à décider dans de telles circonstances. Il est l’origine du chaos ! Parce qu’il a convoqué des élections législatives anticipées dont il n’a pas voulu assumer le résultat. Et depuis cette heure, la République, la démocratie sont faussées ! Ce type de situation se paie toujours. La vie politique d’un peuple passe par ses institutions. Et le respect du fonctionnement de ses institutions suppose le respect scrupuleux de la volonté du peuple. Sinon, ce n’est plus une démocratie. Et puis après cela, il y a eu un acharnement du président de la République à vouloir décider le contraire. Je dis bien le contraire, l’exact contraire de ce qui avait été dit par les élections. Bien sûr, personne n’avait la majorité absolue à l’issue des élections ! Mais enfin, un bloc était arrivé en tête. Tout ce qui a suivi a été la négation méthodique, acharnée, de ce résultat. Les gouvernements choisis ont eu pour Premier ministre des personnalités figurant sur les bancs les plus minoritaires de l’Assemblée nationale ! Ils se sont obstinés à prendre des décisions qui sont à l’exact opposé de ce qui avait été souhaité par le vote. Et pour finir, tandis que se multipliaient les signaux d’alerte et de mobilisation, il n’y a eu aucune réponse donnée à la mobilisation spontanée du 10 septembre, aucune réponse à la mobilisation intersyndicale massive du 18 septembre, ni non plus à celle du 2 octobre. À chaque étape, tout le monde a eu le sentiment d’avancer toujours plus loin dans un système de monarchie présidentielle dont personne ne veut dans ce pays, que l’on soit de droite ou que l’on soit de gauche.
Il faut donc, pour répondre à cette situation, aller au cœur du problème, c’est-à-dire en revenir au peuple. Il faut mettre en cause la légitimité du président de la République dans les formes que notre démocratie parlementaire permet. Je me répète : dans les formes institutionnelles dont nous disposons. Quelles sont-elles ? Il y en a une. C’est la destitution du président de la République, telle qu’elle est prévue par la Constitution elle-même. Cette destitution, elle est souhaitable et dès lors, elle doit être possible. Déjà, elle est demandée par 104 députés à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire la large majorité absolue des élus du Nouveau Front Populaire. Mais depuis, d’autres voix se sont élevées pour dire que quoi qu’en pensent les uns les autres, en définitive, c’est par là que passe la réponse claire dont on a besoin. Car telle est la culture politique de notre peuple.
À cette étape, après tout ce que nous venons de vivre, avec la confusion qui règne, l’absurdité serait d’imaginer quelque combinaison que ce soit reposant sur l’Assemblée nationale telle qu’elle est. Tout a été essayé sans succès : notre proposition, à l’époque, de nommer un Premier ministre issu du NFP, puis l’échec d’à peu près toutes les formations politiques de droite.
Il faut donc en revenir à la décision du seul souverain que connaît ce pays : le peuple. Le retour au peuple est la réponse que les démocraties apportent lorsqu’elles se trouvent dans une impasse. Nous sommes dans une impasse, personne ne peut le nier. Aussi longtemps qu’on tardera à régler le cœur du problème, tout ne fera qu’empirer et s’aggraver. Plus on imaginera des combinaisons, des accords contre nature pour parvenir à on ne sait quelle solution gouvernementale, plus on aggravera la crise aux yeux du monde, aux yeux de tous ceux qui nous regardent à cette heure.
On a besoin d’une solution claire, nette, franche et massive.
En France, le peuple est et doit rester, son propre maître ! Quoi qu’il arrive, nous autres qui avons été élus sur un même programme et qui siégeons et votons pour l’essentiel de la même manière au fil des discussions et des votes à l’Assemblée nationale, notre devoir, conformément au mandat que nous avons reçu dans cette élection de 2024, est de nous retrouver pour examiner tous les moyens qui nous permettent de faire face à la nouvelle situation. Et en particulier à la suite que nous comptons donner ensemble à la motion de destitution, aussi longtemps que le président de la République ne se sera pas exprimé, puisqu’il est, dans cette circonstance, le maître des événements.
Il nous appartient de répondre à ce que nous voyons. Et ce que nous voyons appelle notre demande de sa démission ou de son départ par un vote des assemblées. Et ensuite, nous verrons. Mais il faut le faire avec le sens des responsabilités et, quoi qu’il ait pu se produire, de la volonté d’apporter une réponse qui soit une issue gouvernementale claire pour notre peuple.
Le peuple est son propre maître. À tous ceux qui m’écoutent, je le rappelle : nous nous sommes toujours, nous autres Français, tirés d’affaire, chaque fois que nous avons fait sans barguigner appel au peuple pour qu’il décide lui-même de ce qui doit être fait. Il n’y a donc pas à avoir peur du vote populaire. Au contraire, il faut le solliciter en lui donnant les moyens de prendre la décision jusqu’au bout. Voilà pourquoi nous nous prononçons comme je suis en train de le faire, au nom de tous mes camarades, que chacune et chacun se dise qu’elle est le maître de l’Histoire de France. Il n’en est pas l’objet. Il en est l’acteur. Chacune, chacun, tant et si bien que je ne saurais conclure à cet instant sans inviter chacun, chacune à prendre sa part de responsabilité.
Qu’il aille vérifier, qu’elle aille vérifier, qu’il, qu’elle, est correctement inscrit sur les listes électorales et s’il n’y est pas, qu’il s’inscrive. Parce que d’une manière ou d’une autre, incessamment, le peuple français sera de nouveau convoqué à donner son avis. Il faut qu’on l’y autorise. Il faut qu’il lui soit permis d’aller au bout de sa démarche. Voilà notre voix à cette heure.
Aucune combinaison, aucune magouille, aucune entente de derrière les rideaux ne peut se substituer à l’exigence que le peuple se prononce. Il est le seul maître de ce pays. Tel est le fond de toute notre philosophie politique.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/10/06/melenchon-lecornu-demission/
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