Plus de 5 000 blouse blanches venus de toute la France ont défilé devant le ministère de la Santé, le jeudi 9 octobre, pour réclamer des embauches et protester contre les suppressions de lits.
© Dimitar DILKOFF / AFP)

Environ 5000 professionnels du secteur de la santé se sont rassemblés, jeudi 9 octobre, devant le ministère de la Santé à l’appel de la CGT santé et action sociale. Dans ce contexte politique troublé, tous rejettent en bloc la moindre nouvelle économie sur ces secteurs.

Par Cécile ROUSSEAU.

« Nous gagnons des luttes au niveau local, nous voulons maintenant gagner au niveau national. » Jeudi, devant le ministère de la Santé, à Paris, plus de 5 000 blouses blanches s’étaient parées de drapeaux rouges à l’appel de la CGT santé et action sociale.

L’instabilité politique avec la valse des gouvernements n’a pas démotivé les agents venus de tout le territoire. Au contraire, Pascaline Tregret, agent au sein du centre hospitalier de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), n’a pas hésité à se lever à quatre heures du matin pour lancer un avertissement au futur ministre de la Santé encore inconnu.

Le ras-le-bol des soignants face à l’austérité

« Elle ou il doit entendre que nous sommes en souffrance. On ne supporte plus ce bricolage quotidien, de faire plus avec moins. Résultat, dans notre établissement, quand tout est plein à cause des pics d’activité, faute de lits, on met des patients dans des salles de réunion. Le pire, c’est qu’on s’estime presque chanceux car les malades ne se retrouvent pas dans des garages comme nous l’avons vu ailleurs, soupire-t-elle. Tout cela passe d’autant plus mal que nous devons payer un bail emphytéotique à Eiffage qui va nous coûter trois fois le prix de l’hôpital… » Juste à côté, sa collègue a imprimé sa pensée sur sa blouse : « Ça va exploser ! Donnez-nous les moyens. »

Avec 80 000 lits supprimés en vingt ans, les conditions d’accueil sont partout catastrophiques. Au centre hospitalier Comminges-Pyrénées, à 100 kilomètres au sud de Toulouse (Haute-Garonne), 120 lits sont portés disparus depuis 2019. « Les patients qui ont une moyenne d’âge de 80 ans sont empilés dans les couloirs. En ce qui nous concerne, avec les départs de soignants, nous sommes contraints à la polyvalence : on passe sans cesse d’un service à un autre. C’est comme ça qu’ils poursuivent les économies », explique Fabrice Goussard, aide-soignant et représentant de la CGT.

Alors que la cure d’austérité de 5 milliards d’euros sur la santé dans le cadre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) est toujours dans les tuyaux, les coups de rabot ont atteint leurs limites. Comme le déplore Jules, éducateur spécialisé en institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP).

« Nous sommes tellement dans une logique gestionnaire que la finalité de notre activité et son intérêt public sont passés au second plan. Notre profession est la championne pour les reconversions professionnelles. » Travaillant dans une autre structure du même groupe, Jérôme poursuit : « Nous sommes complètement ligotés par les budgets en baisse. Je suis le seul référent pour 32 gamins placés par la protection de l’enfance. Je n’arrive pas à les voir plus d’une fois par mois. »

La CGT appelle à amplifier la mobilisation

À l’hôpital de Decazeville (Aveyron), la cocotte-minute de la colère a fini par exploser : « Les agents étaient laminés cet été, raconte Pascal Mazet, représentant de la CGT. Ils ont décidé d’une journée de grève et la moitié des effectifs sont sortis dans la cour. Nous avons gagné trois embauches. »

Dans la foule devant le ministère, Susana Duche, aide-soignante au sein d’un des Ehpad publics de Nemours (Seine-et-Marne), reçoit des « bravo » de la part des autres soignants. Depuis plusieurs mois, avec ses collègues, elle mène un bras de fer contre la direction qui commence à porter ses fruits.

« Le jour de la fête des mères, il y avait 5 aides-soignantes pour 100 personnes âgées… Comme on savait que 20 postes manquants étaient en réalité déjà financés, nous avons prévenu les familles des résidents de cette situation. Nous avons obtenu la promesse de 24 embauches mais seules 14 ont été concrétisées. Donc nous maintenons la pression. »

Si certains élus communistes avaient répondu présent, les manifestants pouvaient aussi compter sur le soutien des unions locales CGT, de la fédération des services publics… mais aussi des salariés du privé. « Les ouvriers d’ArcelorMittal sont là tout comme ceux de Thales. Il y a une prise de conscience générale qu’on ne peut plus continuer comme ça », constate Barbara Filhol, secrétaire générale de la CGT santé et action sociale.

Venue à la rencontre des blouses blanches, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, dénonce : « Ça suffit que les multinationales se goinfrent sur le dos de la Sécurité sociale. Pendant ce temps-là, on maltraite nos adultes et nos enfants. » La cégétiste exhorte à amplifier la dynamique de mobilisation enclenchée le 10 septembre : « Il n’y aura pas de stabilité politique sans justice sociale et sans abrogation de la réforme des retraites. Nous sommes en position de force depuis qu’Emmanuel Macron l’a fait passer au forceps. Il est prêt au chaos politique, mais il trouvera les travailleurs et travailleuses sur son chemin. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/greves/ca-va-exploser-donnez-nous-les-moyens-a-paris-plus-de-5-000-soignants-en-colere-denoncent-lausterite-devant-le-ministere-de-la-sante

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