« À 60 ans, je n’ai aucune chance de retrouver du travail » : quand Intermarché solde ses salariés (h.fr-10/07/25)

Les salariés de l’Intermarché de La Riche (Indre-et-Loire) manifestent devant leur lieu de travail, le 9 juillet 2025.
© Fabrice Ore / Radio France / Maxppp

En avril, Intermarché a annoncé la fermeture de 28 magasins rachetés à Casino. Parmi lesquels l’hypermarché de La Riche, en périphérie de Tours, et ses 54 employés. Ce mercredi 9 juillet, ils s’étaient rassemblés pour protester contre des conditions de départ, qu’ils jugent insatisfaisantes.

Par Mathilde TEXIER.

La Riche (Indre-et-Loire), envoyée spéciale.

Silencieux, le dos tourné, en signe du « deuil de leur emploi ». Voici l’accueil réservé par les salariés de l’Intermarché Hyper de La Riche (Indre-et-Loire) à leur direction, mercredi 9 juillet. Comme 27 autres Casino repris par Intermarché, le magasin dans lequel travaillaient ces 54 employés a fermé, dix-huit mois seulement après son rachat.

Un plan dit de sauvegarde de l’emploi (PSE) est en cours de négociation pour cette équipe en cessation d’activité rémunérée depuis le 28 avril dernier. « Nous souhaitons leur faire comprendre que nous sommes prêts à nous battre », martèle Christèle Poyant, élue du CSE de cet hypermarché en périphérie de Tours.

Une colère provenant des négociations, insatisfaisantes, selon Fabrice Oré, délégué syndical CGT. « La direction propose 300 euros de moins d’indemnités par année d’ancienneté par rapport aux PSE précédents, alors que le groupe affiche des résultats exponentiels », déplore le boulanger de la grande surface.

Dans l’après-midi, les salariés ont appris par la direction la division de moitié des années d’ancienneté pour ceux ayant bénéficié d’un congé parental ou travaillé à mi-temps. « L’équipe est composée en majorité de femmes. Beaucoup sont donc doublement touchées par ce PSE », dénonce Fabrice Oré.

72 % des salariés ont plus de 50 ans

Autre point de friction : la direction souhaite imposer l’accord trouvé avec un autre magasin. « Ce supermarché a donné un accord de principe car 80 % du personnel souhaite refaire de la formation longue. Mais ce PSE n’est pas adaptable à notre magasin car les salariés sont beaucoup plus âgés », signale le délégué syndical, lui-même âgé de 57 ans. 

Estimant proposer un plan « social » plus avantageux que celui proposé initialement par Casino, le Groupement les Mousquetaires tient à préciser à l’Humanité que « plusieurs mesures d’accompagnement à la formation, reclassement ou d’accompagnement des salariés en fin de carrière ont été proposées, dans une logique d’équité entre les différents points de vente et leurs formats ».

72 % des effectifs de la grande surface de La Riche ont en effet plus de 50 ans, d’après Karine Thomas, secrétaire du CSE. « J’ai 57 ans. Faire une formation durant deux ans puis retrouver du travail, cela me paraît compliqué », peste la déléguée syndicale Unsa.

Appelé la « galerie fantôme », le centre commercial a perdu son magasin principal. Il ne reste aujourd’hui plus que trois boutiques sur les 45. Rassemblés sur l’immense parking quasiment vide du centre commercial, les employés attendent la fin des négociations malgré la chaleur écrasante.

Pour patienter, ils discutent retraite. « Je suis en carrière longue, mais je n’ai pas assez cotisé », lance l’une d’entre eux. Nombreux sont dans le même cas. Nicole Sauze, chargée de rayon de 55 ans, dont dix-huit dans ce supermarché, craint de devoir travailler trois années supplémentaires. « Je ne sais pas si je serai en capacité physique », s’inquiète la salariée.

26 ans d’ancienneté en moyenne

L’angoisse des difficultés financières est sur toutes les lèvres. Caroline Pires, 56 ans, est célibataire. « J’ai un crédit immobilier sur le dos », soupire-t-elle. C’est aussi le cas de Christèle Poyant. « J’ai bientôt 60 ans, je n’ai aucune chance de retrouver du travail », se désole la responsable commerciale. Avant d’ajouter : « Nous ne pouvons pas nous permettre un PSE au rabais. »

Le principal reproche fait par les salariés à Intermarché ? Les faux espoirs. « On y a cru. D’autant plus qu’un adhérent a souhaité reprendre le magasin. Il a promis 6 millions d’euros de travaux, puis a disparu au bout de quinze jours », fulmine Fabrice Oré. La fermeture a été notifiée deux semaines avant l’échéance. Une annonce « très brutale » pour Sylvie *, trente-huit ans de maison. Sous le choc, elle a mis deux jours à l’annoncer à sa famille.

Une nouvelle d’autant plus difficile à encaisser que ces salariés ont, en moyenne, vingt-six ans d’ancienneté. « Nous étions une famille », affirme Christèle Poyant, en retenant un sanglot. Christine Berland, 38 ans d’ancienneté, conclut, amère : « On a tout perdu. »

* Le prénom a été modifié.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/casino/a-60-ans-je-nai-aucune-chance-de-retrouver-du-travail-quand-intermarche-solde-ses-salaries

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/a-60-ans-je-nai-aucune-chance-de-retrouver-du-travail-quand-intermarche-solde-ses-salaries-h-fr-10-07-25/

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