
Trois jours après la date initialement prévue d’entrée en vigueur de la zone à faibles émissions (ZFE) à Brest, et deux jours avant l’examen d’un texte à l’Assemblée, visant à supprimer ces dispositifs, qu’en pensent usagers et automobilistes ? Beaucoup s’interrogent. Quelques-uns s’opposent. Très peu valident.
Par Sophie PREVOST.
Après Rennes, au 1er janvier 2025, Brest devrait être la deuxième métropole bretonne à lancer son dispositif Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Depuis le 1er avril, les automobilistes et conducteurs de deux-roues motorisés doivent, théoriquement, apposer une vignette Crit’air à leur véhicule pour pouvoir circuler et stationner dans un périmètre établi et à des horaires concernés..
Sauf dérogation, toutes les voitures immatriculées avant le 31 décembre 1996 devraient, pour leur part, être complètement interdites dans la ZFE. Il y en aurait encore 1 080 en circulation, « soit environ 1 % du parc automobile », a mentionné récemment le vice-président aux mobilités de Brest métropole Yohann Nédélec. Dans l’attente du vote des députés, le plan est momentanément gelé.
Il y a beaucoup de blablas, beaucoup de dépenses et de contraintes pour les gens, mais pour quels résultats ? À Brest, cette ZFE ne se justifiait pas. On est une petite métropole, pas trop polluée. On n’a pas eu le temps de la réflexion.
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« Pas les moyens de changer de voiture »
Sur le parking d’un grand centre commercial brestois, ce samedi, un rapide coup d’œil vers les pare-brise permet déjà de dire qu’il n’y a pas eu de ruée sur les vignettes. Un véhicule sur quatre, en moyenne, porte sa mention Crit’Air. Quasi tous en catégorie 1 et 2, et une partie immatriculée dans d’autres départements. C’est le cas du Volkswagen ID4 100 % électrique que Mélanie Boivin, 42 ans, est en train de recharger. La vacancière vient de Rouen (Seine-Maritime), où la ZFE s’applique depuis 2021 « et où les amendes pleuvent, désormais ». Si elle valide le principe d’améliorer la qualité de l’air, cette mère de famille s’interroge sur la méthode. « Les contrôles sont, au final, stigmatisants et pas très dissuasifs, confirme-t-elle. Et il n’y a pas moins de poussière au-dessus de la ville qu’avant. »
Assise non loin de là au volant d’une Peugeot 306 un peu cabossée, Alicia, 23 ans, n’a pas de vignette et avoue « qu’elle ne s’est pas renseignée ». Immatriculée depuis octobre 1995, sa trois-portes aux 305 000 km fait pourtant bien partie du parc désormais hors course. Soupir de la maman solo : « Cette voiture, on me l’a déjà prêtée. Tout le monde n’a pas les moyens de se payer une hybride ou une Zoé. J’habite Lesneven, à 30 km, et j’ai des rendez-vous à honorer à Brest. S’il faut, je prendrai aussi le tramway, mais ça me paraît plus compliqué ! »
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« Beaucoup de blablas, pour quels résultats ? »
Un peu plus loin, Yvon Jourden, 80 ans, sort d’une Citroën Xantia de l’an 2000, « avec très peu de kilomètres » et « en très bon état ». Sa vignette, en Crit’Air 5, l’ancien gendarme « respectueux des lois » a fait l’effort de la commander à temps. Mais il ne l’a pas encore collée : « J’attends de voir le prochain vote des députés ». Pour lui, « il y a beaucoup de blablas, beaucoup de dépenses et de contraintes pour les gens, mais pour quels résultats ? À Brest, cette ZFE ne se justifiait pas. On est une petite métropole, pas trop polluée. On n’a pas eu le temps de la réflexion ».
Intermittente du spectacle, Maria, 54 ans, n’avait pas noté l’entrée en vigueur de la ZFE. Un 1er avril qui plus est. « C’est une drôle de blague, non ? », glisse-t-elle, en avouant un peu d’indifférence. « Ma voiture a vingt ans mais il faut que je la fasse durer. Ce n’est pas avec la contrainte qu’on va nous motiver. »
Ces arguments, on a pu aussi les entendre en boucle, à l’occasion de la manifestation brestoise « Non aux ZFE », ce dimanche 6 avril. Avec beaucoup d’amertume et de colère, partagée par les deux-roues. « Pour moi les ZFE sont une honte et n’ont rien d’écologique, clame Gérald, 55 ans. On pointe nos anciens véhicules thermiques du doigt, alors qu’ils sont énormément contrôlés et que les nouveaux modèles pollueront au moins autant ! ».
« Arrêtons d’emmerder les Français ! »
Bernadette Pédron, dont le foyer dispose, à Brignogan-Plages, de deux voitures en Crit’Air 3, d’une 4 CV et de dix solex de collection, fulmine contre « cette écologie punitive ». « Il s’agit d’une arnaque et d’une double peine pour les petites gens. En plus de nous contraindre, elle va rendre nos anciens modèles invendables ! » La retraitée de 70 ans n’a pas l’envie ni les moyens de changer de voiture. Elle refuse catégoriquement d’acheter les vignettes et paiera, dit-elle, des amendes s’il le faut. « Quand je viens à Brest, c’est pour les grosses courses et les rendez-vous médicaux, avec mes petits-enfants ou des personnes âgées à bord. Je ne vais pas les mettre dans les transports en commun. »
Retraité de la Poste, Bernard Héliès, 67 ans, déplore, lui, « le flou artistique » autour des suites de la ZFE brestoise. « J’entends déjà que l’interdiction pourrait être élargie aux Crit’Air 3, 4 et 5 dans un an ou deux. Pendant ce temps, les décideurs prennent l’avion, les bateaux de croisière naviguent, les usines fument. On n’est pas à une contradiction près. Moi, je pense comme Pompidou : qu’il faut arrêter d’emmerder les Français ! »
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