À l’université d’été du Medef, là où « l’union des droites rassure plus que le wokisme de gauche » (H.fr-27/08/24)

Patrick Martin lors des rencontres des entrepreneurs de France à l’hippodrome de Longchamp, le 27 août 2024.
© Jumeau Alexis/ABACA

Si en public, Patrick Martin, président du Medef, fait mine de s’inquiéter de la situation politique, dans les allées de l’université d’été du syndicat patronal, les employeurs sont confiants. La menace du NFP semble écartée et l’extrême droite n’est pas un obstacle au libéralisme.

Par Pierric MARISSAL.

Il y a ce que Patrick Martin a déclaré devant les caméras, lundi après-midi, et ce qu’il a dit à ses troupes dans la matinée, à l’abri des micros. Les temps sont « durs », « rudes », « incertains », a égrainé sur scène le patron des patrons, appelant les siens à se serrer les coudes. Mais cette inquiétude abondamment reprise par la presse disparaît complètement dans le luxueux décor de l’hippodrome de Longchamp, où le Medef tenait ces lundi et mardi son raout annuel, les rencontres des entrepreneurs de France (REF).

Loin d’être inquiet, André Bousser se dit même plutôt content. « Enfin, on va vers le Medef de combat que j’appelle de mes vœux depuis plusieurs années, qui va frapper du poing sur la table ! Moi je veux une CGT des patrons qui défend vraiment nos intérêts », lance avec emphase le président de l’Union des entreprises de Moselle et PDG de AB Serve. Ce qu’il retient plutôt des discours, c’est l’appel de Patrick Martin à ses troupes d’aller voir les élus dans les circonscriptions pour les convaincre, prêcher la bonne parole, voire leur mettre la pression.

« Pour nous, patrons, l’union des droites rassure toujours plus que le wokisme de gauche »

Députés comme élus locaux d’ailleurs. « S’ils persistent à vouloir augmenter le Smic, nous, on va leur parler baisse des effectifs, ça ne va pas leur plaire », assure-t-il. Quant à la paralysie politique évoquée abondement par Patrick Martin dans son discours, André Bousser hausse les épaules : « J’ai un copain qui est patron en Belgique, il m’a dit que l’économie n’avait jamais autant progressé que quand le pays n’avait pas de gouvernement. »

De fait, la situation politique n’inquiète pas vraiment les patrons. « C’est vrai qu’en juin, on se disait que quand on était 3 dans une pièce, il y avait 2 extrêmes. Mais là, c’est la rentrée et puis c’est dans la nature des entrepreneurs d’être optimistes », sourit Guillaume Koelsch, PDG de la Compagnie française du conteneur. S’il n’est pas très à l’aise à l’idée de se transformer en lobbyiste pour le Medef, l’important pour lui comme pour ses collègues est que le programme du Nouveau Front populaire soit écarté.

Il faut insister pour que les patrons évoquent le Rassemblement national. Patrick Martin n’a même pas mentionné le parti d’extrême droite dans son discours. « Eh bien, nous avons tous voté en juin pour que le RN ne soit pas au pouvoir, donc ce n’est plus le sujet », nous rétorque simplement Émilie Korchia, fondatrice de la start-up My Job Glasses. Un autre dirigeant qui préfère ne pas être nommé sur le sujet explique que « pour nous, patrons, l’union des droites rassure toujours plus que le wokisme de gauche ».

Le président du Medef Occitanie, Samuel Hervé, résume les choses ainsi : « On préférera toujours des députés qui ne sont pas opposés à l’économie de marché. » Certes, il reconnaît qu’idéologiquement, il n’est pas certain que les 142 parlementaires d’extrême droite soient tout à fait raccord sur une politique économique cohérente et commune. Mais cela donne d’autant plus raison à la mission confiée par Patrick Martin : « Il va falloir aller les voir et leur expliquer les enjeux », assure Samuel Hervé.

« Suspendre la politique de l’offre se paiera cash »

La priorité du Medef, c’est le maintien d’une politique de l’offre, soit de soutien aux entreprises, coûte que coûte. « La suspendre se paiera cash », a prévenu le patron du Medef. « La politique de l’offre permet la création d’emplois », répètent ainsi avec conviction tous les dirigeants interrogés, qui assurent que le recrutement et la compétitivité sont leurs principaux problèmes. À l’exception notable de Guillaume Koelsch, dirigeant de TPE, qui s’inquiète avant tout pour son carnet de commandes.

Son témoignage est d’ailleurs plutôt représentatif des dirigeants français – majoritairement à la tête de petites structures – qui, selon les baromètres mensuels sur le climat des affaires de l’Insee, indiquent que le principal obstacle au développement de leur entreprise est lié à la demande. Et cette proportion augmente depuis plusieurs mois consécutifs, affirme l’institut public.

« Bon, parfois je comprends aussi pourquoi vous nous accusez de privatiser les bénéfices et de mutualiser les pertes ! »Samuel Hervé, président du Medef Occitanie

Mais les 5 800 faillites – un record – ce mois de juillet n’inquiètent pas non plus sur la pertinence de la politique économique suivie : ce sont des entreprises qui n’ont survécu que grâce aux aides touchées pendant le Covid, expliquent en chœur les patrons.

« Je ne suis pas non plus un dogmatique de la politique de l’offre, tempère également Samuel Hervé. Pendant le Covid ou avec le bouclier énergétique, ce gouvernement a fait du keynésianisme et a sauvé des milliers d’entreprises, c’est d’ailleurs pour cela qu’on a ovationné Bruno Le Maire ! » Il s’interrompt un moment, réfléchit et rigole : « Bon, parfois je comprends aussi pourquoi vous nous accusez de privatiser les bénéfices et de mutualiser les pertes ! »

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Source: https://www.humanite.fr/politique/medef/a-luniversite-dete-du-medef-la-ou-lunion-des-droites-rassure-plus-que-le-wokisme-de-gauche

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