
Par Isabelle LABARRE
Un quartier vu par… Ils y vivent depuis plusieurs années, y ont leurs habitudes, leurs adresses préférées. Durant l’été, des habitants nous racontent leur lieu de vie. Aujourd’hui, un regard à trois voix posé sur le quartier de la Bottière.
Elles ont commencé à papoter autour d’une tasse, à l’intérieur du café associatif, le cœur battant du quartier. Un lieu ouvert à tous, des bénévoles derrière le comptoir, 50 centimes la conso. Entre la boulangerie et l’atelier Couture plaisir, face à la mairie de quartier, c’est presque une sorte de QG pour Hélène Jan, Zohra Chehlaoui et Karine Nevers. Trois visages familiers qui habitent cette portion de la Bottière, avec la maison de quartier, l’école Urbain-Le-Verrier, la pataugeoire de la Grande-Garenne et la rue du Petit-Bel-Air pour points cardinaux. Trois itinéraires de vie qui ont brouillé les cartes géographiques mais sont aujourd’hui intimement liés au quartier.
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L’arrivée dans le quartier
Karine Nevers n’a pas choisi d’habiter ici. Originaire de la Martinique, l’aide-soignante débarquée à Paris il y a vingt-quatre ans a d’abord posé ses valises rue des Chalâtres, avant de se voir attribuer un T3 dans un ensemble d’immeubles HLM des années 1960, rue Félix-Ménétrier. Plutôt emballée « par le bus 11 qui va à Paridis, le tram et le C1 pour rejoindre le centre-ville. On peut faire beaucoup de choses à pied. Stratégiquement, ce quartier est un trésor », sourit la trentenaire, qui pousse parfois la promenade jusqu’au parc du Croissant. De sa fenêtre du rez-de-chaussée, elle est aux premières loges de son décor préféré : le petit parc de la Grande-Garenne, les familles de canards clopinant sous les chênes centenaires, autour de la pataugeoire. « Ma fille de six ans y vient tous les jours, c’est sécurisé, à l’écart de la rue, apprécie-t-elle. On fête les anniversaires sur les bancs, on organise des goûters. Mes voisins sont là depuis quarante ou cinquante ans, on s’entraide. C’est pas compliqué de vivre ici. »
Zohra Chehlaoui, 54 ans, née au Maroc, a longtemps vécu en Italie avant de poser ses valises à Nantes, avec son fils de quatre ans. C’était en 2013. « Au départ, c’était un peu dur de se retrouver seule, confie-t-elle. Ma chance, c’est d’avoir été adoptée par le centre socioculturel de l’Accoord ! Et le soutien que j’ai reçu à l’école Urbain-Le-Verrier et le collège de la Noé-Lambert. » Son appartement donne sur la maison de quartier et l’esplanade attenante où, cet été, sont apparus palmiers et petite dune de sable, pour l’animation Bottière-plage.
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Autre parcours de « maman solo », celui d’Hélène Jan, qui a vécu ses premières années dans le quartier avec sa sœur jumelle, avant d’emménager à Rezé. Elle y est revenue, enceinte de sa première fille, logée en urgence dans un petit appartement de la rue Augustin-Fresnel. Aujourd’hui elle vit avec ses trois enfants, à la lisière du quartier Pin-Sec. « Mon coin favori, c’est en allant vers le lieu associatif le Colibri, rue de Valenciennes, et les jardins familiaux. J’adore avoir les mains dans la terre, c’est une vraie jungle à cette période, explique cette femme de 48 ans que des ennuis de santé ont éloignée de son activité professionnelle. Je suis bien entourée ici, c’est pour cela que je ne partirai pas. »
Pourquoi elles l’aiment ?
Si ces trois femmes sont tant attachées à leur quartier, c’est aussi parce qu’elles se démènent pour lui, chacune à sa manière. « J’essaie de motiver les habitants à sortir de leur appartement, mais ils n’accrochent pas forcément », regrette Karine Nevers, membre de l’équipe du café associatif. « Grâce au bénévolat, j’ai été amenée à faire des choses que je n’aurais jamais faites autrement », estime Zohra Chehlaoui, qui, entre autres, chapeaute le collectif d’animations au sein de la maison de quartier et organise le printemps des voisins avec une autre habitante. L’association des habitants de Bottière-Pin-Sec, que « co-préside » Hélène Jan, « permet de faire sortir de l’isolement des gens qui n’ont pas beaucoup de moyens ».
Un point à améliorer
Au pied de leurs immeubles anciens, dans ce quartier prioritaire où près de 85 % des logements sont des HLM (1) ces mères rêvent de balcons et de façades rafraîchies. Elles attendent beaucoup du projet de Beau tiers-lieu qui promet salles de cinéma, ressourcerie, restaurant solidaire, etc. Surtout, elles aspirent à un quartier sans deal. « C’est ce qui nous fait peur pour nos adolescents. »
Elles se mettent en quatre pour maintenir le dialogue avec les jeunes, prônant un mélange de fermeté et d’humour. La nuit du 29 au 30 juin, lorsque le quartier s’est embrasé et le magasin Centrakor a été détruit, dans le sillage de la mort du jeune Nahel, à Nanterre, Karine Nevers était dans la rue : « Avec les voisins, on a fait des rondes jusqu’à trois heures du matin pour montrer une présence et dire aux jeunes de rentrer chez eux. Depuis, la vie a repris dans le quartier, mais avec beaucoup de questions. »
(1) Source Insee.
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