
Confrontée à un manque d’agents, la préfecture de police de Paris privilégie le traitement des dossiers en cours aux dépens des nouveaux. Une situation que pourrait aggraver le renforcement de la sécurité autour des jeux Olympiques.
Par Khalil Auguste NDIAYE.
Les demandes affluent, mais la préfecture ne répond plus. C’est ce que constatent empiriquement les travailleurs sans papiers en demande de régularisation ainsi que les associations qui les accompagnent. « On travaille, on a des fiches de salaire et on paie des impôts. On a le droit d’être régularisés et là, ils ne nous disent rien », se plaint ainsi Ibrahim*, laborantin sénégalais, qui manifestait à quelques pas de la préfecture, la semaine dernière, à l’appel de l’association Droits devant (une défense des droits des travailleurs sans papiers, NDLR).
À la préfecture de police de Paris, Frédéric Guillot, secrétaire général de la CGT, corrobore : « Énormément de retard sur l’admission exceptionnelle au séjour sont à prévoir, on parle de dizaines de milliers de dossiers. » En cause, des manques de moyens et des effectifs réduits au possible, dont découlent des ordres de traitement de dossiers venant de la direction.
« L’admission exceptionnelle est gérée quand les personnels ont le temps », précise Frédéric Guillot. « C’est une consigne de la préfète de police de Paris de dire que l’on étudie les dossiers des gens qui sont déjà dans un parcours d’intégration en France. Mais cette consigne de prioriser les demandes de renouvellement a été donnée il y a un an déjà… »
La préfecture face à des problèmes d’effectifs
Une façon de gérer qui ne satisfait pas tous les agents de ce service public. « Quand on parle de nouveaux dossiers, on parle de gens qui sont là parfois depuis des années, dans des conditions de précarité. Nous pensons que l’ensemble des demandes doit être traité de la même manière », poursuit le cégétiste.
Contactée par l’Humanité, la préfecture de police affirme « traiter effectivement des demandes d’admissions exceptionnelles au séjour. L’instruction de ces dossiers complexes est longue, mais tous les dossiers déposés sont à ce jour pris en compte », sans donner plus de précision sur les difficultés auxquelles ses services sont confrontés.
Ces consignes de traitement des dossiers sont surtout prises pour faire face aux problèmes d’effectif auxquels la délégation à l’immigration est structurellement confrontée. « On a 500 agents sur l’ensemble du territoire pour gérer des dizaines de milliers de demandes régulièrement. Mais beaucoup de postes sont vacants car ils manquent d’attractivité. Les collègues s’en vont en détachement en province. Et on a du mal à recruter par concours. »
Le 1er juillet, le service s’est vu affecter « quelques agents sortis de concours ». Des renforts bienvenus mais qui demandent un temps de formation et d’adaptation. Et qui, selon Frédéric Guillot, ne comblent pas les besoins. D’autant que les jeux Olympiques approchent. Initialement, 2 000 volontaires étaient prévus pour animer des zones de repos des agents de police sur le terrain.
« Mais il n’y en a quasiment pas. La préfecture va donc devoir désigner des collègues pour y suppléer », déplore le représentant syndical. La plupart des directions de la préfecture étant déjà surchargées, les personnels de la délégation à l’immigration s’attendent à voir partir de nombreux agents durant cette période, ces détachements ralentissant un peu plus le traitement des dossiers de régularisation.
Les demandeurs demeurent donc dans le flou quant à leurs dossiers. Un flou concernant aussi bien le suivi que les délais de traitement du dossier, voire la possibilité même de déposer une demande, que dénonce Jean-Claude Amara, fondateur de l’association Droits devant. Pour lui, « le blocage vient d’en haut. On a déposé plus de 40 dossiers depuis plusieurs mois et nous n’avons aucune nouvelle, pas seulement à Paris, mais dans d’autres départements ».
Malgré leur rassemblement du 4 juillet rapidement bloqué dès la sortie du métro par plusieurs agents de police, ce collectif se dit « prêt à réitérer ce qui n’était qu’une première action tant que (leurs) dossiers ne seront pas acceptés ». En espérant avoir un autre accueil que la rangée d’agents de police en armure de la dernière fois.
* Le prénom a été changé
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