
Philippe Bras, président de l’AAPPMA du pays de Morlaix, aux côtés de Sébastien Géoltrain, également membre de l’association, devant le dossier de plusieurs centaines de pages sur la carrière de Ruvernison. (Le Télégramme/Monique Kéromnès)
À Pleyber-Christ, la carrière de Ruvernison n’a plus d’autorisation d’exploiter depuis le 31 juillet 2020. Une découverte faite par l’AAPPMA du pays de Morlaix qui engage deux actions en justice.
« La carrière de Ruvernison, à Pleyber-Christ, devrait avoir cessé d’exploiter au 31 juillet 2020 et aurait dû être remise en état à cette même date ». Pour l’AAPPMA (Association pour la pêche et la protection du milieu aquatique) du pays de Morlaix, le constat est « stupéfiant ». C’est, surtout, le résultat de plusieurs mois d’enquête, explique Philippe Bras, président, aux côtés de Sébastien Géoltrain, membre de l’association.
Projet d’extension en 2021
Cette carrière – classée ICPE (Installation classée protection de l’environnement) et donc soumise à autorisation – est exploitée depuis 1975 par la CMGO (Carrières et matériaux Grand Ouest). En 2021, un projet d’extension est annoncé : de 13 ha, l’emprise passerait à 33 ha avec un cratère approfondi de 20 m. Permettant une production annuelle allant jusqu’à 450 000 tonnes de granulats, contre 200 000 actuellement.
L’exploitant a trompé tout le monde ! La préfecture n’aurait jamais dû instruire la demande d’extension !
Le dossier prend une autre tournure en juillet 2022, quand, en pleine sécheresse, une pollution est constatée sur le ruisseau Traon Stang, en contrebas du site. La carrière est soupçonnée d’en être à l’origine. Une plainte a été déposée, « et nous avons saisi le procureur de la République ». L’enquête est en cours.

Le « désarroi » des riverains
Une enquête qu’a aussi décidé de mener, de son côté, l’AAPPMA. Motivée, notamment, par le « désarroi des riverains face au comportement de l’exploitant ». C’est ainsi qu’ils ont découvert que la carrière est exploitée « en totale illégalité » depuis deux ans. « Le dernier arrêté en date, celui du 28 juillet 2016, fixe l’échéance de l’autorisation au 31 juillet 2020. La CMGO aurait dû stopper toute activité et, surtout, avoir remis la carrière en état. Ils devraient avoir démonté et évacué les installations de traitement, le cratère devrait être mis en eau et les zones de stockage végétalisées ».
Deux enquêtes publiques
L’AAPPMA d’interroger : « Comment, depuis 2020, la CMGO a-t-elle pu continuer d’exploiter et lancer un projet d’extension sans cette autorisation ? » D’autant que, depuis, deux enquêtes publiques ont eu lieu. La première, en 2021, sur le projet d’extension. Avec avis favorable. Suivi du même avis du conseil municipal de Pleyber-Christ. La seconde, en 2022, pour mettre en conformité le PLUi-H de Morlaix communauté (pour déclasser des terres agricoles). Là encore, avis favorable. Suivi de la validation du PLUi-H par l’ensemble des élus de Morlaix communauté, fin janvier. Avec, certes, une réserve émise par l’élu chargé de l’eau, Guy Pennec, à la suite de la pollution de juillet 2022.
« L’exploitant a trompé tout le monde ! »
« L’exploitant a trompé tout le monde ! La préfecture n’aurait jamais dû instruire la demande d’extension ! », lancent Philippe Bras et Sébastien Géoltrain. L’association a donc fait un recours amiable auprès du préfet du Finistère, le 2 février 2023, « pour demander la remise en état du site ». Mais pas de réponse après les deux mois de délai légal. L’association, avec huit riverains co-requérants, engage donc une procédure en référé contre l’État, au tribunal administratif de Rennes. En parallèle, un recours gracieux a été engagé pour demander à Morlaix communauté d’annuler la délibération sur le PLUi-H.
C’est inadmissible qu’on en soit arrivé là sans que personne n’ai rien vu ou fait !
Contactée, la préfecture du Finistère n’a pas donné suite à nos demandes. Quant à Morlaix communauté, elle a indiqué « ne pas faire de commentaire ». Pas de réponse, non plus, du côté de la CMGO. Sachant que, selon nos informations, la carrière serait en cours d’acquisition par un nouvel exploitant.
« Ils sont hors la loi ! »
« On va en justice pour que ça ne se reproduise plus ! Le cas de Ruvernison est un exemple de je-m’en-foutisme et de naïveté dans tous les domaines ! Il y a des manquements graves. C’est inadmissible qu’on en soit arrivé là sans que personne n’ai rien vu ou fait ! », s’emporte Philippe Bras qui insiste : « On est qualifiés d’empêcheurs de tourner en rond mais ce sont eux qui sont hors la loi. L’État et le préfet doivent prendre leurs responsabilités. »
Auteur : Monique Kéromnès