
Gérer une pénurie de médecins dont ils ne sont pas responsables, c’est le dilemme des élus des petites communes. À Plougasnou, où la municipalité a créé des conditions d’accueil, la maire Nathalie Bernard cherche désormais de l’aide pour structurer le projet d’offre de soins.
Cela fait deux ans et demi que Plougasnou cherche un 3e médecin. Comment en est-on arrivé là ?
« Il y a quelques années, Plougasnou comptait quatre médecins dans leur vieux centre médical du bourg. Dès 2016, les médecins qui n’étaient plus que trois (deux départs à la retraite, un seul remplacé) ont fait valoir le besoin d’une maison médicale digne de ce nom pour attirer de jeunes médecins et travailler avec d’autres professionnels de santé. La municipalité a donc confié à l’opérateur Office santé le projet de construction d’une Maison de santé communale. Elle a ouvert en janvier 2021 avec un cabinet médical pouvant accueillir trois médecins libéraux et des locaux partagés pour une équipe pluridisciplinaire. Le Dr Le Nouy et le Dr Nougaret, arrivé en 2019, s’y sont installés, mais le 3e poste est toujours vacant, malgré nos multiples tentatives de recrutement ».
Quelles sont les conséquences pour la santé globale de la population ?
« La crainte, c’est le risque de ne pas se faire soigner, ou trop tard. Plougasnou est une commune balnéaire de presque 3 000 habitants à l’année, le triple l’été, dont de nombreux retraités : il nous faut un nouveau médecin d’urgence, et un second à moyen terme, quand le Dr Le Nouy partira à la retraite. C’est une question d’accès à la santé de proximité. Pour la population vieillissante, en zone rurale sans transport collectif. Et pour la nouvelle population d’actifs installée ces dernières années qui doit se rendre, faute d’offre de soin, dans les communes avoisinantes?. »
En tant qu’élue, quels moyens avez-vous ?
« ?Les municipalités se sentent démunies. Nous avons mis à disposition des locaux, propriété de la mairie, qui peuvent accueillir trois médecins libéraux moyennant un loyer très raisonnable de 500 €/mois/médecin. Mais on a besoin d’accompagnement juridique et administratif : malgré les annonces de la mairie auprès du Syndicat national des jeunes médecins, celles du Dr Nougaret via les réseaux sociaux, on n’a eu aucune candidature. Notre commune n’étant pas classée désert médical selon les critères de l’ARS, on ne bénéficie pas de coordonnateur en santé. Et nous n’avons pas les moyens de nous payer un cabinet de recrutement ! À l’image de Plérin dont le centre médical municipal salarie tous les médecins, nous avons bien envisagé de salarier un 3e généraliste aux côtés des libéraux. Mais une mairie n’a juridiquement pas le droit d’intégrer leur SCM (Société Civile de Moyens) ».
Y a-t-il des pistes concrètes pour structurer l’offre de soin ?
« Cet été, ?la Clinique de la baie, à Morlaix, a répondu avec Plougasnou, Plouigneau et Pleyber-Christ, à un appel à projet de l’ARS sur les soins de proximité??. Si ce projet est retenu, l’ARS nous accompagnera pour structurer une réponse, construire un budget, puis la faire vivre. On pourrait imaginer que la clinique, qui vient d’embaucher trois généralistes, puisse les détacher pour des permanences dans nos communes. Nous menons en parallèle des réflexions à l’échelle du Pays de Morlaix pour trouver une structure d’accompagnement : l’hôpital ? La fondation Ildys, déjà en convention avec Saint-Thégonnec pour y détacher un médecin ? Ou le pôle médical et universitaire de Lanmeur, précurseur dans ce mode d’organisation ? Nous sommes ouverts à tout type de réponse. »
Auteur : Sophie Guillerm