
En liquidation, l’unique pharmacie de Ploumoguer doit fermer ses portes, mardi 26 mars. « J’ai été trop humaine et pas assez administrative », regrette Nathalie Serre, sa propriétaire.
Par Yann LE GALL.
« Je termine mardi prochain », se résout Nathalie Serre. Sa demande de placement en redressement judiciaire au tribunal de commerce de Brest, en septembre 2023, n’a pas évité la liquidation définitive de la pharmacie de la Mer d’Iroise. La pilule est très amère pour celle qui s’imaginait une tout autre nouvelle vie lorsqu’elle a repris l’unique officine de Ploumoguer, en mars 2021. « J’exerçais depuis 25 ans, comme salariée, dans une pharmacie parisienne. La période de la crise sanitaire m’a donné envie d’aller voir ailleurs. Je connaissais la Bretagne. Une amie préparatrice m’a dit qu’il y avait cette opportunité de reprise à Ploumoguer ». Sur place, Nathalie Serre ressent le coup de cœur. À 55 ans et forte d’une solide expérience, la voilà propriétaire de sa pharmacie. Elle la personnalise en ajoutant des gammes « naturelles » : aromathérapie, gemmothérapie, micronutrition…
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« Sous 1 M€ de chiffre d’affaires, ce n’est plus viable »
« Je suis de bon conseil », considère-t-elle, sur la foi des retours d’une clientèle largement restée fidèle au lieu après le changement de propriétaire. « Entre 50 et 100 passages par jour ». Fréquentation en apparence correcte mais, au bout du compte, insuffisante. « Sous 1 M€ de chiffre d’affaires par an, ce n’est plus viable pour une pharmacie ».
Des événements conjoncturels ont rendu la santé financière encore plus chancelante. Effet secondaire de la pandémie, il a fallu subir des ruptures d’approvisionnements de médicaments. La baisse du pouvoir d’achat couplée à l’inflation n’a pas arrangé les affaires. Les pharmacies percevant des honoraires sur les ordonnances, elles réalisent plutôt leurs marges sur les ventes en parapharmacie.
Pour 55 heures de boulot par semaine, avec des gardes de jour et de nuit, j’estimais ne pas abuser en ne descendant pas sous les 3 000 € nets. La rémunération est aussi à la hauteur du niveau de diplôme
Surdose d’humanité ?
Pendant ce temps, les charges de personnel ne diminuent pas. En reprenant la pharmacie de Ploumoguer, Nathalie Serre a aussi gardé l’assistante à temps partiel, la préparatrice et une apprentie. « Une erreur. Financièrement, ce n’est pas faisable », constate-t-elle a posteriori. À l’enclenchement du plan de sauvegarde, elle s’est résolue à se séparer de la préparatrice et à passer l’apprentie en temps partiel.
« Mais c’était déjà foutu. J’aurais aimé être alertée bien avant sur la situation financière de la pharmacie », évalue, encore après coup, celle qui a enchaîné les services de deux experts-comptables. « Je ne suis pas douée en administratif. Ni en commerce. J’étais dans l’humain ». Un trait de caractère qui l’a dissuadée de proposer les lucratifs dépistages de la Covid pour ne pas concurrencer « le réseau d’infirmières libérales (dans le pays d’Iroise) qui les faisaient déjà ».
Candidat à la reprise ?
On lui a aussi reproché de se dégager un salaire trop important. « Pour 55 heures de boulot par semaine, avec des gardes de jour et de nuit, j’estimais ne pas abuser en ne descendant pas sous les 3 000 € nets. La rémunération est aussi à la hauteur du niveau de diplôme ».
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D’ailleurs, elle espère bien le valoriser pour une embauche dans une officine du coin. « Je compte rester habiter à Ploumoguer ». Où la population locale devra se passer, dès ce mardi 26 mars 2024, de sa pharmacie. Jusqu’à quand ? Avec le récit de Nathalie Serre, cela ne se bousculera peut-être pas au portillon. À moins que les pouvoirs publics n’injectent un puissant stimulant ?
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