
Alors que démarrent trois semaines d’activité partielle dans l’usine de Poissy (Yvelines), la perspective d’une casse sociale se précise pour les salariés du groupe automobile Stellantis, avec en toile de fond la revente lucrative de terrains au Paris Saint-Germain.
Par Cyprien BOGANDA
À l’époque, il a vécu la scène comme on prend un direct en pleine mâchoire. Lahcen se souvient de ce jour de juillet 2012, où Philippe Varin, dirigeant de PSA, a confirmé sur RTL son intention d’arrêter la production à l’usine d’Aulnay (Seine-Saint-Denis), plongeant 3 000 salariés dans une angoisse furibarde.
Face à Jean-Michel Apathie, le patron à la mine grave promet que la moitié des salariés d’Aulnay se verront proposer un poste dans l’usine du groupe à Poissy (Yvelines). Lahcen sera de ceux-là. Mais avant de monter dans le wagon, il prend part à la grève qui éclate alors, quatre mois d’un âpre combat qui marquera à vie tous les protagonistes.
Treize ans plus tard, l’opérateur de 47 ans a la désagréable sensation que l’histoire lui repasse le même plat. « Bien sûr qu’ils vont fermer l’usine de Poissy, lance-t-il entre ses dents serrées. Nous n’avons aucun avenir ici. »
Il est quasiment 13 heures ce jeudi 9 octobre, Lahcen marche à pas comptés vers l’entrée du site, où il s’apprête à trimer sur sa chaîne de montage jusqu’à 20 h 30. « À partir de lundi, on va se retrouver au chômage partiel pour trois semaines. C’est l’équivalent de deux jours de salaire en moins, soit 180 euros de perdus pour moi. Et ensuite, s’il faut faire grève, on le fera ! Pas pour sauver le site, auquel on ne croit plus. Mais pour obtenir des garanties en termes d’emplois. »
2,3 milliards d’euros de pertes
De fait, les 2 000 salariés de la plus grosse usine automobile d’Île-de-France ne manquent pas de raisons d’être inquiets. L’extinction d’ici 2028 du dernier modèle produit dans les murs, l’Opel Mokka (l’usine fabrique aussi une poignée de DS3), fait craindre le pire, car aucun nouveau véhicule n’a été annoncé.
Stellantis justifie le chômage partiel par les mauvaises performances européennes du secteur, mais omet un facteur aggravant : le groupe doit éponger l’ardoise laissée par Carlos Tavares, dirigeant multimillionnaire éjecté en décembre 2024. Entre hausses de prix inconsidérées et gestion hasardeuse de scandales liés à des défauts de fabrication (les moteurs PureTech, les airbags Takata), ce dernier a contribué à éroder les parts de marché.
Stellantis affichait 2,3 milliards d’euros de pertes au premier semestre 2025. « On risque de se retrouver rapidement dans une situation où il faudra recapitaliser, anticipe l’économiste Bernard Jullien, spécialiste de l’automobile. Mais il n’est pas dit que les actionnaires acceptent de faire un effort : les héritiers des familles Agnelli et Peugeot (plus de 20 % du capital à elles deux) sont avant tout intéressés par le rendement de leurs titres. »
Et Antonio Filosa, nouveau patron de Stellantis, n’est pas homme à les décevoir : au lieu de les inciter à la frugalité, il y a fort à parier qu’il réduira la voilure en Europe. Poissy est dans le collimateur.
« L’usine est condamnée »
Mais en France, on ne ferme pas brutalement une usine automobile employant 2 000 salariés : le précédent d’Aulnay est dans toutes les têtes. Il y a bien d’autres manières de procéder. D’abord, on réduit les volumes de production, après avoir délocalisé une partie des modèles (en l’occurrence, la 208, transférée au Maroc et en Slovaquie).
Ensuite, on déleste l’usine de ses ouvriers, par vagues de départs. Enfin, on reconvertit le site, en promettant l’installation d’activités annexes, de préférence liées à l’économie circulaire.
Contactée, la direction nous assure d’ailleurs vouloir « donner un avenir industriel » au site, en étudiant « des activités complémentaires à la production automobile » (« emboutissage, logistique, économie circulaire… »).
Pas de quoi convaincre Jean-Pierre Mercier, élu SUD : « Sortons du déni, l’usine est condamnée par la direction depuis 18 mois. On va se battre de toutes nos forces, car on ne veut pas crever au chômage. Sur le principe, nous ne sommes pas opposés aux reconversions, mais il faut absolument des garanties en termes d’emplois. La direction nous parle par exemple d’une casse industrielle, pour désosser les voitures. Pourquoi pas, mais qui peut croire que cette casse emploiera 2 000 salariés ? »
Vente d’une partie du terrain au PSG
Si la casse voit le jour, elle se retrouvera peut-être en face… d’un hôtel de luxe. La direction étudie la possible vente d’une partie du terrain au Paris Saint-Germain, qui recherche un endroit où bâtir un complexe sportif.
« Le Parc des princes (stade actuel du PSG – NDLR), c’est cinq hectares, récapitule Pierre Rondeau, économiste du sport. Les propriétaires qataris du club voudraient un terrain dix fois plus grand, pour bâtir un complexe avec un nouveau stade, un centre commercial, un hôtel… On irait au PSG comme à Disney, avec la possibilité après le match de dîner sur place et de dormir dans une suite « Zlatan Ibrahimović » ! »
L’urgence financière du projet ne saute pas aux yeux : le Parc des princes génère 150 millions d’euros de recettes de billetterie par an – « comme il est plutôt petit, les prix des places sont plus élevés en raison d’un excès de demande par rapport à l’offre », précise l’économiste.
L’aspect symbolique joue sûrement au moins autant : jaloux de leur image, les Qataris souhaiteraient que le PSG rivalise avec ses homologues anglais ou espagnols, détenteurs de stades de plus de 70 000 places quand le Parc n’en compte que 48 000.
« Ramener du cash »
Stellantis voit dans cette folie des grandeurs l’occasion de réaliser une juteuse opération immobilière. « C’est une stratégie qu’ils suivent de plus en plus souvent, déplore un cadre du groupe. Ils « compactent » une usine et revendent les terrains libérés pour ramener du cash à la direction immobilière. C’est ce qui s’est passé pour Vélizy par exemple (où 19 hectares sur 26 ont été revendus au belge VGP – NDLR). »
La revente de 50 hectares à Poissy pourrait rapporter plus de 100 millions d’euros à Stellantis, selon les estimations les plus optimistes. Les experts en foncier industriel que nous avons consultés se montrent prudents, rappelant que le prix plancher pourrait être bien plus faible, en fonction de la pollution du site.
La direction balaye ces considérations triviales : « Si le projet PSG aboutit, il ne se fera pas au détriment de notre activité, mais à côté. Nous imaginons un avenir industriel à Poissy. »
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Il manque la période chrétienne depuis au moins 1840
Petit coup de patte à la Russie, a-t-il enquêté pour savoir si cela pouvait être vrai? Pas de rappel de…
Bon , ce n'st pas lui qui va nous expliquer comment décroitre!
il n'a pas lu le livre de Zucman!!
Très intéressant !