
Le 12 novembre, à l’Assemblée, les soutiens du gouvernement ont voté contre la partie recettes du projet de budget. Une première sous la Ve République. Tout indique que Barnier, in fine, devra utiliser le 49.3. Et qui dit 49.3 dit motion de censure…
Par Jérôme LAGAVRE, Député LFI et militant POI.
Le 12 novembre, en plein débat budgétaire au parlement, le gouvernement a voté contre le projet de loi de finances (très exactement contre la partie « recettes » de ce projet). Une première sous la Ve République.
Certes, l’affaire ne s’arrête pas là. Le budget est maintenant examiné au Sénat avant de revenir à l’Assemblée nationale pour adoption définitive, prévue début décembre.
Et d’ores et déjà, M. Barnier a annoncé que l’hypothèse du 49.3 était sur la table. On peut même ajouter qu’elle est hautement probable.
Il n’en reste pas moins que ce qui s’est passé le 12 novembre n’est pas qu’une péripétie parlementaire « en passant ». Le simple fait qu’un gouvernement se retrouve à voter contre le budget (qui, par nature, concentre toutes les grandes orientations politiques et financières qu’il est ensuite censé mettre en œuvre), cela est révélateur de la crise qui le dévore, des difficultés inextricables dans lesquelles il est empêtré.
Délitement dans le camp de l’exécutif
Et de fait, qu’avons-nous vu au long des semaines de débats à l’Assemblée ? L’écrasante majorité des députés de la coalition gouvernementale (macronistes, Modem, Horizons, « droite républicaine ») étaient absents. Leurs bancs étaient vides. Cette absence, massive, sur un texte aussi important pour le gouvernement que le budget en dit long sur l’état de délitement, de décomposition du camp de l’exécutif.
En face, les députés du NFP, et singulièrement LFI, de loin les plus nombreux et les plus mobilisés, ont mené la bataille. Sur une ligne élémentaire : porter, défendre les mesures correspondant au programme pour lequel ils ont fait campagne et ont été élus.
On vit dans un pays où les dividendes reversés aux actionnaires du CAC 40 ont à nouveau battu des records et atteint des niveaux inégalés : 96 milliards, dans un pays où les 500 plus grosses fortunes possèdent un capital de 1 200 milliards…
Au même moment, la France est le pays d’Europe où la pauvreté a le plus augmenté ces dernières années et compte désormais 11,5 millions de pauvres…
Pour résumer, les mesures fiscales, budgétaires défendues par les députés NFP répondaient toutes à un objectif : rompre avec la politique, la logique qui voit les plus gros détenteurs de capitaux se gaver d’aides, de cadeaux fiscaux, d’exonérations, s’enrichir à coups de perfusion d’argent public…
49.3 à l’horizon
Au terme des quelques semaines de bataille à l’Assemblée sur le budget (semaines pendant lesquelles le RN est resté largement spectateur), le projet présenté au départ par le gouvernement avait été modifié de fond en comble. Une situation inacceptable pour l’exécutif qui n’a eu d’autre solution que de voter contre. Et une situation pour le moins peu ordinaire qui exprime l’extrême fragilité de ce gouvernement minoritaire. Frappé d’illégitimité, à la merci de la moindre défection dans ses rangs, ou d’un revirement du RN qui peut intervenir à tout moment, il est en sursis.
Maintenant, le texte « part » au Sénat, avant le vote définitif à l’Assemblée nationale. Tout indique que Barnier, in fine, devra alors utiliser le 49.3. Il n’en fait d’ailleurs pas mystère. Qui dit 49.3 dit motion de censure.
LFI l’a déjà annoncé. Si la censure est votée, le gouvernement Barnier tombe. Ce qui serait la meilleure des nouvelles.
Une situation qui s’accélère
Tout le monde sait que le choix des députés RN peut faire basculer le vote. Depuis le début, Le Pen et ses parlementaires sont des alliés objectifs du gouvernement. Ils le laissent faire, en attendant leur heure. Mais, le RN est aux prises avec ses propres contradictions. Il y a un sentiment partagé de manière ultra-majoritaire chez les millions qui aux dernières élections ont voté pour les candidats RN : la haine, la détestation de Macron. Pas sûr que tous apprécient la complicité de fait entre Le Pen et cet exécutif…
Au moment où on parle, des milliers de suppressions d’emplois sont annoncées. Les retraités apprennent que leurs pensions ne seront pas augmentées. Les agriculteurs font éclater leur colère. Les syndicats de cheminots annoncent une grève à partir du 11 décembre…
La situation se tend et s’accélère.
En meeting à Nîmes ce samedi, Manuel Bompard dit : « Le gouvernement Barnier ne passera pas l’hiver. Son budget est injuste socialement, écologiquement, économiquement. Pendant que des milliers d’ouvriers sont licenciés, que les gens ont froid et faim dans les passoires thermiques, que les fonctionnaires sont dénigrés, les plus riches s’en mettent plein les poches. Les insoumis se tiennent prêts à faire tomber le gouvernement pour appliquer le programme du NFP ».
Pour abonder dans son sens, on peut rappeler qu’il y a un peu plus de deux mois, 300 000 personnes répondaient à l’appel à manifester lancé par LFI sur le mot d’ordre de « Macron destitution ». La bataille menée par LFI au Parlement s’inscrit dans cette perspective toujours à l’ordre du jour.
Lu dans la presse Censure : « Le RN sur une ligne de crête » (Le Parisien, 21 novembre)« “Nous n’accepterions pas que le pouvoir d’achat des Français soit encore amputé, c’est une ligne rouge. [Si elle n’est pas respectée] nous voterons la censure”, [a déclaré Marine Le Pen, sur RTL], estimant nécessaire de revenir sur la future hausse de l’électricité. “On a l’impression que le gouvernement était persuadé qu’on ne censurerait pas. Et du coup, ça ne servait à rien de nous traiter”, peste un lieutenant de Marine Le Pen. Mais si le RN devait voter une motion de censure de la gauche pour faire tomber Michel Barnier, y aurait-il intérêt ? “Regardez les sondages”, nous répond un député. Selon l’un d’entre eux – Elabe pour BFMTV paru ce mercredi -, 62 % des sympathisants du RN sont pour la censure. Le parti est sur une ligne de crête : taper du poing sur la table pour ne pas laisser la gauche passer pour la seule opposition, tout en prenant garde à ne pas apparaître comme un facteur d’instabilité institutionnelle. »« Quid de la gauche ? » (Les Echos, 21 novembre)« Alors, quid de la gauche ? Pas de censure sans elle. Jean-Luc Mélenchon la veut, c’est entendu : tout pour pousser à une démission d’Emmanuel Macron et provoquer une présidentielle anticipée. Mais le Parti socialiste y est-il prêt, peut-il assumer telle décision ? Depuis quelques jours, le gouvernement le cible, sans résultat : il ne retient que Le Pen. “C’est le PS qui a chargé l’arme et l’a donnée au Rassemblement national”, résume un conseiller. L’argument l’atteint-il ? Pas le moins de monde. François Hollande a bien plusieurs fois rappelé qu’en matière de censure, c’est la gauche “qui a la clé”. Faisons attention à ne pas déposer un texte dans un calendrier qui serve Le Pen, a-t-il défendu en interne. Mais le vote d’un budget est identitaire : on vote contre et on censure. Et le lien avec le NFP est à ce stade indéfectible, les municipales approchent : que serait le PS sans LFI ? » |
°°°
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/11/21/a-propos-de-la-bataille-a-lassemblee-nationale/
URL de cet article :https://lherminerouge.fr/a-propos-de-la-bataille-a-lassemblee-nationale-io-fr-21-11-24/