
Une tribune des numéros un des centrales syndicales avec les représentants du Medef et de l’U2P a été publiée sur le site du « Monde », lundi 7 juillet. S’adressant implicitement au gouvernement, elle se conclut par ces mots : « Utilisez-nous mieux ».
Par Pierre VALDEMIENNE .
Au moment où les massacres à Gaza se déroulent sous nos yeux depuis dorénavant vingt-et-un mois, où la marche à la guerre se fait de plus en plus pressante, une tribune des numéros un des centrales syndicales avec les représentants du Medef et de l’U2P a été discrètement publiée sur le site du Monde, lundi 7 juillet dernier, intitulée « Le Conseil économique, social et environnemental est l’un des rares lieux où se construit du compromis ».
Après avoir vanté « l’écoute des corps intermédiaires », « la concertation » ou encore « la capacité à inventer collectivement des solutions équilibrées et acceptées par nos concitoyens » (sic), les signataires revendiquent « plus de coopération entre l’État, les élus et la société », en utilisant davantage les Cése afin « de rapprocher les points de vue, de dépasser les clivages ».
Et de conclure d’une seule voix par une supplique adressée de manière détournée et implicite au gouvernement et à Macron : « Utilisez-nous mieux ! »
« Utilisez-nous mieux ! »
Des « solutions équilibrées et acceptées », nous disent les leaders de la CFDT, de la CGT et de FO, avec le Medef et l’U2P ? Voyons ça…
Deux jours après la publication de cette tribune, le Medef a présenté quatre-vingt-treize propositions « pour que les déficits se résorbent » dans le cadre des grandes orientations du projet de budget 2026 reprises pour partie par François Bayrou, ce mardi 15 juillet : parmi celles-ci, l’organisation patronale revendique « jusqu’à 6,5 milliards » d’économies sur l’Assurance maladie, avec à la clé notamment l’instauration d’ « un ou plusieurs jours de carence d’ordre public non indemnisés par la Sécurité sociale et non pris en charge par les employeurs » ou encore la forfaitisation des indemnités journalières.
En réaction au budget Bayrou, Patrick Martin, président du Medef, a donc naturellement déclaré ce mardi : « c’est lucide, courageux et équilibré ». « Équilibré »…
Et c’est avec le Medef qu’il serait possible – et même souhaitable – de construire des « solutions équilibrées et acceptées » ?
Qu’il faudrait « plus de coopération entre l’État, les élus et la société » ?
On peine à comprendre…
« Construire du compromis » avec le Medef qui prône l’économie de guerre ?
Ce dimanche 13 juillet, Emmanuel Macron a annoncé un « effort budgétaire » porté à 64 milliards d’euros de dépenses pour la défense en 2027, soit un doublement en dix ans, pour préparer la guerre. Est-ce à cela et pour cela que les leaders syndicaux exhortent le gouvernement à être « mieux utilisés » ? Rappelons que le patron du Medef avait à ce sujet déclaré il n’y a pas si longtemps : « On a déjà un embryon très solide d’industrie d’armement. Au-delà de ça, nous ne sommes pas prêts pour l’instant parce que cela supposerait une mobilisation générale, si je peux employer cette expression, et notamment la mise à disposition de dizaines de milliers de personnes qui sont réservistes dans les entreprises privées. Cela créera des perturbations mais on le ferait évidemment, on serait au rendez-vous » (RMC, 4 mars). Il serait donc possible – et souhaitable – de « construire du compromis » avec le Medef qui prône l’économie de guerre ? Vraiment, on peine à comprendre…
Déjà, le 17 décembre dernier, les leaders syndicaux avaient adopté une déclaration avec le Medef et les autres organisations patronales, qui s’adressaient aux élus et responsables politiques pour « retrouver au plus vite le chemin de la stabilité ». À l’époque, même si Sophie Binet n’avait pas signé le texte pour la CGT, elle avait néanmoins déclaré, un mois plus tard, être, elle aussi, favorable à la « stabilité ».
Aujourd’hui, avec cette tribune, « tout le monde est sur la photo », pour ainsi dire. Et, hormis Macron-Bayrou et le Medef, personne ne peut s’en réjouir.
Le positionnement des dirigeants ne se fait pas sans difficulté dans leurs propres rangs
Pour les dirigeants syndicaux, c’est comme s’il fallait apporter toujours plus de gages de leur « bonne volonté » au gouvernement pour que « tout continue comme avant ».
Et pendant ce temps-là, toujours aucune initiative d’ampleur, contre l’horreur qui se déchaîne à Gaza, comme sur le reste.
À refuser de se mettre au diapason de l’état d’esprit réel de la classe ouvrière de ce pays, qui n’est pas à vouloir « construire du compromis » avec le Medef mais à défendre bec et ongles ses revendications vitales contre « l’effort de guerre », les dirigeants syndicaux s’éloignent encore davantage de ce pour quoi les syndicats ont été fondés, c’est-à-dire défendre les intérêts exclusifs de la classe ouvrière, défendre son existence même lorsqu’elle est directement menacée par la marche à la guerre.
D’ailleurs, ce positionnement ne se fait pas sans difficulté dans leurs propres rangs. Et c’est heureux. On pense au nombre de cadres et militants qui s’engagent la plupart du temps avec des associations de défense des Palestiniens, avec la France insoumise (LFI), pour l’arrêt du massacre à Gaza.
On pense aux syndicats de base mobilisés et déterminés qui, avec la population, ont obtenu un coup d’arrêt dans la destruction de l’hôpital de Laval. On pense à tous ces syndicalistes engagés à fond contre la sanction honteuse de cette enseignante qui, à la demande de ses élèves, a organisé une minute de silence en hommage aux victimes palestiniennes. On pense au rejet de cette incroyable alliance de circonstance avec ce député RN du Bas-Rhin, contre les militants et LFI. On pense à la grande majorité des syndicalistes qui ne veulent ni de la guerre ni de l’« effort de guerre ».
Bref, à toutes celles et ceux qui, même entravés par cette politique des dirigeants, sont loin, très loin d’accepter de courber l’échine…
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/a-propos-dune-tribune-des-leaders-syndicalistes-et-patronaux-publiee-dans-le-monde-io-fr-16-07-25/