
Ludovic Maugé, Quiberonnais de 51 ans, est tombé gravement malade en 2020 : il était atteint d’un lymphome rare. Une maladie reconnue professionnelle un an plus tard, causée par le glyphosate qu’il a utilisé de 1999 à 2020.
Isabelle, sa femme, a pris l’habitude de répondre aux questions à sa place. « Parce qu’il a beaucoup de perte de mémoire », glisse-t-elle. Ludovic Maugé sourit, un peu confus. « Ça fait partie des séquelles », pose-t-il, ses yeux clairs rivés sur son épouse.
Errance médicale
Cet ancien paysagiste installé à Quiberon est tombé gravement malade en 2020. « Ça a commencé par des pertes d’équilibre, puis un globe vésical qui m’empêchait d’uriner, et une grande fatigue. Je n’avais plus aucune force », retrace le quinquagénaire. La France vit alors son premier confinement. Les hôpitaux sont saturés. Ludovic est soigné à domicile, avant d’être hospitalisé en service neurologique au CHBA de Vannes le jour du déconfinement. Il y fait une embolie pulmonaire, avant d’être placé en réanimation. « De là, j’ai été transféré à Rennes où commence trois mois d’errance médicale ».
IRM, PET Scan, ponctions lombaires… Le Quiberonnais passe quantité d’examens, sans que les médecins n’arrivent à poser un diagnostic. « C’était Docteur House ! », lance son épouse. Les premières hypothèses s’orientent vers la maladie de Lyme, puis les maladies tropicales, « comme je suis né en Afrique », précise Ludovic. « Les médecins réfutent l’idée du cancer, puisqu’il n’avait pas de ganglions », replace sa femme. Isabelle marque un temps, puis reprend, la voix tremblante : « Un soir, on m’appelle. Des bleus venaient d’apparaître sur son ventre. Les résultats ont démonté qu’il s’agissait d’un lymphome foudroyant ». Un cas rare.

Aucune mise en garde
Ludovic est transféré à Rennes en septembre pour débuter une chimiothérapie. Dans le service hémato où il est suivi, les médecins font le rapprochement avec le glyphosate – herbicide controversé dont l’interdiction est discutée depuis plusieurs années – auquel le Breton était exposé lorsqu’il était paysagiste. « Je passais du désherbant deux fois par an, dans 60 jardins. Certaines propriétés faisaient un hectare. Ça a duré 20 ans, retrace-t-il. À l’époque, on achetait ça dans les collectivités agricoles. C’était aussi simple qu’acheter une baguette. Outre le symbole tête de mort, il n’y avait aucune mise en garde. Avec le recul, ça a pourri ma vie ».
Le 26 avril 2021, le professeur Christophe Paris reconnaît la maladie professionnelle de Ludovic. Il perçoit aujourd’hui une rente de 300 euros mensuels, « versée par les organismes responsables de ces produits », souffle l’adhérent à l’association Phyto-Victimes.
« Ça n’arrive pas qu’aux grands exploitants »
Le quinquagénaire est en rémission depuis mars dernier, mais certaines séquelles sont irréversibles. « Un nerf de la moelle épinière a été touché. Je ne pourrai plus marcher comme avant », explique-t-il. Ludovic souffre de douleurs chroniques, n’entend plus d’une oreille. Sans parler du changement de vie que cela implique pour le couple.
« Si je témoigne, ce n’est pas pour avoir ma tête dans le journal, poursuit-il. C’est pour faire de la prévention. Quand je vois aujourd’hui des jeunes qui utilisent des produits tout aussi toxiques sans aucune protection, je pense qu’ils ne se rendent pas compte. Ça n’arrive pas qu’aux grands exploitants. Les petits artisans aussi peuvent être touchés ».
Mooréa LAHALLE