
Le site quimpérois d’accompagnement des mineurs isolés accueille une trentaine de jeunes migrants. Depuis sa fermeture sur le papier, il est géré de Brest avec les moyens du bord. On est allé à la rencontre de ces jeunes qui seraient bien esseulés sans l’action d’associations.
« Dans nos journées, il ne se passe pas grand-chose », témoigne S, une quinzaine d’années, sans se départir totalement d’un sourire ne suffisant pas à gommer la tristesse au fond de son regard. Il fait partie de la trentaine de jeunes hébergés dans les murs de l’hôtel Dupleix, au centre de Quimper, dans le cadre du dispositif d’aide départemental aux mineurs non accompagnés (MNA).
Heureusement, le mardi et le mercredi soir, on va jouer au foot. On est accueillis pas le club Quimper-Italia
« Heureusement, le mardi et le mercredi soir, on va jouer au foot. On est accueillis par le club Quimper-Italia ». « S est très assidu aux temps d’apprentissages de français et d’histoire que nous organisons les lundis, mercredis et vendredis matin », témoigne une bénévole issue d’une des associations mobilisées pour ces mineurs. « Il vient aussi en maths les mardis et les jeudis », ajoute un autre bénévole. L’horizon de cet adolescent ayant fui la Côte d’Ivoire se dégage temporairement : il va intégrer un collège quimpérois juste après ces vacances d’hiver.
Un contact par semaine avec un éducateur venant de Brest
En attendant, les après-midi sont longs. D’autant plus longs que les temps d’accompagnement par les éducateurs sont rares depuis la fermeture du site quimpérois du service en janvier. Une fermeture sur le papier puisque faute de solutions d’hébergement ailleurs quelques dizaines de jeunes sont encore au Dupleix.
Le point de contact hebdomadaire avec l’éducatrice qui vient désormais de Brest n’aura d’ailleurs pas lieu cette semaine. « Elle est en vacances », explique l’un des jeunes. S poursuit sa description sans se plaindre : « Je sors peu de l’hôtel. C’est un peu effrayant. Il n’y a pas de problème ici, tout va bien ».

Zone grise administrative
Moins de sérénité pour B, 17 ans, dont la minorité n’a pas été contestée par l’État. Mais il redoute la zone grise administrative : plus mineur et pas majeur. Quoi qu’il en soit les associations quimpéroises sont au soutien.? Lui, il rêve d’une école et puis d’un métier de peintre ou plombier. « La minorité d’environ un de ces jeunes sur quatre est en cours d’évaluation », rapporte une bénévole de 29 couleurs, l’association née au Moulin-Vert.
Plus rude pour M, mis à la porte du service depuis lundi et accueilli par l’un des bénévoles de l’association quimpéroise Le temps partagé (lire plus bas) jusqu’à l’issue du recours ce lundi. Le Département n’est pas encore désengagé à ce stade jusqu’à la première décision de justice.
« Ces jeunes ont besoin d’accompagnement psychosocial »
« Ces jeunes plus que les autres auraient besoin de parler et d’écouter. Qu’on leur donne du temps pour leur expliquer. Ils ont besoin d’un encadrement psychosocial vraiment plus solide que ce qui existe en réalité aujourd’hui », témoigne calmement Marie, 72 ans, membre de 29 couleurs. Ce médecin généraliste, spécialiste des maladies tropicales dans le service public a passé beaucoup de temps de sa vie professionnelle en exerçant dans des missions humanitaires. Pour l’Unicef notamment, qui déploie partout dans le monde des équipes de soins pour les enfants.
Ceux que l’on voit en cours sont les plus volontaires. Combien restent dans les 20 m2 de leur chambre ?
Après sa dernière mission humanitaire de 18 mois au Tchad, elle n’hésite pas à se dire surprise : « D’abord on s’aperçoit que ces jeunes ont très peu d’aide sur le plan médical en particulier. Ils ne peuvent pas s’adresser à un médecin à Quimper. Doivent passer par un interlocuteur du service de départemental à Brest qui fléchera un praticien là-bas », explique celle qui veut « aider à organiser une petite présence médicale », avant d’ajouter : « Ceux que l’on voit en cours sont les plus volontaires. Combien restent dans les 20 m2 de leur chambre ? » D’ailleurs, sans dramatiser, la praticienne détecte des points de fragilité psychique chez ceux qu’elle croise. « Ils prennent, par exemple, la forme de petites obsessions ».
L’association Le temps partagé tire la sonnette d’alarme
De jeunes migrants mis à la rue à Quimper entre deux décisions de justice : l’association Le temps partagé tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. « Les associations de bénévoles solidaires pallient les carences du Conseil départemental en assurant les hébergements, les soins, la scolarité et le suivi juridique des mineurs non accompagnés mis à la rue dès la première décision de justice réfutant leur minorité », écrit Le temps partagé dans un communiqué. « Or, comme c’est arrivé souvent par le passé, de nombreux jeunes sont reconnus mineurs en appel », souligne l’association quimpéroise. Dans son communiqué, l’association dénonce ainsi la mise à la rue de trois jeunes cette semaine « quelques jours après l’annonce d’une meilleure prise en charge des mineurs non accompagnés dans le Finistère ». « Malheureusement aujourd’hui, l’association n’est plus en mesure d’accueillir de nouveaux jeunes et recherche des hébergeurs solidaires », indique-t-elle encore.
Olivier SCAGLIA