
Difficile de nommer une commune du pays de Retz où le manque de médecins généralistes n’est pas un sujet de préoccupation. À Saint-Brevin (Loire-Atlantique), avec le départ récent de deux généralistes, dont l’ancien maire, Yannick Morez, la liste d’attente s’allonge.
Par Kate STENT
La démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin, a été relayée par l’ensemble de la presse française et même internationale. Ce qui l’a été moins, c’est qu’en décidant de quitter la ville pour un tour du monde à la voile, la commune de Saint-Brevin perdait aussi un médecin généraliste, autre casquette de Yannick Morez. « Je vis en résidence seniors, le Dr Morez en était le principal praticien, et pour nos résidents trouver un nouveau médecin traitant est une galère, écrit ce lecteur à la rédaction Ouest-France. Le cabinet communal nous répond « Nous ne prenons pas de nouveaux patients, nous en avons 2 000 sur liste d’attente, rappelez en avril 2024. ». Il ne reste que le 15 ou traverser la Loire pour aller à SOS médecins de Saint-Nazaire, mais la majorité des résidents ne sont plus motorisés. »
« Je suis 1 200e sur liste d’attente »
Et pourtant, la commune de Saint-Brevin a pris les choses en main, ces dernières années, créant un Centre municipal de santé au sein duquel les praticiens sont salariés de la Ville. Mais l’arrivée des quatre nouveaux médecins n’a pas suffi à combler le manque dans ce territoire où la population est vieillissante. « Pour ma part, je suis placé à la 1 200e place sur la liste d’attente, avec une affection de longue durée (ALD) », peste cet autre Brévinois. La tension est telle que la municipalité s’est sentie obligée d’appeler à la courtoisie des patients dans le bulletin municipal de septembre dernier. « Trop souvent, nous avons des remontées de personnes agressives au Centre municipal de santé, ce n’est pas acceptable […] Chacun fait son maximum, la mairie agissant même alors que ce n’est pas de sa compétence. »
À Saint-Brevin, la mairie espère que la création d’un Centre municipal de santé plus grand, actuellement en construction dans le centre des Pins, aidera à pallier le manque. Huit cabinets et deux salles d’attente y sont prévus. « Le centre médical traite déjà 3 500 patients. Il s’occupera, grâce au passage à temps plein récent du quatrième médecin, d’un peu plus de patients. Et on recrute un cinquième médecin pour le nouveau centre qui ouvrira en décembre » , précise la maire, Dorothée Pacaud.
« À La Bernerie, trois des quatre médecins sont partis »
« Saint-Brevin est repérée comme commune tendue en termes d’offre médicale mais elle n’est malheureusement pas la seule dans ce cas, note Cédric Rat, praticien à Pornic et président de la Communauté professionnelle territoriale de santé du pays de Retz, qui regroupe 310 professionnels. À La Bernerie-en-Retz, trois des quatre médecins sont partis l’an dernier. À Bourgneuf, on est passés de quatre généralistes à deux. À Chaumes-en-Retz, c’est également très tendu du fait de l’accroissement de la population. »
Pour ce professionnel c’est clair : « la mer ne suffit plus à faire venir les médecins ». Des communes du littoral comme La Plaine-sur-Mer, où un centre de santé flambant neuf est en création, ou Préfailles, sont en déficit. Même Pornic, longtemps décrite comme épargnée par la pénurie, connaît quelques difficultés. « Il y a eu plusieurs départs non remplacés, cela fait rapidement 4 000 ou 5 000 patients sans médecin traitant », résume Cédric Rat. Et pour les praticiens qui restent, le départ de collègues rend la situation encore plus compliquée à gérer. « Ils ressentent une pression encore plus forte, résume Cédric Rat. De laisser des personnes sans soins, quand on est soignant, c’est très difficile. Cela a conduit, dans certaines communes du secteur, à des retraites anticipées de collègues en raison de la tension actuelle. »
« Un médecin par commune, c’est terminé »
Si l’air de la mer ne suffit plus, que faut-il pour attirer de jeunes médecins ? « Un exercice qui permette d’aller chercher les enfants à l’école de façon ponctuelle, de pouvoir partir en vacances, d’avoir des collègues : d’évoluer dans un univers collectif, avec un secrétariat, voire des assistants », répond Cédric Rat.
Il appelle à un travail collectif sur le sujet, appelant les élus à poser cette question de la désertification médicale à l’échelle intercommunale et non pas municipale. « La situation n’est pas désespérée mais elle nécessite de se coordonner entre élus, professionnels de santé, Agence régionale de santé et caisse d’assurance maladie. Il faut se dire que l’époque où l’on comptait un médecin par commune, c’est terminé. »
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