
Cas d’école : comment la mairie socialiste d’une ville ouvrière s’aligne sur les obsessions sécuritaires de la droite extrême
Saint-Nazaire : deuxième plus grande ville de Loire-Atlantique après Nantes, grand port industriel, bastion ouvrier, dont l’histoire est riche en luttes sociales… Saint-Nazaire c’est aussi une commune dirigée par un maire socialiste tendance Manuel Valls. L’élu se nomme David Samzun et il s’aligne sur tous les dogmes de la droite sécuritaire.
En 2016, il avait créé une Police Municipale dans sa ville, puis avait doublé le nombre d’agents et les avait équipés de caméras-piéton. Un bon gros budget pour avoir « sa » police. Il a aussi doublé le nombre de caméras de surveillance à Saint-Nazaire, et veut en déployer 85 sur le territoire… pour une ville de 70.000 habitant-es.
Le 3 avril, c’est un nouveau palier qui a été franchi : David Samzun annonçait qu’il allait offrir à sa police municipale des armes à feu létales. Selon lui, il était nécessaire de permettre aux municipaux de tirer à balles réelles «en raison de leur présence régulière comme primo intervenants sur les incidents». C’est bien connu, Saint-Nazaire est un territoire plus violent que Chicago.
La Ligue des Droits de l’Homme et la gauche locale ont dénoncé cette annonce, évoquant une décision «lourde de conséquences» ainsi qu’une «escalade inquiétante». À la base, la Police Municipale est composée d’agents mal formés, sous les ordres du maire, chargés de faire de la prévention en complément de la Police Nationale. En 1999, la droite avait voté l’autorisation d’armer ces agents. 25 ans plus tard, un grand nombre de mairie, y compris «de gauche», ont franchi le pas.
Par exemple les petites villes de Donges et Montoir-de-Bretagne ont distribué des flingues à leurs quelques policiers. Encore plus ridicule, les stations balnéaires bourgeoises du Croisic, de La Baule et de Pornichet ont fait de même, alors que ce sont des communes peuplées de retraités de droite où il ne se passe rien. Idem pour plusieurs villes autour de Nantes, comme Carquefou, Orvault, ou Sainte-Luce-sur-Loire… En France, la plupart des mairies ont déjà cédé au dogme de l’armement policier.
À Nantes, les flics municipaux réclament depuis des années des pistolets, sans succès pour le moment. Mais la mairie PS leur a offert des jouets de compensation : gazeuses, taser, matraques, et maintenant une brigade cynophile, pour faire peur aux passants avec des gros chiens.
Tout cela traduit une militarisation généralisée de l’espace public. Il y a encore quelques années, même la Police Nationale n’utilisait quasiment jamais d’armes à feu et n’avait ni LBD, ni grenades de désencerclement. Aujourd’hui, la police est équipée d’armes de guerre, y compris des fusils d’assaut dans chaque véhicule. Et il y a un «ruissellement» de cet équipement répressif : les forces moins formées reçoivent peu à peu des armes qui, il y a quelques années encore, étaient réservées aux unités les plus dures de la police. Ce ruissellement va jusqu’aux vigiles, puisque ces derniers ont obtenu des pouvoirs de police depuis la «loi de sécurité globale» en 2021.
De même, alors que la Police Nationale recrute toujours plus, la police municipale suit le mouvement. Il y avait 5000 policiers municipaux en 1984, il y en a presque 30.000 aujourd’hui. Bientôt, différentes forces policières locale et nationales, ainsi que des milices privées, toujours plus nombreuses, agiront dans l’espace public avec des armes létales.
Prenons un autre exemple : la ville de Saint-Denis. Elle est dirigée depuis 2020 par un autre socialiste, Mathieu Hanotin, ancien directeur de campagne de Benoit Hamon et aussi obsédé par la répression que le maire de Saint-Nazaire. Lui aussi a doublé les effectifs de la police et équipé ses fonctionnaires de pistolets automatiques 9mm, ou encore de LBD. Dans une ville confrontée à de grandes difficultés sociales, il a augmenté le budget de la sécurité de près de trois millions d’euros.
Dans sa ville, les violences policières ont explosé. Le média Street Press évoque par exemple l’affaire de Kadi Sanogo, une cuisinière qui vendait de la street food, agressée par des policiers municipaux qui ont donné «des coups de pied» dans son stand, ont volontairement renversé de la sauce sur elle avant de la frapper et de la mettre à terre. Ils ont ensuite gazé la fille, enceinte, de cette cuisinière. Sur le tout nouveau compte Instagram de la police municipale de Saint-Denis, des annoncent clament : «Recrutement sans concours !» Et Street Press a repéré que des agents affichaient des symboles d’extrême droite.
L’armement de la police municipale est un danger pour les agents eux-mêmes. En août 2024, l’un d’eux s’était suicidé par arme à feu sur son lieu de travail dans le Gard. En avril 2022 : un policier municipal se donnait la mort à la mairie de Monts, en utilisant son arme de service. Les pistolets favorisent toujours le passage à l’acte contre soi-même ou les autres. Surtout pour des agents quasiment pas formés.
Revenons à Saint-Nazaire. Le maire socialiste ne se contente pas d’appliquer un programme sécuritaire digne de Sarkozy. Le même jour, il a fait voter des coupes budgétaires massives pour les associations culturelles et sportives. Alors que le monde de la culture a subi une cure d’austérité drastique au niveau régional, la mairie «de gauche» de Saint-Nazaire en a rajouté une couche, en supprimant 200.000€ et en ignorant les revendications des associations.
Autre projet de la mairie nazairienne : un bétonnage inutile. Dans la continuité des politiques de gentrification de la ville, le maire veut implanter un projet immobilier dans le quartier préservé de Gavy, qui hébergeait jusqu’ici un site universitaire au milieu de la verdure et à deux pas de la mer. Il veut y implanter 340 logements pour les privilégiés, artificialisant la zone. Quatorze associations sont opposées au projet et une pétition a recueilli des milliers de signatures.
Enfin, dans le cadre des célébrations de la Libération de la Poche de Saint-Nazaire le 11 mai prochain, David Samzun invite Emmanuel Macron pour «fêter la liberté, la démocratie, le respect des peuples». Le 8 février, Samzun déclarait déjà que «s’il avait été député», il aurait voté le budget du gouvernement Bayrou.
Au niveau national comme au niveau local, le Parti Socialiste est une machine à droitiser le paysage politique, s’alignant sur tous les sujets sur la droite la plus dure, et détruisant toute possibilité d’alternative sociale, écologique et libertaire.
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Source: https://contre-attaque.net/2025/04/09/a-saint-nazaire-des-armes-letales-pour-la-police-municipale/
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