
Par Gwenn HAMP
À Trégunc, Philippe Briant, pêcheur ligneur depuis 40 ans à Trévignon, dénonce l’autorisation de pêche de loisir du thon rouge, octroyée aux plaisanciers, alors qu’en tant que professionnel, il n’a pas l’autorisation d’en pêcher.
« Depuis cinq ans, le thon rouge a fait son apparition au large des côtes du Sud-Finistère. Parfois, ils s’approchent très près des côtes pour chasser d’autres poissons. Les plaisanciers sont autorisés à les pêcher, mais pas nous, les pêcheurs professionnels. C’est injuste », s’indigne Philippe Briant, pêcheur ligneur basé à Trévignon.
« Les rares licences sont octroyées à des pêcheurs professionnels appartenant à des organisations de producteurs. Si vous n’en faites pas partie, vous êtes exclus du droit de pêcher le thon rouge », indique le propriétaire du Namouic, immatriculé à Concarneau. Tout pêcheur professionnel bénéficie, toutefois, d’une dérogation de cinq thons rouges pêchés par an, dans le cadre de la prise accidentelle. « Mais tout est hypercontrôlé. Il faut avertir les affaires maritimes quatre heures avant de débarquer un thon rouge », complète le pêcheur de 61 ans.
Une pêche pro très encadrée
Dans le Finistère, d’après la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), seule une dizaine de navires professionnels détiennent, actuellement, l’autorisation européenne de pêche (AEP) au thon rouge. Chaque année, un certain nombre de captures sont autorisées par la DDTM. Ce sont des bagues de couleur, qui enserreront la queue du thon pêché, qui définissent le nombre de thons qu’un navire peut pêcher (une bague = un thon).
3 329 thons rouges autorisés en loisir
Dans le cadre d’une pratique loisir, les plaisanciers, qui en font la demande, peuvent aussi bénéficier d’autorisations, octroyées par la Direction interrégionale de la mer (DIRM) Nord Atlantique Manche Ouest. En 2022, 3 329 bagues ont été délivrées, majoritairement aux fédérations de pêche de loisir reconnues, qui les redistribuent à leurs adhérents. Seules quatorze ont été attribuées, en 2022, à des pêcheurs non adhérents à une fédération de pêche de loisir reconnue, sur des bateaux immatriculés en Bretagne et Pays de la Loire. Ces autorisations de capture de thon rouge sont soumises à une condition principale : ces pêcheurs amateurs ne doivent pas vendre le thon qu’ils ont pêché.
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« Même s’ils n’en font pas commerce, c’est de la concurrence déloyale ! », tempête Yves L‘Helgoualc’h, secrétaire du syndicat CGT marins de Concarneau. « En France, la balance commerciale des produits de la mer est déficitaire. Pourquoi empêcher les pêcheurs locaux de travailler au large de nos côtes ? », interroge le syndicaliste. « Des restaurateurs m’ont dit que si je pouvais leur fournir du thon pêché localement, ils l’achèteraient, même plus cher. Ce serait du circuit court », argumente Philippe Briant.
L’année dernière, le pêcheur ligneur de Trévignon a fait une demande de bague pour pêcher un thon rouge, dans le cadre d’une pratique loisir. Il l’a obtenue. « C’est le comble de l’ironie ! Je pouvais pêcher du thon rouge pour le déguster dans un cadre familial, mais pas dans l’exercice de mon métier », regrette le professionnel.
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