A69 : Des élus s’organisent pour imposer la reprise du chantier qui avait été stoppé par la justice (CA.net-10/05/25)

La justice n’est pas assez docile ? Alors autant passer en force. C’est un refrain qu’on entend aux USA chez Donald Trump et qui trouve un écho en France chez les macronistes.

Des sénateurs et des députés s’organisent pour court-circuiter la décision judiciaire qui avait stoppé le chantier d’autoroute A69, dans le sud-ouest de la France. Leur idée est de voter une loi pour imposer la reprise des travaux malgré le refus de la justice.

Le 27 février, le tribunal administratif de Toulouse annulait l’autorisation environnementale du chantier d’autoroute A69. Une première pour un projet de cette envergure en France, qui devait entrer en service fin 2025, et une victoire pour le mouvement qui résiste courageusement au projet depuis des années. La justice estimait que les «gains espérés» par ce projet d’autoroute ne constituent pas une «raison impérative d’intérêt public majeur» justifiant les atteintes à l’environnement causées par le projet.

Et pour cause : cette autoroute n’a aucun intérêt. Ce grand chantier écocidaire sorti tout droit des années 1970, dont le coût est évalué à 500 millions d’euros, dont une partie d’argent public, avait commencé à détruire plus de 400 hectares de terres, notamment des forêts aux arbres centenaires qui sont rasées sur une bande de 60 kilomètres de long. Tout cela pour économiser quelques minutes aux automobilistes et faire payer ce tronçon routier afin d’engraisser des actionnaires.

Alors qu’ils s’étendaient déjà sur des dizaines de kilomètres, les travaux ont ainsi été mis à l’arrêt. Le temps de la justice est plus lent que celui des bétonneurs et Atosca, l’entreprise qui construit l’A69, se vantait en novembre que «100% des terrassements aient démarré et 45% aient été réalisés». Elle ajoutait que 70% des ouvrages d’art prévus pour enjamber la future route sont déjà installés.

Dès l’annonce de cette décision, le gouvernement annonçait qu’il n’était pas question d’obéir à la décision de justice, et encore moins de s’arrêter en si bon chemin. Le Ministre des Transports annonçait que l’État allait faire appel de la décision et s’insurgeait : «C’est la crédibilité de l’État qui se joue aussi si demain ce chantier est arrêté […] cela va faire jurisprudence sur l’ensemble du territoire national, c’est la fin des grands projets».

«Je rappelle quand même que les deux tiers sont réalisés, que 300 millions d’euros ont été pratiquement investis. Quelles conséquences si demain, on est amené à être obligé de détruire ce qui a été réalisé ?» a demandé le Ministre. C’est la logique perverse qu’on pouvait craindre : les bétonneurs démarrent les travaux le plus vite possible afin que même si la justice finit par donner raison aux opposant-es, il est déjà trop tard : pourquoi stopper un chantier qui est déjà en cours ? Le Ministre s’était dit «déterminé» à terminer l’autoroute, jugeant que l’arrêt du chantier provoquait une «catastrophe concrète et immédiate sur un plan économique».

Le 7 mai, les sénateurs du Tarn, fervents soutiens du projet d’autoroute, ont fait adopter en commission au Sénat un texte de loi permettant de rendre à nouveau légaux les travaux. La proposition a été portée par les sénateurs centristes Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau. L’initiative a été très largement validée. Le Sénat étant une chambre très à droite, il est presque certain que cette loi scandaleuse sera adoptée : le vote est à l’ordre du jour le 15 mai, dans une semaine.

Ensuite, il faudra la faire valider à l’Assemblée Nationale. Le député macroniste du Tarn Jean Terlier a ainsi déposé le même projet de loi pour, selon ses termes, «reprendre la main», Après l’adoption de cette loi au Sénat, les députés macronistes tenteront de faire voter le texte le 2 juin. Les élus organisent donc une méthode pour imposer un chantier déclaré illégal par un moyen détourné, en le légalisant a posteriori, ce qui permettrait d’enjamber la décision de justice. En fait, les décisions des tribunaux, c’est uniquement quand cela les arrange.

Nous sommes entrés dans une nouvelle période. Pendant un temps, la bourgeoisie s’est réfugiée derrière la légitimité du «droit», de la «séparation des pouvoirs» et de la «démocratie» pour justifier son pouvoir. Elle prônait la «négociation» avec les «partenaires sociaux», et se pliait aux décisions de justice. Nos dirigeants et leurs laquais se moquent désormais des institutions et du verdict des tribunaux quand ils ne leur conviennent pas.

Bruno Retailleau appelle à en finir avec l’État de droit. Le syndicat policier Alliance veut liquider la justice quand elle met en examen un des leurs. Macron passe en force quand il perd une élection. Certains ministres vont jusqu’à critiquer les juges quand ils condamnent Marine Le Pen.

Alors pourquoi s’embêter quand un tribunal suspend un projet d’autoroute ? Pile, ils gagnent, face, on perd.

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Source: https://contre-attaque.net/2025/05/10/a69-des-elus-sorganisent-pour-imposer-la-reprise-du-chantier-qui-avait-ete-stoppe-par-la-justice/

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