
Alors que d’importantes décisions de justice sont attendues en mai sur l’A69, le concessionnaire affirme que l’arrêt du chantier lui coûte 180 000 euros par jour. Des chiffres « lunaires », expliquent les opposants.
Par Justin CARRETTE.
Haute-Garonne, correspondance
Même à l’arrêt, le chantier de l’autoroute A69 continue de faire parler de lui. Depuis la décision du tribunal administratif de Toulouse, le 27 février dernier, qui a contraint le constructeur à stopper immédiatement les travaux sur les 53 kilomètres de tracé, une partie de la presse a récemment relayé le fait que le concessionnaire Atosca débourserait chaque jour 180 000 euros pour « des opérations de mise en sécurité et mesures conservatoires ». 120 ouvriers et une vingtaine de machines seraient ainsi toujours présents quotidiennement sur le chantier pour assurer ces missions.
Dans des documents confidentiels que Reporterre a pu consulter, Guintoli — le constructeur de l’autoroute — affirme entre autres que le coût du personnel toujours mobilisé sur le chantier est de 90 600 euros par jour et que le gardiennage lui coûte 13 400 euros quotidiennement. Ces éléments ont été transmis au tribunal administratif de Toulouse pour appuyer une demande de sursis à exécution qui sera étudiée par un juge unique le 21 mai et qui permettrait de relancer les travaux de l’A69 en attendant la décision de la cour d’appel sur le fond du dossier.
« Ces chiffres sont lunaires »
Pourtant, plusieurs habitants le long du tracé affirment à Reporterre que, depuis fin février, le chantier est désert. Les engins, comme les ouvriers, ne montrent pas le bout de leur nez. Le collectif d’opposants La Voie est libre a tout de même constaté des livraisons de matériaux sur le chantier, notamment pour la construction de ponts, alors que toute activité, hormis la sécurisation du site, est illégale depuis le 27 février. Pour les membres du collectif, les 180 000 euros de dépenses quotidiennes sont largement surévalués.
« Ce n’est pas compliqué de se rendre compte que ces chiffres sont lunaires, dit un porte-parole du collectif. Quand le chantier était en activité, le concessionnaire parlait d’environ 1 000 ouvriers sur site, soit huit fois plus que quand il est à l’arrêt, si l’on admet que 120 ouvriers sont présents depuis l’arrêt des travaux. Logiquement, le chantier en activité aurait donc lui aussi coûté au minimum huit fois plus. »
Pour le collectif, qui a effectué ses propres calculs à partir des chiffres avancés par Atosca auprès de la justice, un chantier en activité avec 1 000 ouvriers et 350 machines coûterait au minimum 1,5 milliard d’euros pour les 40 mois de travaux qui auraient dû permettre la finalisation de l’A69. Un montant plus de trois fois supérieur aux 458 millions d’euros annoncés lors de la présentation du projet en 2022. Atosca n’a pas donné suite aux demandes d’entretien de Reporterre.
« Faire pression » avec l’argument économique
« Avec ces chiffres lunaires, le concessionnaire cherche à faire pression pour les audiences qui arrivent », affirme un porte-parole du collectif La Voie est libre. « En évoquant de telles sommes pour un chantier à l’arrêt, Atosca espère que la justice va vite autoriser la reprise des travaux pour limiter les dépenses, mais personne n’est dupe. Lors de l’audience en février, le concessionnaire a déjà tenté de faire peser l’argument économique. »
De nombreuses échéances judiciaires et législatives sont prévues au mois de mai. En plus du sursis à exécution, qui pourrait permettre la reprise des travaux et qui sera étudié le 21 mai, le Conseil d’État se penchera le 14 mai sur un recours en nullité contre le contrat de concession, et le Sénat examinera le 15 mai une proposition de loi visant à valider l’autorisation environnementale de l’A69.
Addition finale
À l’origine de cette proposition de loi, le sénateur centriste du Tarn, Philippe Folliot, affirme dans les colonnes de La Dépêche que les sommes dépensées par Atosca depuis l’arrêt du chantier sont « une des raisons qui nous a poussés à déposer cette proposition de loi de validation. En trois mois, la somme est déjà énorme. Si l’on doit attendre le jugement au fond d’ici 18 mois, les gens vont devenir fous. Surtout quand on connaît l’état des finances publiques ».
Dans ce même article, le journaliste de La Dépêche affirme également que le concessionnaire « va forcément demander des comptes à l’État, responsable de cette interruption forcée. Tout ou partie va donc être payé par les contribuables ».
Christophe Lèguevaques, avocat toulousain qui porte la requête contre le contrat de concession dénonce cet argumentaire fallacieux : « Atosca a pris un risque en commençant les travaux sans avoir purgé les recours. L’addition finale sera pour lui. L’article 6 du contrat de concession précise que le concessionnaire assume seul les frais, les risques et les conséquences correspondants. Peu importe les dépenses engagées, le risque pèse sur Atosca, qui s’est placé tout seul dans la nasse par suffisance et imprudence. »
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Source: https://reporterre.net/A-69-dos-au-mur-le-concessionnaire-Atosca-tente-un-bluff-financier
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