
Par Erwan MANAC’H
Le budget 2025 prévoit une baisse de 23 % des crédits de la sécurité routière et la disparition du plan vélo. La mort d’un cycliste, mi-octobre à Paris, avait pourtant relancé le débat sur la sécurité.
Il n’y a eu ni communiqué ni déclaration officielle, mais les inquiétudes étaient bel et bien justifiées. Les 304 millions d’euros du plan vélo, destinés à aider les collectivités à aménager des pistes cyclables, vont disparaître en 2025. Et les investissements prévus en 2024, gelés depuis le mois de février, ne seront pas dégelés, comme le détaillait Reporterre le 8 octobre.
La rapporteuse spéciale sur les questions de transports, Christine Arrighi, a porté le 30 octobre une série d’amendements en commission des finances de l’Assemblée nationale pour tenter de faire machine arrière, aux côtés de députés socialistes et insoumis. Mais tous les amendements ont été rejetés. « C’est un scandale absolu, tonne la députée écologiste. Les promesses d’un plan vélo à 2 milliards d’euros, prononcées par la Première ministre Élisabeth Borne en 2023, s’évaporent. C’est la parole politique qui est totalement décrédibilisée. »
Ironie de la vie politique, le ministre des Transports s’exprimait presque au même moment devant les sénateurs, pour chanter les louanges du plan vélo que son gouvernement était en train d’enterrer : « Beaucoup a été fait par l’État pour sécuriser et encourager la pratique cyclable », affirmait François Durovray.
Les collectivités « n’ont plus un sou »
Les pistes cyclables sont aujourd’hui largement financées par les collectivités locales. C’est l’argument distillé par l’exécutif à ses interlocuteurs pour justifier l’abandon du plan vélo. « On nous dit que cette mission est du ressort des collectivités, maintenant que l’État a “amorcé la pompe” », regrette Thibault Quéré, directeur du plaidoyer pour la Fédération des usagers de la bicyclette, au sortir d’une réunion à Matignon le 30 octobre.
L’argument a été repris au même moment par le Rassemblement national, pour défendre un amendement de suppression définitive du plan vélo désormais vidé de toute substance. Proposition purement formelle, rejetée par la commission des finances.
Les millions d’euros du plan vélo exercent néanmoins un effet levier décisif pour le financement des pistes cyclables. « Ce sont souvent les départements qui portent les investissements structurants. Or, ils traversent une crise majeure. Ils n’ont plus de sous », prévient Jacques Baudrier, élu communiste à la métropole de Paris. « La perte des crédits de l’État risque d’entraîner un désengagement en cascade », confirme le député socialiste Thierry Sother.
La Sécurité routière perd 26 millions d’euros
Un autre coup de rabot, jusqu’alors passé sous les radars, risque de compliquer le développement du vélo : le gouvernement prévoit une baisse de 23 % des crédits de la Sécurité routière. 26 millions d’euros manqueront en 2025, alors que les associations de cyclistes demandent un sursaut d’urgence, pour une meilleure prise en compte de la « violence motorisée » et un changement de comportement des automobilistes, après la mort de Paul, cycliste de 27 ans écrasé par une voiture le 15 octobre. François Durovray annonçait le 21 octobre le lancement d’une « mission » de quatre mois à l’intitulé de circonstance : « Contre les violences, protéger tous les usagers de la route ».
Accompagner l’essor des « nouvelles mobilités dites douces » est un des quatre « enjeux majeurs » identifiés par la Sécurité routière, selon le cadrage budgétaire communiqué par Bercy. Les préfets doivent organiser des actions de prévention ciblées sur ce thème. Depuis 2023, le plan d’action de la sécurité routière prévoit également des campagnes de communication « pour mieux faire connaître aux usagers des nouvelles mobilités les règles et conseils pour sécuriser ».
C’est en France que le sentiment d’insécurité à vélo est le plus répandu, parmi onze pays européens étudiés dans une enquête d’opinion publiée le 29 octobre. Seuls 59 % des Français interrogés se sentent en sécurité sur les routes, là où les Néerlandais interrogés sont 93 % à éprouver ce sentiment, selon ce sondage Ipsos pour la fondation Vinci Autoroutes.
« Le nombre de cyclistes tués augmente de presque 20 % entre 2019 et 2023. Au total, cette année-là, 221 cyclistes ont été tués sur la route en France métropolitaine [sur un total de 3 167 tués sur les routes selon les services du gouvernement] », rappelle Thierry Sother, qui a repéré les coupes budgétaires dans les documents publiés par le ministère de l’Économie.
« Je le vois dans ma ville, à Strasbourg, l’explosion du nombre de cyclistes ces trois dernières années nous oblige à trouver un équilibre de cohabitation entre les voitures, les vélos et les piétons. Nous devons apprendre à partager l’espace public, après un demi-siècle de règne sans partage de la voiture », estime Thierry Sother, qui compte porter un nouvel amendement en séance plénière pour tenter de préserver ces crédits.
Les débats budgétaires doivent encore durer de longues semaines et des retournements de situation ne sont pas exclus. Un député Ensemble pour la République (macroniste) prépare notamment un amendement pour ressusciter le plan vélo, qu’il devrait présenter dans l’hémicycle. Il devra réussir la prouesse de convaincre son propre groupe politique.
Des bénéfices indirects
Dans sa stratégie nationale bas carbone définissant une trajectoire permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la France compte convertir 2,5 millions d’automobilistes actuels au vélo quotidien. Quatre chercheurs français ont calculé les bénéfices indirects de cette hypothèse. Elle permettrait d’éviter environ 5 000 décès liés au manque d’exercice par an dès 2030, correspondant à 10,5 milliards d’euros de gains économiques associés. « Cruelle ironie de l’actualité… », a commenté un de ses auteurs sur LinkedIn, en réaction à la disparition du plan vélo.
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Source: https://reporterre.net/Abandon-du-plan-velo-Un-scandale-absolu
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