« Accepter cet accord, c’est se diluer » : à Paris, l’union entre écologistes et socialistes fait débat (reporterre-19/12/25)

L’écologiste David Belliard (à g.) a annoncé retirer sa candidature afin de se ranger derrière le socialiste Emmanuel Grégoire. – Emmanuel Grégoire : © Ludovic Marin / Pool / AFP. David Belliard : © Lageat Perroteau / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Par Fanny MARLIER

Écologistes et socialistes feront alliance dès le premier tour des élections municipales 2026 à Paris. Une union qui fait craindre à certains un affaiblissement de l’écologie politique au profit d’une social-démocratie.

Sans grande surprise, les militants écologistes parisiens ont approuvé, par vote, cette décision. Le 17 décembre, ils étaient environ 1 500 appelés à se prononcer sur le projet d’union au premier tour des élections municipales à Paris avec les socialistes, les communistes, Place publique et L’Après. Au petit matin, l’écologiste David Belliard avait annoncé retirer sa candidature afin de se ranger derrière le socialiste Emmanuel Grégoire.

Pour la première fois depuis 1977, date du suffrage universel, Les Écologistes ne présenteront donc pas de candidat pour prendre les rênes de la capitale au premier tour. Jusqu’ici, Les Écologistes s’étaient toujours ralliés, mais uniquement dans l’entre-deux-tours.

Après Nantes, Lyon, Rennes, Marseille et Brest, cette coalition parisienne rejoint la liste des grandes villes dans lesquelles socialistes et écologistes font alliance dès le premier tour. Non sans débat, car s’unir, c’est pour certains « prendre le risque que l’écologie politique disparaisse au profit de la social-démocratie ou de la gauche radicale portée par LFI [La France insoumise] », comme l’indique Jérôme Gleizes, vice-président du groupe écologiste à Paris.

Placer ses pions

Estimant, dans Libération, que « l’un des chemins pour battre [Rachida Dati, ministre de la Culture et candidate à la mairie de Paris] est un accord le plus large possible dès le premier tour », David Belliard a ainsi fait le choix « d’entrer dans une coalition derrière la candidature la mieux placée ». « Je ne suis pas le mieux placé, à date, pour porter cette alliance [de la gauche] », a justifié l’ancien adjoint aux transports d’Anne Hidalgo.

Face à la candidature de Rachida Dati, soutenue par Les Républicains (LR), les partis de gauche ayant rallié cette coalition espèrent arriver en tête du premier tour des élections municipales de mars 2026. La ministre de la Culture, visée par une information judiciaire pour corruption, atteint 27 % des voix au premier tour selon un récent sondage, Emmanuel Grégoire 20 % et David Belliard 14 %.

Ian Brossat, jusqu’ici tête de liste communiste à la mairie de Paris, fait partie de ceux ayant milité depuis plusieurs semaines pour cette union. « C’est la solution la plus efficace pour éviter un basculement de Paris vers une droite extrémisée, réactionnaire et climatosceptique, détaille-t-il à Reporterre. Il faut arriver le plus haut possible au premier tour et on a besoin de toutes les forces de la majorité municipale pour y arriver. » L’ex-députée de La France insoumise du 20e arrondissement, Danielle Simonnet, cofondatrice du parti L’Après, ainsi que Saïd Benmouffok, investi par Place publique dans la capitale, ont annoncé le 18 décembre rejoindre l’union.

Pour l’heure, seule la candidate insoumise, députée de Paris et conseillère régionale d’Île-de-France, Sophia Chikirou, n’a pas rejoint la coalition. « Il ne faut pas qu’un socialiste soit maire de Paris », déclarait-elle dans Le Parisien fin novembre. Du côté des socialistes, on ne souhaite pas, jusqu’ici, entendre parler d’un potentiel accord avec les insoumis.

« L’accord avec le PS n’aurait pas été présenté au vote » sans une condition particulière des Écologistes : laisser la porte ouverte à l’alliance parfaite des partis de gauche au second tour, fait savoir l’entourage de David Belliard.

« Les partenaires s’engagent à tout faire pour qu’il n’y ait qu’une seule liste de gauche au second tour, peut-on lire dans le protocole d’accord que Reporterre s’est procuré. Toute alliance avec Pierre-Yves Bournazel [le candidat Horizons soutenu par Renaissance] est exclue. »

Craintes en interne

L’enjeu de la répartition des postes a été le plus épineux à résoudre. Les Écologistes ont obtenu un total de 36 sièges au Conseil de Paris (sur 102 places), contre 28 jusqu’ici, ainsi qu’une mairie supplémentaire sur les deux déjà dans leur giron : David Belliard pourrait ainsi prendre la tête du 11e arrondissement.

Parmi les « marqueurs écologistes » de la campagne unitaire, le protocole d’accord prévoit la gratuité des bus avec « dix lignes de bus express », des métros « ouverts toute la nuit pour les travailleurs en horaires décalés, en commençant par les lignes automatiques », la « transformation du périphérique avec ceinture verte et boulevard urbain », la réduction voire la sortie « progressive de la publicité commerciale à Paris », une « Sécurité sociale de l’alimentation » ou encore un objectif de « 200 000 logements privés » et « 30 000 logements sociaux » rénovés « d’ici la fin du mandat ».

Chez Les Écologistes, ces gages ne suffisent pas pour autant à calmer les craintes de celles et ceux qui voient dans l’union, dès le premier tour, une erreur stratégique. Une militante parisienne y voit un risque : « Arriver au second tour sans aucun report de voix… Les gens qui veulent voter pour l’écologie pourraient se tourner vers les insoumis et faire pencher le rapport de force au second tour en leur faveur. »

D’autres perçoivent dans cette alliance un risque de perdre un électorat tenté de se tourner vers une politique davantage offensive sur les enjeux écologiques et sociaux. « Accepter cet accord, c’est se diluer avec le PS », regrette Jérôme Gleizes, vice-président du groupe écologiste à Paris.

Points de blocage

D’autant qu’à Paris, certains débats de fond opposent socialistes et écologistes. À commencer par l’avenir du stade du Parc des Princes : Emmanuel Grégoire a récemment ouvert la porte à une vente.

En parallèle, Sophia Chikirou prônant, dans Le Parisien, l’usage de la voiture ainsi qu’« un plan basé sur l’intelligence humaine et artificielle » pour fluidifier le trafic, ne semble pas incarner l’écologie politique.

D’autres points de blocage existent, parfois même entre élus écologistes, comme à Montpellier et à Strasbourg, où la candidate socialiste Catherine Trautmann a fait savoir qu’elle ne soutiendrait pas la maire écologiste sortante, Jeanne Barseghian.

Quoi qu’il en soit, dans cette configuration, nul doute que les résultats du premier tour des élections municipales parisiennes seront scrutés de près par celles et ceux déterminés à imposer une candidature commune à gauche pour 2027.

Source: https://reporterre.net/Municipales-l-union-entre-ecologistes-et-socialistes-fait-debat

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