
Passionnée depuis son enfance par le monde du transport routier, Loriane venait d’accéder à son rêve en obtenant le titre professionnel de conductrice. Mais en octobre 2024, trois semaines après son embauche, un tragique accident est venu l’emporter à l’âge de 24 ans. Un an après le drame, sa mère se bat pour honorer sa mémoire, comprendre les circonstances exactes de sa mort mais aussi faire reconnaitre les responsabilités et les auteurs.
Par Matthieu LEPINE.
Loriane est née le 3 mai 2000 à Amboise. Elle grandit en Indre-et-Loire entourée par ses parents et son frère Anaël de 9 ans son cadet. Jeune fille épanouie et studieuse, Loriane se passionne pour les animaux et pratique notamment l’équitation. Elle aime aussi se balader en famille, tout particulièrement sur les bords du Cher pour s’émerveiller devant des joyaux comme le château de Chenonceau. Les paysages, elle aime aussi les admirer l’été à travers le tour de France. « Elle ne manquait jamais de regarder » se souvient Nadine, sa mère.
Une passion pour les camions venue de l’enfance
Très jeune, Loriane est baignée dans la passion de son père : le transport routier. Elle a 6 ans lorsqu’elle parade pour la première fois à bord d’un camion Kenworth. « Il avait eu l’opportunité de rassembler quelques camions américains à l’occasion de l’Américain Tours Festival. Nous avons ensuite organisé pendant plus de 10 ans des rassemblements de véhicules en tous genres ».

D’abord sur Francueil, où Nadine et Yannick sont membres du comité des fêtes, avant d’être délocalisés à Thenay dans le Loir-et-Cher, les évènements (Fête de la locomotion, Route 41…) attirent à l’époque un large public. « Nous avons rassemblé jusqu’à 150 poids lourds. Durant toutes ces années, Loriane nous a accompagnés et s’est investie dans l’organisation des différentes fêtes. Son intérêt pour le monde des camions lui est évidemment venue de là ». Sa rencontre avec Julien, son petit ami pendant près de 7 ans et lui-même chauffeur routier, va venir nourrir encore davantage cette passion.

De premières expériences dans le monde du transport
Elève au lycée Léonard de Vinci d’Amboise, Loriane obtient son Bac STMG en 2018. C’est tout naturellement qu’elle se dirige ensuite vers un BTS Transport et prestations logistiques au Campus des métiers de Joué-lès-Tours. « Elle a toujours voulu devenir conductrice de poids lourds et même créer sa propre entreprise de transport mais elle ne voulait pas brûler les étapes et connaitre tous les aspects du métier ».
Sa formation en alternance lui permet de découvrir le monde du travail à travers un stage dans une entreprise de transport de denrées alimentaires. BTS en poche, Loriane signe en 2021 son premier CDI chez un transporteur routier en tant qu’agent administratif. Mais après plusieurs mois d’activité les tâches qui lui sont confiées semblent ne pas répondre à ses attentes. « Elle s’est lassée de ne pas avoir de reconnaissance. Les conditions de travail ne lui convenaient pas non plus ».
Après une rupture conventionnelle, son ancien employeur, en manque de personnel, fait finalement de nouveau appel à elle pour un poste d’exploitante. « Loriane voulait élargir son domaine de compétences, c’était une bonne opportunité ». Là encore, l’expérience va cependant tourner court. « On lui a demandé d’être tout de suite opérationnelle à un poste qu’elle ne connaissait pas et pour lequel elle n’avait pas été formée ». Face aux exigences de son employeur et à l’absence de proposition de formation, la jeune employée de 23 ans se décourage.
Un rêve qui se concrétise
Après avoir démissionnée, Loriane traverse une période de quelques mois sans activité. Mais elle ne se décourage pas et décide rapidement de se lancer dans une nouvelle aventure. Plus motivée que jamais, elle intègre début 2024 un organisme de formation professionnelle des métiers du transport et de la logistique (AFTRAL) afin de devenir conductrice de poids lourd. La jeune femme est en passe de concrétiser l’un de ses rêves. « Elle était l’une des meilleurs de sa promotion » se souvient Nadine. « Durant cette année 2024, Loriane était rayonnante, elle avait enfin trouvé sa voie ».
Titulaire des permis poids lourd et super lourd, elle obtient le titre professionnel tant convoité de conductrice du transport routier de marchandises sur tous véhicules. « Son projet de créer sa propre entreprise était réalisable grâce à l’attestation de capacité qu’elle possédait suite à l’obtention de son BTS ». Dans l’attente d’aboutir à cette ambition, Loriane est embauchée en tant que chauffeur chez un transporteur routier de la périphérie de Tours.
Une entreprise de Montlouis-sur-Loire où elle se sent en confiance puisqu’elle y a déjà effectué un stage durant sa formation. 15 jours au cours desquels sa motivation avait marqué les esprits. La toute jeune conductrice de 24 ans intègre ainsi son nouvel emploi le 1er octobre 2024. « C’était la première femme chauffeur routier de l’entreprise. Au bout de 15 jours, elle était déjà très appréciée de ses collègues au point de devenir une sorte de mascotte selon les dires de son patron ».
Bien que volontaire et déterminée, Loriane sort tout juste de formation et débute dans le métier. Dans l’attente de recevoir son permis poids lourd elle ne peut d’ailleurs que conduire un camion porteur. Elle effectue sa première journée aux côtés d’un autre employé de l’entreprise qu’elle accompagne dans ses tournées.
Dès le lendemain c’est elle qui prend enfin le volant. « Elle n’avait pas pu conduire durant son stage, c’était donc une toute nouvelle étape et elle en était fière ». A la fin de sa première semaine, Loriane conduit dorénavant seule son porteur et fait ses premières livraisons. « Elle aimait le contact et était très appréciée de la clientèle ».

« On a estimé qu’elle pouvait réaliser la tâche qui lui était confiée alors elle a fait confiance »
24 octobre 2024. Voilà trois semaines que Loriane a débuté cette nouvelle étape de sa vie. Toujours aussi épanouie, la jeune conductrice doit aujourd’hui livrer un particulier à Parcay-Meslay en périphérie de Tours. Un chargement conséquent, puisqu’il s’agit de palettes de carrelage mesurant chacune près d’1,50 mètre et pesant plus d’une tonne. « Ma fille faisait 1,56 mètre mais cela ne l’impressionnait pas. Il lui tenait à cœur de réussir et de se faire sa place ».
Une fois arrivée sur place, la manœuvre s’avère cependant difficile. Le terrain est en pente ce qui rend compliquée la livraison d’un tel chargement. « On a estimé qu’elle pouvait réaliser la tâche qui lui était confiée alors elle a fait confiance ». Loriane est cependant mortellement écrasée par la première palette lors du déchargement. « Le 24 Octobre 2024, à l’âge de 24 ans… J’ai perdu une partie de moi ce jour-là ».
Dès le lendemain, Gendarmerie et Inspection du travail ouvrent une enquête conjointe. Celle-ci est aujourd’hui terminée et a été transmise au parquet de Tours début septembre 2025. Elle devrait apporter des réponses aux questions qui se posent légitimement après ce tragique accident du travail. Le camion et l’équipement mis à disposition étaient-ils adaptés à l’opération ? La sécurisation des palettes était-elle conforme ? On peut aussi se demander si la jeune conductrice était prête à prendre en charge seule une telle manœuvre après seulement 3 semaines d’expérience ?
« Je ne lâcherai rien dans ce combat »
Un an après le drame, Nadine, la mère de Loriane, souhaite honorer la mémoire de sa fille. « Je tiens à ce que son histoire ne soit pas passée sous silence ». Ceci d’autant plus que la mort au travail de la jeune conductrice n’a pas été évoquée dans la presse locale à l’époque. « On m’a contactée quelques jours après l’accident suite à la propagation de l’information sur les réseaux sociaux mais je n’avais pas la force d’en parler ».
« Un bel hommage lui a cependant été rendu dans le magazine Des camions et des hommes. Le soutien de la communauté des transports, notamment sur les réseaux sociaux, nous a vraiment touché ». C’est d’ailleurs à travers leur passion commune que le père de Loriane fait vivre la mémoire de sa fille, notamment en participant à ces rassemblements qu’elle affectionnait tant.
La famille de Loriane entend aussi se battre pour que la lumière soit faite sur les circonstances précises de l’accident et sur les éventuelles responsabilités. C’est dans cette optique qu’une plainte pour homicide involontaire dans le cadre du travail a été déposée. « Je n’aurais jamais imaginé et surtout souhaitée me lancer dans ce combat » explique Nadine. « Mais maintenant, je ne lâcherai rien. De toute façon, je ne peux pas avancer tant que je n’ai pas de réponses à toutes les questions que je me pose depuis ».
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