Afrique du Sud : grave revers pour l’ANC et l’Alliance Tripartite. (NBH – 1/06/24)

Le Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir depuis trente ans en Afrique du Sud, se dirige vers un revers électoral historique. Samedi 1er juin, alors que 90 % des votes avaient été comptabilisés par la commission électorale, il avait recueilli  40 % des voix. Si cette tendance se confirme, la formation de Nelson Mandela, qui a remporté toutes les élections législatives depuis la fin de l’apartheid en 1994, perdrait pour la première fois sa majorité absolue à l’Assemblée. Tout en restant le premier parti sud-africain, l’ANC sera donc contraint de trouver des alliés pour construire une majorité parlementaire.

A droite l’Alliance démocratique (DA), parti de la minorité blanche, obtiendrait autour de 22 % des suffrages exprimés. Ce parti néolibéral promet d’éradiquer la corruption et de sauver le pays à coups de privatisations et dérégulations. Il s’oppose diamétralement aux politiques progressistes de protection sociale de l’ANC.

Sur la gauche de l’ANC, deux formations émergent en troisième et quatrième positions. Elles ont toutes les deux été fondées par d’anciens de l’ANC. Le parti Umkhonto we Sizwe (MK, le nom du bras armé de l’ANC sous l’apartheid) de l’ancien président Jacob Zuma, 82 ans, atteignait vendredi soir le score de 15 % pour sa première participation à des élections législatives.

Enfin, l’EFF ( Combattants pour la liberté économique – Economic Freedom Fighters) de Julius Malema, 43 ans, ancien leader de la ligue de la jeunesse de l’ANC, dont il a été exclu en 2012, serait autour de 10 % des suffrages. L’EFF, est favorable à la redistribution sans compensation des terres aux Noirs et la nationalisation de pans entiers de l’économie. En revanche il est pour le rétablissement de la peine de mort

Le recul, la défaite, de l’ANC ne tombe pas du ciel :  inégalités sociales, répression de mouvements sociaux, corruption, coupures d’électricité, approvisionnement en eau en voie de disparition, chômage au plus haut et donc criminalité très élevée, le bilan de l’ANC, malgré l’attachement historique au mouvement qui a dirigé la libération du pays, explique facilement le résultat qui se dessine. 

La mise en minorité de l’ANC à l’Assemblée nationale, qui ne semble plus faire de doute, l’obligera à former une coalition pour se maintenir au pouvoir et élire un président. Deux alliances sont possible: l’une avec la droite qui a évidemment le soutien des capitalistes sud-africains, et l’autre avec sa gauche (Zuma ou Malema). 

Et le SACP, le parti communiste, direz-vous ? Il se présente avec l’ANC. Le Parti communiste sud-africain, même s’il critique certains aspects de la politique de l’NC, dénonce “les attaques des tenants du capital et de l’impérialisme” contre le Congrès national africain (ANC) au pouvoir, avec lequel le parti s’est allié pour les élections législatives. Rappelons que l’ANC dirige le pays en alliance avec le Parti communiste sud-africain (SACP) et la principale centrale syndicale la COSATU (Congress of South African Trade Unions).  

On peut s’interroger sur la pertinence pour le SACP de participer aux élections sous la bannière de la coalition gouvernementale avec le Congrès national africain (ANC) et non de façon autonome. 

L’orientation prise par l’ANC et son allié communiste enregistrait la disparition de l’URSS, la marginalisation du mouvement communistes et la mutation néolibérale et parfois autocratique des pays africains ex-progressistes. Ils ont tenté un compromis mais la bourgeoisie, blanche et noire, a pris le dessus et les infléchissements politiques et économiques vont plutôt dans le sens du renforcement du capitalisme et donc des inégalités. Même si la politique étrangère, on pense bien sûr à la Palestine, reste marquée par l’histoire du mouvement de libération nationale que fut l’Alliance Tripartite.

Reste que le ralliement bon gré, mal gré des dirigeants de l’ANC, au capitalisme comme “seule alternative” et l’intégration de cadres du parti communiste et de la COSATU dans les instances dirigeantes de l’ANC et de l’Etat a bien émoussé leur dimension critique.  La COSATU comme le SCAP se sont éloignés de leur bases sociales pour devenir les “otages” d’un ANC embourgeoisée. 

Mandela était parvenu à maintenir  un équilibre politique et idéologique mais son successeur Thabo Mbeki n’hésite pas à se dire “thatchérien” dans le sens où il ne voyait pas d’alternative au capitalisme.

Face à cela le SACP et la COSATU s’allièrent avec Jacob Zuma qu’ils aidèrent à conquérir la tête de l’ANC et de devenir président du pays.  Or Zuma poursuivit la politique libérale et capitaliste de Mbeki. Au point que la situation sociale ne fit que s’aggraver. Les événements de Marikana où 36 mineurs en grève furent tués par la police. Cette évolution a montré la faiblesse et l’impuissance du parti communiste. Et la COSATU fut débordée par un mouvement syndical plus radical (l’AMCU). 

Zuma finit par être trop compromis dans des affaires de corruption et être écarté du pouvoir par son parti. Mais il a conservé une base de masse en particulier dans sa région, en pays zoulou. Comme les élections le montrent.

Cyril Ramaphosa, a symbolisé cette évolution néolibérale entamée dès le départ de Mandela. L’actuel président est passé lui-même de la COSATU aux “mondes des affaires”…

On ne peut donc vraiment pas s’étonner la terrible défaite subie par l’ANC et ses alliés trop soumis.

Une fois encore nous constatons que le refus d’un processus de rupture avec le capitalisme et le glissement des compromis nécessaires aux compromissions inacceptables n’apportent à la gauche que la défaite. Espérons que ce sévère coup de semonce électoral sera rapidement suivi par un coup de barre à gauche loin des postures démagogiques, de la corruption et de l’impuissance. Regagner la confiance populaire  est sans doute encore possible.

Auteur : Antoine Manessis

Source : http://nbh-pour-un-nouveau-bloc-historique.over-blog.com/2024/06/afrique-du-sud-grave-revers-pour-l-anc-et-l-alliance-tripartite.html

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