
Alors que le label célèbre ses 40 ans, l’Agence bio va subir une réduction drastique de son budget. Les professionnels y voient une énième attaque contre ce mode de production.
Par Benjamin DOURIEZ.
Parmi les acteurs de l’agriculture biologique, l’heure devait être à la fête. À la place, c’est plutôt la gueule de bois. Le 22 mai, le label Agriculture biologique, créé en 1985, fête son quarantième anniversaire. Pour l’occasion, l’Agence bio lance un spot TV vantant les mérites du label — une première. Sous le slogan « C’est bio la France », il sera diffusé sur le petit écran dans les prochaines semaines. Drôle de coïncidence : alors que l’anniversaire se préparait, des coupes majeures dans le budget de l’agence viennent d’être annoncées, provoquant colère et stupéfaction dans le secteur.
Le gouvernement a décidé de supprimer pas loin de 15 millions d’euros à la structure, qui fédère et soutient le développement de la bio. « On voudrait tuer la timide reprise que connaît le secteur après deux années de crise qu’on ne s’y prendrait pas autrement », s’insurge Loïc Madeline, coprésident de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab).
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Le label, qui représente moins de 6 % de la consommation alimentaire des ménages, offre un repère fiable pour des productions n’utilisant pas de pesticides de synthèse, respectant le bien-être animal (pour la viande et les produits laitiers) et contenant peu d’additifs (pour les produits transformés).
Une dynamique mise à mal par cette réduction drastique. Les 15 millions d’euros représentent selon l’Agence bio une baisse de 64 % du total des moyens alloués pour son fonctionnement et pour le soutien au développement du secteur. « On veut bien participer aux efforts de réduction des dépenses publiques, mais à la même hauteur que les autres structures ! À ce niveau-là, cela n’a aucun sens », s’emporte Philippe Henry, vice-président de la structure. Il craint que la décision ne signe « l’arrêt de mort de l’Agence bio ».
Coup de frein
En janvier, elle avait échappé à une fermeture pure et simple lors des débats sur la loi de finances. Les sénateurs avaient voté la suppression de son financement, avant que celui-ci ne soit rétabli. Selon des documents ministériels cités par l’AFP, l’Agence bio figure toujours parmi une liste d’instances pouvant faire l’objet d’une fusion avec d’autres organismes, ou d’une suppression.
Dans le détail, 5 millions d’euros prévus pour la communication disparaissent. La campagne avec le spot TV, prévue au départ pour être répétée pendant trois ans, ne devrait pas survivre à 2025. Le secteur la juge essentielle pour soutenir la demande des consommateurs en réaffirmant la spécificité du label.
Le solde (plus de 9 millions d’euros) est pris sur le fonds Avenir bio. Finançant les projets contribuant à structurer les filières (coopératives, laiteries…), il est réduit de 18 à 8,7 millions. Le coup de frein pourrait être d’autant plus brutal que selon l’Agence bio, chaque euro attribué via ce fonds déclenche 2 à 3 euros d’autres financements, privés ou publics : « Il amorce la pompe : les collectivités locales et les banques abondent une fois la caution de l’Agence bio obtenue », explique Philippe Henry.
Loïc Madeline fustige l’incohérence consistant à maintenir les objectifs de développement des surfaces cultivées sans pesticides de synthèse (18 % en 2027) tout en fragilisant ses outils.
Multitude d’attaques
La décision gouvernementale intervient dans un contexte de multiplication des attaques contre la transition vers une agriculture plus vertueuse. La proposition de loi Duplomb, censée « lever les contraintes » au métier d’agriculteur, est discutée à l’Assemblée nationale à partir du 26 mai. Elle fait planer la menace de nombreux reculs environnementaux : réintroduction de pesticides interdits, assouplissements pour les élevages industriels, etc.
Contacté par Reporterre, le ministère de l’Agriculture défend ses choix budgétaires sur l’Agence bio. Le cabinet d’Annie Genevard indique qu’il « n’est pas question d’arrêter le soutien à la filière bio ». Il estime l’amputation de moitié du fonds Avenir bio comme un simple retour à la normale, après quelques années de renforcement « exceptionnel » dans le cadre du plan France Relance (après la crise du Covid-19), puis « des moyens consacrés à la planification écologique ».
L’argument ne risque pas de convaincre les intéressés. « Le ministère vient de trouver 30 millions d’euros pour sauver la filière noisette qui représente 350 fermes en France [et est particulièrement intensive], relève Loïc Madeline. Mais ses poches sont vides quand il s’agit des 60 000 fermes bio qui produisent une alimentation saine et protègent les ressources. »
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Source: https://reporterre.net/Pour-ses-40-ans-le-label-bio-voit-son-budget-ampute
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