
Métier en tension, les aides à domicile peinent de plus en plus à recruter. En Bretagne, entre 2019 et 2030, 44 % des emplois seraient à pourvoir. Face à ce constat, la profession s’organise et tente de tenir malgré tout, en revalorisant le métier.
Face au manque d’aide à domicile, l’inquiétude plane. « J’ai peur du boom de personnes âgées qu’il va y avoir dans quelques années », lance Emmanuelle Jaouen, directrice de la franchise indépendante Domidom de Vitré (Ille-et-Vilaine). Entre des départs à la retraite, peu de candidatures pour prendre la relève et une population qui souhaite passer sa fin de vie chez soi, le secteur des aides à domicile est très déséquilibré.
2 000 postes à pourvoir à l’ADMR en Bretagne
« C’est un métier difficile physiquement parce qu’on doit porter des patients et qu’il faut être efficace dans un temps limité. Psychologiquement, c’est aussi dur : il faut être attentif. Les gens sont chez eux donc ils nous commandent, contrairement à l’Ehpad », raconte Martine Pautonnier, 60 ans et aide à domicile chez Domidom, à Vitré, depuis huit ans. Pour une semaine de « 38 à 40 heures », cette dernière confie être rémunérée à hauteur du Smic. De son côté, Sabrina Courties, auxiliaire de vie à l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) à Paimpont (Ille-et-Vilaine) enchaîne 30 heures d’interventions sur quatre jours « sans compter le temps de déplacement ».
Selon une étude du ministère du travail, 44 % des emplois d’aide à domicile ne seraient pas couverts en Bretagne, entre 2019 et 2030. C’est le métier le plus tendu de la région. « Les candidatures sont rares », confirme tristement Emmanuelle Jaouen. Si le métier est en tension partout en France, il l’est d’autant en Bretagne que le taux de chômage est l’un des plus faible du pays. À l’ADMR, on peine aussi à renforcer les rangs : « On a près de 2 000 postes à pourvoir en Bretagne. Outre le turn-over des départs à la retraite, la moitié des embauches permettrait de faire face aux nouvelles demandes. »
« Qui dit vieillissement à domicile dit plus de soins »
Pour ne pas noyer leurs employés et éviter d’empirer la situation, les organismes employeurs s’organisent. « On essaie de laisser aux aides à domicile une certaine flexibilité sur le planning pour qu’elles puissent s’arranger entre elles, se donner des coups de main », explique Emmanuelle Jaouen.
De son côté, l’ADMR indique investir ses bénéfices dans l’accompagnement de ses salariés. « On peut aider les familles à l’achat de lits médicalisés, balais télescopiques ou disques de transferts pour aider à déplacer une personne âgée. C’est à destination du patient mais ce sont des aides très précieuses pour les employées », explique Laurence Jacquon, directrice adjointe de l’ADMR et vice-présidente du syndicat USB domicile (Union syndicale de la branche d’aide à domicile).
De son côté, Martine Pautonnier se dit rassurée quant aux formations qu’on lui propose : « Qui dit vieillissement à la maison dit aussi plus de soins à faire. Quand il faut s’occuper de personnes atteintes d’Alzheimer, c’est fatigant mentalement. Heureusement, on est de plus en plus formés sur ces maladies. »
« Les envies des jeunes ont changé »
« Depuis le Covid-19, les envies ont changé. Les jeunes qui arrivent sur le marché du travail veulent plus de flexibilité, de mobilité… Et leurs week-ends », se désole Emmanuelle Jaouen. « Depuis la crise sanitaire, ils cherchent aussi des métiers qui ont du sens. Or l’aide à domicile, en est un », nuance Laurence Jacquon.
Selon la directrice adjointe de l’ADMR, l’aide à domicile reste un métier de vocation et non de dépit : « Il y a un virage à prendre pour revaloriser la profession, si on ne veut pas aller droit dans le mur dans trente ans, mais il faut le prendre maintenant, et que tout le monde s’y mette. »
« Travailler à une plus juste rémunération »
Côté rémunération, la profession reste contrainte par des grilles tarifaires encadrées par le gouvernement. Après de nombreuses négociations avec le gouvernement, elle a obtenu, en 2021, la remise à plat du système de rémunération, traduite par l’« avenant 43 ». « Les grilles des salaires sont faites en négociation avec le gouvernement. L’avenant 43 a permis une meilleure prise en compte de l’ancienneté et des formations ainsi qu’une augmentation salariale d’environ 15 % », explique Laurence Jacquon. « Ces revalorisations ne sont pas indexées sur l’inflation. Le problème des salaires se représentera », ajoute Sabrina Courties.
Outre le salaire, Laurence Jacquon planche aussi sur la mise en place d’une carte professionnelle d’aide à domicile, toujours en accord avec le gouvernement. Autre grande première cette année, le gouvernement compte mettre en place une journée nationale des aides à domicile, le 17 mars 2023. « Ça reste anecdotique », se désole Sabrina Courties.
L’intelligence artificielle pour mieux cibler les candidats
Pour multiplier les candidatures, l’ADMR mise sur d’importantes campagnes de recrutement digitales. « On achète de la visibilité. C’est une fourchette large mais pour un CV reçu chez nous c’est environ 5 à 15 € investi en matière de communication », explique Dominique de Ternay, directeur de la communication marketing de l’ADMR.
Pour optimiser ces investissements, l’ADMR mise sur l’intelligence artificielle (IA). « L’IA croise des milliards de données sur les profils des personnes qui ont postulé récemment, afin de définir un public cible auprès de qui il est judicieux d’envoyer une campagne de communication, explique Dominique de Ternay. Cette technique est utilisée pour cibler des utilisateurs sur les réseaux sociaux mais aussi sur des plateformes de recrutement comme Indeed, par exemple. »
Laurie MUSSET