
La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont présenté, ce jeudi, un projet de loi compilant toutes les réponses à leurs revendications. À prendre ou à laisser pour le futur gouvernement.
Par Stéphane GUERARD.
La vacance du pouvoir politique organisée par Emmanuel Macron produit des conséquences étonnantes. Jusqu’à mi-juillet encore, il ne serait pas venu à l’esprit des organisations patronales d’agriculteurs de faire passer au ministère ou aux parlementaires des textes législatifs clé en main, au vu et au su de tous.
Même si les liens entre tout ce monde sont habituellement très étroits et que la crise du monde paysan est urgente à traiter, il en allait alors du bon usage du lobbying comme du respect du travail législatif. Mais une quarantaine de jours après la démission du gouvernement Attal, ces préventions n’ont plus cours. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont présenté à la presse, ce jeudi, un projet de loi en bonne et due forme (seule l’étude d’impact manque) à même de contenter toutes leurs revendications.
Une double urgence
Ces fédérations patronales justifient leur démarche par le temps perdu depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et par l’empilement des urgences à traiter. À celles déjà dénoncées lors des mobilisations de cet hiver se sont ajoutées de nouvelles, cet été. D’un côté, la récolte historiquement faible du blé, en attendant celle de la viticulture.
De l’autre, l’irruption de trois maladies infectieuse dans les élevages : la maladie hémorragique épizootique (MHE) chez les bovins, qui touche aussi les moutons sous la forme de fièvre catarrhale ovine (FCO3 et FCO8) ; le retour de l’influenza aviaire hautement pathogène, détectée en Morbihan. Sur ces derniers sujets, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture démissionnaire, est censé apporter des réponses ce vendredi en termes de commande de vaccins et de prise en charge par l’État. Mais la gestion des affaires courantes ne suffit pas pour répondre « au décrochage du secteur agricole », dénoncent les deux organisations.
« Sur le terrain, les agriculteurs attendent toujours des solutions. Les engagements pris par le gouvernement (Attal) ne sont pas respectés. Les financements de prêts par la Banque publique d’investissement, on n’en pas vu un seul. Des mesures sont sans décret d’application. L’adoption du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole a été suspendue par la dissolution. Vous avez là un cocktail explosif. Si on n’y répond pas, il y aura une forme de désespérance et de colère », alerte Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.
D’où la présentation de ce projet de loi « à prendre dans son entièreté », prévient Pierrick Horel, son nouvel homologue aux Jeunes agriculteurs. « C’est le package des preuves d’amour qu’on nous donnait durant la mobilisation. Ça peut faire l’objet de débat (au Parlement – NDLR), mais il y a besoin de réponse rapide. » Les copier-coller sont donc fortement recommandés au ministre de l’Agriculture du prochain gouvernement comme aux députés censés examiner, à partir du 1er octobre, les projets de loi de finances 2025 de l’État et de la Sécurité sociale mettant en musique les coups de pouce sonnants et trébuchants demandés par les deux fédérations patronales.
Inventaire fiscal à la Prévert
Ces coups de pouce sont nombreux, dans cette « loi entreprendre en agriculture », qui pourrait se résumer par « aide-toi et l’État t’aidera ». Y sont inscrits pêle-mêle la sanctuarisation de la ristourne sur le gazole non routier ; la retouche de la fiscalité du foncier non bâti ; une fiscalité attrayante pour le développement des cheptels bovins ; des aides à l’installation, à la formation ; des exonérations pour les transmissions ; une flat tax et l’allégement de l’impôt sur la fortune immobilière pour les bailleurs de terrain à long terme ; l’élargissement et la pérennisation du dispositif TO-DE d’exonérations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles…
À cet inventaire fiscal à la Prévert s’ajoutent toutes les « simplifications » liées à l’utilisation des pesticides (avec notamment l’inscription dans la loi du principe « pas d’interdiction sans solution »), comme à l’accélération des constructions d’installations classées (bâtiments, retenues d’eau) ou au développement des revenus tirés des panneaux solaires implantés en plein champ.
Les contraintes, c’est pour les autres. Pour sécuriser les revenus agricoles que la loi Egalim et ses retouches n’ont pas réussi à faire, des indicateurs prenant en compte les coûts de production filière par filière seraient définis « en amont » des négociations entre l’agro-industrie et la grande distribution. Cette règle serait élargie à la restauration collective, ainsi qu’à ses gros fournisseurs.
Pour la FNSEA et les JA, la « compétitivité » de notre agriculture et la souveraineté alimentaire du pays sont à ce prix. Le Parlement achètera-t-il ?
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