Allocations sociales : qu’est-ce que la « solidarité à la source » mise en place par le gouvernement ? (IO.fr-10/03/25)

(Photo Magali Cohen / Hans Lucas via AFP)

Après avoir été « expérimenté » dans cinq départements, le dispositif dit de « solidarité à la source » est généralisé à compter du 1er mars 2025 à l’ensemble des caisses d’allocations familiales.

Par Jean Désenclos

Dans un communiqué de presse officiel du 14 février, la ministre Catherine Vautrin affirme : « Avec cette réforme, nous simplifions la vie de six millions de Français. Notre objectif est de renforcer l’accès aux droits, de lutter contre les erreurs de versement et de libérer du temps utile à l’accompagnement des allocataires. Cette première réforme est une étape importante et démontre notre capacité à réformer sur le long terme. »

La réalité est toute autre : « promesse » de Macron lors de la campagne présidentielle de 2022, cette réforme est l’instrument aujourd’hui privilégié dans la branche famille pour mettre en œuvre à grande vitesse la politique de destruction qui vise l’ensemble de la Sécurité sociale. Elle s’attaque aux principes de cette dernière, aux droits des allocataires parmi les plus précaires, au fonctionnement des organismes et à leurs personnels.

Ainsi, à partir du 1er mars 2025, ce sont plus de 6 millions d’allocataires qui voient leur déclaration de prime d’activité (PPA) ou de RSA pré-emplie automatiquement. On ignore encore quand le dispositif sera élargi aux demandes elles-mêmes

Le montant net social : une économie sur les plus précaires

Rappelons que depuis le 1er janvier 2024, obligation est faite aux bénéficiaires de ces prestations de déclarer le montant net social (MNS) fourni par les employeurs et autres organismes en lieu et place du montant net à payer, généralement moins élevé. Cela se traduit pour beaucoup d’entre eux par une baisse de droits. Le MNS, présenté comme la « première brique » de la solidarité à la source, dévoile donc un des objectifs de la réforme : réaliser des économies sur les plus précaires, finalement dans la même logique que celle qui avait conduit à la mise en place de la réforme des aides au logement en 2021 et qui avait permis d’économiser 1 milliard d’euros sur les droits des allocataires.

L’utilisation du montant net social crée aujourd’hui l’incompréhension chez ces derniers et nombreux sont ceux qui continuent de déclarer le montant net à payer. Dans les cinq départements testant le dispositif depuis l’automne dernier, beaucoup corrigent d’ailleurs le montant prérempli de leur déclaration trimestrielle. La cellule nationale mise en place pour analyser les demandes de correction des allocataires et composée de gestionnaires conseil doit alors invalider ces interventions d’allocataires qui promettent de se multiplier à partir du 1er mars.

Le tout numérique au service d’une politique de démantèlement

Le caractère purement numérique du dispositif recouvre un autre objectif : rompre le lien entre l’organisme et l’allocataire qui doit pouvoir maîtriser l’outil informatique et qu’il faut surtout, du point de vue du gouvernement, éloigner des guichets dans un contexte marqué par la réduction et la fermeture des accueils.

Et si ce même gouvernement se veut aujourd’hui rassurant quant au fonctionnement informatique du système, les plus grands doutes peuvent subsister. Déjà, dans certaines Caf et à quelques jours de l’échéance, la phase dite « d’adossement » au dispositif de ressources mensuelles (DRM) entraîne des difficultés dans la liquidation technique des dossiers.

Par ailleurs, la mise en place de nouveaux dispositifs informatiques participe systématiquement, ces dernières années, du démantèlement du fonctionnement des organismes, entraînant retards voire blocage des prestations, comme cela a été le cas justement à l’occasion de la réforme des aides au logement en 2021 ou plus récemment avec Arpège, logiciel de paiement des indemnités journalières qui a privé de leurs droits des milliers d’assurés durant des mois dans les départements où il a été « expérimenté » (Loire-Atlantique, Vendée).

Vers de massives suppressions de postes

Enfin, cela n’est pas par hasard si un proche du gouvernement expliquait dès 2022 que la solidarité à la source permettrait à terme de réduire les effectifs de 20 000 postes d’agents Caf (sur 36 000). En effet, de l’aveu même du directeur de la CNAF, Nicolas Grivel, si de premières embauches ont eu lieu pour permettre de préparer la mise en place de la réforme à partir de 2022, la « trajectoire des effectifs » va désormais emprunter une pente descendante, avec une centaine d’emplois supprimés dans les deux prochaines années.

A l’issue de cette période, une nouvelle convention d’objectifs et de gestion est censée entrer en vigueur pour en particulier déterminer d’éventuelles réductions d’effectifs : elle serait forcément meurtrière en la matière, tant la solidarité à la source représente un formidable levier à disposition du gouvernement pour supprimer des postes dans les CAF.

Alors que 2025 marque les 80 ans de la Sécurité sociale, cette dernière fait l’objet d’une offensive de destruction rapide et de grande ampleur. La solidarité à la source en est l’expression dans les CAF. Rompre avec cette politique pour enrayer ces plans funestes et préserver nos droits est non seulement une nécessité mais une urgence.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/03/10/allocations-sociales-quest-ce-que-la-solidarite-a-la-source-mise-en-place-par-le-gouvernement/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/allocations-sociales-quest-ce-que-la-solidarite-a-la-source-mise-en-place-par-le-gouvernement-io-fr-10-03-25/↗

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