Après le compromis sur le budget de la Sécurité sociale, le gouvernement Barnier tente de sauver sa peau (H.fr-28/11/24)

Le premier ministre français Michel Barnier à l’Assemblée nationale, le 26 novembre 2024.© Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM

La Commission mixte paritaire s’est accordée, dans la nuit du mercredi 27 novembre, sur un compromis pour le budget de la Sécurité sociale. Jugé « invotable à l’Assemblée », le texte devrait être imposé par 49.3 par le gouvernement Barnier, plus que jamais menacé par une motion de censure.

Par Tom DEMARS-GRANJA.

Si les sept députés et les sept sénateurs ont trouvé un compromis sur le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2025, la menace pour le gouvernement Barnier d’une censure rapide ne cesse de s’amplifier. Étape cruciale dans les négociations, l’accord de la Commission mixte paritaire (CMP) pourrait être balayé dès la semaine prochaine. Privé de majorité dans l’Hémicycle, le premier ministre, Michel Barnier, est condamné à recourir pour la première fois, lundi, à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget de la Sécu sans vote.

De quoi ouvrir une voie royale au Nouveau Front populaire (NFP), qui promet depuis plusieurs semaines de déposer une motion de censure. Cette dernière, pour être validée, devra être soutenue par un Rassemblement national (RN) qui, après avoir adoubé le gouvernement Barnier au moment de sa composition, pourrait la voter. Un choix qui s’inscrirait dans sa stratégie de rapport de force avec un camp macroniste prêt à réaliser des compromis avec l’extrême droite pour survivre.

« Seule la gauche a voté pour »

La Commission mixte paritaire, avec une courte majorité pour les soutiens du gouvernement, a décidé d’une version du texte qui serait renvoyée devant les deux chambres, la semaine prochaine. Les députés et sénateurs se sont accordés sur un compromis pour une baisse des exonérations patronales, ramenant celles-ci à 1,6 milliard (au lieu des 4 milliards initialement prévus), avec toutefois un vote contre du groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR) sur cet article en particulier, échaudé par ce qu’il voit comme un renoncement à sept ans de politique de l’offre.

Les partis de gauche présents proposaient de revenir à une version sénatoriale à 3 milliards d’efforts. « Seule la gauche a voté pour », a déploré le député insoumis Hadrien Clouet. La CMP a aussi validé un compromis sur les retraites, pour les indexer sur la moitié de l’inflation dès le 1er janvier (+ 0,8 %), avec un complément au 1er juillet pour les retraités sous les 1 500 euros brut, en vue d’atteindre les + 1,6 %, comme annoncé par Laurent Wauquiez le 11 novembre.

Les parlementaires ont également supprimé une mesure sénatoriale, qui prévoyait sept heures de travail sans rémunération pour les actifs. Cette proposition était censée rapporter 2,5 milliards, selon les Républicains et EPR. Ils ont toutefois approuvé une « taxe soda », et une « taxe lapin », pénalité financière contre les patients n’honorant pas des rendez-vous médicaux.

Enfin, si la mesure n’est pas contenue dans le texte lui-même, l’intention du gouvernement de baisser les remboursements par la Sécurité sociale des consultations et des médicaments de 5 % – qui devrait se traduire par une hausse des prix des mutuelles – continue de susciter de vives critiques, tant au sein du NFP que du RN.

Parmi les mesures de compensation, les rapporteurs ont prévu une baisse de 600 millions des dépenses de l’assurance-maladie en 2025, dénoncée par la gauche. Le rapporteur général à l’Assemblée Yannick Neuder (LR) a défendu la copie mais aussi soulevé l’hypothèse d’un budget rectificatif en 2025.

« Nous n’accepterons jamais le chantage »

Cette version du PLFSS, qui sera donc soumise une dernière fois aux députés et sénateurs, reste décriée de toutes parts. « Nous étions prêts à accepter 98,2 % de ce budget, a lancé le député socialiste Jérôme Guedj, à la fin des discussions. Nous demandions juste à nos partenaires de la droite et du centre de bouger de 1,2 % ils ont refusé. » À défaut de convaincre l’extrême droite, les macronistes ont décidé de s’en prendre au Parti socialiste, en pointant leur « responsabilité inouïe » dans la situation du pays, comme l’a déclaré la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. « Nous n’accepterons jamais le chantage », a rétorqué Patrick Kanner, le patron des sénateurs socialistes, lors de son entrevue avec Michel Barnier, à Matignon.

Suite au compromis trouvé par le CMP, Stéphanie Rist, députée macroniste, a évoqué un budget qui « semble équilibré et de responsabilité ». Le député insoumis, Hadrien Clouet, fustige le « refus de débattre des déremboursements de soins, (le) refus de débattre sur les recettes… Visiblement, les membres de la commission mixte paritaire ne tiennent pas tant que ça à Barnier, puisqu’ils veulent écrire un texte invotable à l’Assemblée ». Interrogé par l’Agence France-Presse (AFP) à l’occasion des 25 ans des États Généraux des malades, le président de la Ligue contre le cancer, Philippe Bergerot s’en est lui aussi pris à un budget qu’il juge injuste : « On ne peut pas pénaliser les malades sans arrêt… »

Conscient de la censure qui guette, le « socle commun » – du moins, ce qu’il en reste – tente, depuis plusieurs jours, de sauver les meubles. « Il semble important que le gouvernement Barnier reste », a par exemple tenté Sylvain Maillard, député EPR (Ensemble Pour la République), sur le plateau de franceinfo, dans la matinée de ce jeudi 28 novembre.

Deux jours plus tôt, alors invité sur le plateau du 20 heures de TF1, Michel Barnier n’hésitait pas à multiplier les références aux thèmes chers à l’extrême droite, et plus particulièrement au Rassemblement national, qui a le pouvoir de faire tomber son gouvernement. L’ancien commissaire européen a ainsi évoqué « les sujets sur lesquels (il a) envie d’agir (…) : la sécurité au quotidien des Français, la maîtrise de l’immigration et l’interdiction de l’immigration clandestine, sur le travail qui doit payer plus que les allocations, avec une allocation sociale unique, sur la démocratie et peut être le chantier que souhaitent beaucoup de partis à propos de la proportionnelle par exemple ».

Le RN, justement, doit se réunir ce jeudi 28 novembre, 14 heures, pour s’accorder sur une position commune. Le parti d’extrême droite devra choisir entre voter une motion de censure sur ce budget de la Sécu ou attendre la dernière ligne droite du budget de l’État, prévue entre le 18 et le 20 décembre.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/budget-de-la-securite-sociale/apres-le-compromis-sur-le-budget-de-la-securite-sociale-le-gouvernement-barnier-tente-de-sauver-sa-peau

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/apres-le-compromis-sur-le-budget-de-la-securite-sociale-le-gouvernement-barnier-tente-de-sauver-sa-peau-h-fr-28-11-24/

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