
Par Alexis POYARD.
ArcelorMittal. Depuis l’annonce de plus de 600 licenciements à Dunkerque par le groupe voyou – avec la suppression en cascade de 60 000 emplois indirects – chacun est en mesure de jauger le sérieux, ou non, des propositions formulées pour protéger la souveraineté industrielle du pays. Les socialistes évoquent une obscure « mise sous tutelle ». D’autres, comme des libéraux tels que Xavier Bertrand, se contentent de demander à François Bayrou de se déplacer à Dunkerque. Dans ce bavardage entre libéraux responsables du chaos, les insoumis se distinguent en exigeant la nationalisation, rejoignant ainsi les propositions de la CGT.
Le groupe ArcelorMittal s’est gorgé de 300 millions d’euros d’aides publiques ces dix dernières années. La mesure de nationalisation, loin d’être inatteignable, est non seulement possible, mais déjà réalisée par plusieurs pays voisins. Ce fut le cas au Royaume-Uni, en avril, pour empêcher la fermeture des hauts-fourneaux de Scunthorpe et sauver 3 000 emplois. Même topo pour l’Italie. Pourquoi pas en France ? C’est ce que réclament les insoumis. « Nous devons être capables de produire nous-mêmes les aciers et les métaux spéciaux nécessaires à la bifurcation écologique », a déclaré Jean-Luc Mélenchon le 1er mai, appelant à la nationalisation.
Pour Aurélie Trouvé, députée LFI et présidente de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, la nationalisation est bien la seule solution à même de protéger les emplois et les savoirs faire : « Sarkozy a fait fermer les hauts fourneaux de Gandrange, Hollande ceux de Florange. Nous ne laisserons pas Macron poursuivre cette liquidation de la sidérurgie française ! », a-t-elle déclaré lors de son déplacement avec les députés insoumis Aurélien Le Coq et Gabrielle Cathala venus en soutien aux salariés d’ArcelorMittal à Dunkerque. Notre article
« Et dans le pire des cas si je ne travaille pas, je récupèrerais la boîte de Papa »
On ne pouvait pas s’attendre à grand-chose de la part d’Aditya Mittal, PDG d’ArcelorMittal, héritier de son père depuis 2021, mais auparavant directeur général de la boîte familiale. Il est évidemment arrivé à sa position grâce à son seul mérite, à sa seule force de travail : quoi de plus normal alors de se rémunérer, en pleine crise COVID, de pas moins de 10 millions de dollars. Un énième profiteur de crise, et son palmarès ne s’arrête pas là.
En 2022, l’entreprise enregistrait un bénéfice de 10 milliards de dollars. Mais une large part de ces bénéfices n’a pas été investie dans l’entreprise pour la développer. Elle a encore moins profité aux salariés d’ArcelorMittal, dont 15 000 travaillent en France. Au lieu de cela, ce sont toujours les mêmes qui se sont gavés en pleine crise : les actionnaires. Rien de surprenant à ce qu’une entreprise privée, dans une économie capitaliste, favorise ceux qui possèdent la richesse à ceux qui la génèrent.
Pourtant, l’entreprise est souvent pointée du doigt pour mettre en danger ses employés, notamment les ouvriers des usines sidérurgiques : de 2012 à 2023, 251 d’entre eux ont perdu la vie. Et quand les travailleurs ont le mauvais goût de hausser le ton, d’exiger de meilleures conditions de travail, ceux-ci sont discriminés pour leur engagement syndical.
Détruire les corps et leur environnement
Le capitalisme est incompatible avec l’harmonie des humains entre eux et avec la nature. Non-contente d’être l’entreprise la plus émettrice de CO2 en France, ArcelorMittal participe au saccage de la planète au niveau global, mais aussi localement. Ainsi, à Fos-sur-mer, les rejets de particules fines illégaux sont sources de cancers, diabètes, ou autres maladies graves. De plus, l’explosion d’un haut-fourneau à Dunkerque a failli coûter la vie à 30 employés, en plus de provoquer une catastrophe écologique, qui aurait été accompagnée de son cortège de maladies graves.
La direction n’a rien fait à Dunkerque, malgré les avertissements. En urgence, l’État a engagé pas moins de 850 millions d’euros (130 ont déjà été injectés) pour décarboner l’usine de Dunkerque…et rien ne s’est passé. Non seulement les activités d’ArcelorMittal nuisent à l’environnement et aux humains qui y habitent, non seulement l’État leur sert sur un plateau d’argent les moyens de rénover leurs infrastructures, mais en plus Mittal prend l’argent, et le garde pour lui et ses actionnaires !
Et pourtant, l’entreprise a le culot, face aux difficultés, de demander aux États européens d’inciter à la production « d’acier vert », de baisser les coûts de l’énergie. Alors que de fait, Mittal a déjà fait une croix sur l’Europe : il prend l’argent qu’il reste à y prendre, mais investit son argent ailleurs.
Le double jeu d’ArcelorMittal
De fait, l’industrie de l’acier connaît une crise de surproduction : trop d’acier est produit dans le monde, les prix baissent, les conditions de production (lieux…) sont bouleversées. Dans l’UE, la production d’acier a diminué de 30 % en 15 ans, détruisant 100 000 emplois ! Une crise de plus pour le capitalisme et la mondialisation qui en découle, et ce sont toujours les mêmes qui trinquent.
Alors Mittal chouine : la Chine exerce une concurrence déloyale, les prix de l’énergie ont trop augmenté en Europe… Tout est bon pour prétexter de ne pas rénover le site de Dunkerque, où la France a pourtant investi déjà 130 millions d’euros. Ajouté aux fameux « permis à polluer », une autre aberration de la commission européenne, Mittal se gave d’argent public, et les États n’y trouvent rien à redire.
C’est la logique néolibérale : l’État est une tirelire, qui donne des millions aux entreprises qui le sifflent, et l’État, trop content de faire une politique « d’incitation aux entreprises », paye avec l’argent public des entreprises qui délocalisent hors de France. C’est la logique qui a présidé sous Sarkozy après la crise de 2008, sous Hollande avec le CICE, puis sous Macron avec le gavage d’entreprises, pour un résultat médiocre.
Pour aller plus loin : 200 milliards : le coût exorbitant des aides publiques aux entreprises
Pourtant, ArcelorMittal dispose de nombreux de sites en France : cinq hauts-fourneaux, des sites sur tout le territoire, et 15 000 emplois. Or Mittal prend prétexte des difficultés (réelles pour certaines) de l’entreprise pour abandonner la France et l’Europe. Le 23 avril, l’entreprise a annoncé supprimer 600 emplois en France, malgré les 392 millions d’euros d’aides publiques.
Les syndicats estiment que des sites sont menacés sur tout le pays : dans les Hauts-de-France, en PACA, en Bourgogne Franche-Comté… Le report de la décarbonation de Dunkerque fait craindre d’autres destructions d’emplois. Les syndicats CGT d’ArcelorMittal à Dunkerque estiment que la fermeture de leurs sites détruirait en cascade 60 000 emplois, en comptant les employés de Mittal, de ses sous-traitants, et des emplois indirectement créés par le site. Une famille de Dunkerque sur cinq vit grâce aux emplois du site d’ArcelorMittal.
Et pourtant Mittal se désintéresse de la France : les 5 fameux hauts-fourneaux tournent à 50 % de leurs capacités, et le pays est jugé « peu fiable » pour les investissements. Non pas que les infrastructures manquent, ni la main-d’œuvre qualifiée, ou que la productivité soit trop faible : le pays ne garantit juste pas des dividendes assez élevés pour les actionnaires.
En conséquence, Mittal se rabat sur ses sites aux États-Unis et surtout au Brésil, qu’il développe grâce à l’argent reçu de la part… des États européens. Vous avez bien lu : les pays d’Europe injectent leur argent public dans une entreprise, qui investit ces sommes dans des sites en Amérique (ou les reverse à ses actionnaires), dont la production va inonder les marchés européens d’ici à quelques années, accélérant la décrépitude de l’industrie européenne.

La nationalisation, une option économique viable
Les députés LFI sont allés à la rencontre des syndicats d’ArcelorMittal à Dunkerque. Des discussions riches en propositions en ont résulté. Les délégués syndicaux, issus notamment de la CGT, ont fait savoir leurs revendications aux parlementaires : instaurer de nouvelles règles pour protéger les salariés, leurs emplois mais aussi leurs personnes. Des formations dans les métiers de la métallurgie devraient être subventionnées.
Concernant les aides publiques, les insoumis comme les syndicats exigent que ces aides doivent être conditionnées, et remboursées si elles sont perçues par un groupe qui licencie. Enfin, les syndicats mettent dans la balance la solution à la crise de l’industrie en France : la gestion en coopérative, voire la nationalisation d’ArcelorMittal.
Au-delà de cette seule entreprise, cette question de la nationalisation doit se poser, notamment dans les secteurs stratégiques : les autoroutes, l’énergie, le transport ferroviaire… Bien sûr, cette nationalisation doit s’accompagner de mesures permettant aux travailleurs d’ArcelorMittal de peser dans la prise de décision.
C’est le sens des propositions de LFI qui rejoignent celles des syndicalistes : protéger les travailleurs sur le sol français, par la hausse des salaires et la conquête de nouveaux droits sociaux, mais aussi des relocalisations d’industries et le protectionnisme solidaire, le tout dans le cadre d’une grande planification écologique.
Cette revendication a été portée par le député insoumis Laurent Alexandre à l’Assemblée Nationale. L’occasion de rappeler les mensonges et l’hypocrisie de la direction d’ArcelorMittal.

°°°
Source: https://linsoumission.fr/2025/05/09/arcelormittal-solution-nationalisation/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/arcelormittal-pourquoi-la-nationalisation-exigee-par-lfi-est-la-seule-solution-viable-li-fr-9-05-25/