Au procès de Nicolas Sarkozy, l’ex-président retrouve ses ministres et Ziad Takieddine attaque de loin (H.fr-6/01/25)

L’ancien président Nicolas Sarkozy arrive au palais de justice de Paris, le 6 janvier 2025.
© Thibaud MORITZ / AFP

Nicolas Sarkozy, trois de ses anciens ministres et neuf autres prévenus ont vu leur procès s’ouvrir ce lundi 6 janvier. L’ancien président a à nouveau démenti, via son avocat, les accusations de financement libyen de sa campagne de 2007. Absent à l’audience, l’intermédiaire Ziad Takieddine les a quant à lui réitérées depuis Beyrouth.

Par Florent Le DU.

Des prévenus à part ? Quelques minutes avant l’ouverture du procès sur des soupçons de financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy, quatre des huit accusés présents (sur treize au total) ne s’assoient pas sur le banc qui leur est réservé. Quatre anciens ministres s’installent sur les strapontins, devant leurs avocats.

Claude Guéant, Brice Hortefeux, Éric Woerth et Nicolas Sarkozy – assis dans cet ordre – se retrouvent au tribunal de Paris, treize ans après s’être quittés en Conseil des ministres. L’ex-chef de l’État a pu jouer les guides : c’était déjà dans cette même salle d’audience, 2.01, qu’il a été condamné en première instance dans les affaires Bismuth (confirmé par la cour de cassation en décembre) et Bygmalion (en attente de la décision de la cour de cassation).

Jambe droite croisée sur la gauche, une main se baladant sur les lèvres ou le menton impeccablement rasé : le même langage corporel est adopté par les quatre comparses. Une attitude faussement détendue, pour trancher avec la gravité du moment. Depuis ce lundi, et jusqu’au 10 avril au moins, les quatre anciens ministres risquent très gros.

En exil, Ziad Takieddine repart à la charge

En particulier l’ancien président de la République et ses deux anciens lieutenants, Claude Guéant et Brice Hortefeux, soupçonnés d’avoir établi un pacte de corruption auprès du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, afin que celui-ci finance la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, en échange de contreparties diplomatiques, judiciaires et économiques.

L’ordonnance de renvoi, rédigée en août 2023 par les juges d’investigation Aude Buresi et Virginie Tilmont est particulièrement à charge pour ces trois prévenus, qui encourent chacun 10 ans d’emprisonnement. Le dossier, détaillé sur près de 500 pages, donne un large faisceau d’indices prouvant selon les enquêtrices qu’un accord a bien été pris. Cela ne change pas la défense de Nicolas Sarkozy, à en croire son avocat, qui a répondu aux journalistes avant le début des audiences : « Il va combattre la construction artificielle imaginée par l’accusation. Il n’y a aucun financement libyen de la campagne », a déclaré Me Christophe Ingrain.

Sagement assis sur le banc faisant face aux juges, Alexandre Djouhri, homme d’affaires habituellement fantasque et provocateur, est aussi présent. L’intermédiaire, soupçonné d’avoir créé des liens entre la Libye et Claude Guéant mais aussi d’avoir fait exfiltrer de Tripoli puis de Paris un homme fort du régime khadafiste susceptible de parler, s’était plusieurs fois soustrait aux convocations des juges d’instruction mais est finalement bien présent devant le tribunal correctionnel.

Son éternel rival, Ziad Takieddine, est en revanche absent. L’affairiste libanais, protagoniste-clé de l’affaire et quasiment le seul à avoir témoigné à charge, n’est pas revenu en France depuis sa condamnation en 2020 à cinq ans de prison dans l’affaire Karachi. Il a en revanche répondu à RTL, lundi, justifiant son absence par une de ces petites phrases faussement naïves dont il a le secret : « Je ne suis pas convoqué, personne ne m’a convoqué ». Ziad Takieddine, qui pourrait être auditionné en visioconférence, a réitéré ses accusations lundi : « Sarkozy a été voir Kadhafi, il a demandé de l’argent de Kadhafi. Je peux dire que Kadhafi lui a payé jusqu’à 50 millions d’euros ».

« Dans le dossier, on a compté pas moins de 16 versions différentes données par Ziad Takieddine donc ce pourrait être une 17e version que l’on va prendre avec autant de précautions que les 16 autres », a répondu dans la foulée le conseil de Nicolas Sarkozy, Christophe Ingrain.

La visite de Brice Hortefeux en Libye déjà évoquée

L’une des versions est toutefois à écarter : celle de la fameuse rétractation de Ziad Takieddine, lorsqu’en 2020 celui-ci a donné des interviews à Paris Match et BFM TV pour dédouaner Nicolas Sarkozy. De faux aveux selon les juges d’instruction, selon qui le clan de l’ex chef de l’État a payé l’homme d’affaires.

Ce lundi, consacré aux habituelles questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) – une procédure voulue par Nicolas Sarkozy lui-même lors de sa création en 2008 -, le tribunal a retoqué les premières requêtes de la défense.

La défense a ensuite plaidé l’« incompétence du tribunal correctionnel » pour juger des faits. Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux étant ministres en 2005 lorsqu’ils se sont rendus en Libye – quand, selon les juges d’instruction, le pacte de corruption a été pris -, l’avocat de ce dernier estime que seule la Cour de justice de la République, unique juridiction autorisée à juger les membres d’un gouvernement sur les actes pris dans l’exercice de leur fonction, pourrait être saisie dans ce cadre.

Or, la rencontre de Brice Hortefeux avec Abdallah Senoussi, beau-frère de Mouammar Kadhafi et condamné à perpétuité par la France pour terrorisme, n’était pas en lien avec ce mandat selon le ministère public : « Tout montre que la rencontre avec M. Senoussi était secrète et s’est tenue en marge de la visite officielle. »

De plus, les faits reprochés allant bien au-delà de l’exercice de leurs mandats, et la jurisprudence étant constante sur ce point, la requête ne devrait pas aboutir et le tribunal correctionnel pourra bien examiner cette vaste affaire d’État. Il faudra toutefois attendre la semaine prochaine pour que les débats commencent réellement, avec « l’hypothèse d’un financement par la Libye » comme premier thème inscrit à l’ordre du jour.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/mouammar-kadhafi/au-proces-de-nicolas-sarkozy-lex-president-retrouve-ses-ministres-et-ziad-takieddine-attaque-de-loin

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/au-proces-de-nicolas-sarkozy-lex-president-retrouve-ses-ministres-et-ziad-takieddine-attaque-de-loin-h-fr-6-01-25/

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