Audience décisive pour l’A69 : le retard du chantier pourrait peser (Reporterre-17/02/25)

Manifestation contre l’A69 le 15 décembre 2024 à Toulouse. – © Pat Batard / AFP

Reporterre a consulté les plannings des travaux de l’A69 : le concessionnaire prend beaucoup de retard. Ces délais pourraient peser lors de l’audience décisive sur la possible annulation de l’autoroute du mardi 18 février.

Par Justin CARRETTE.

Toulouse, correspondance

Pro et anti-autoroute A69 sont fébriles. Une nouvelle audience a lieu au tribunal administratif de Toulouse mardi 18 février, et le juge pourrait stopper le chantier en annulant l’autorisation environnementale.

Un détail technique pourrait s’avérer crucial : l’avancée des travaux, ou plutôt le gros retard pris par le concessionnaire. L’avancement du chantier n’est pas uniquement une guerre de communication entre les opposants et le concessionnaire, c’est également un argument très important pour la défense d’Atosca au tribunal. Il y a quatre mois, l’avocat de l’entreprise, Me Carl Enckell, déclarait d’ailleurs que « s’il fallait arrêter le chantier, on aurait dû le faire il y a un an » prétextant un avancement trop important desdits travaux.

Arbres abattus, terrassement, constructions d’œuvres d’art… Où en sommes-nous ? La préfecture du Tarn, qui refusait de transmettre les calendriers prévisionnels a été contrainte de le faire par la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) en juin 2023. Une analyse de ces plannings souligne à quel point les travaux prennent du retard.

Des ponts ou des voûtes en béton ont plus d’un an de retard

« L’organisation et les prévisions du chantier ont été complètement bâclées, c’est un travail d’amateurs. » Thomas Digard, militant dans le collectif d’opposants à l’autoroute A69 qui travaille à son compte dans le secteur du génie civil, est remonté. Comme Reporterre, il a pu consulter les documents fournis par Atosca aux services de l’État.

« On s’aperçoit que certains ouvrages d’art, notamment le pont en béton prévu au-dessus du ruisseau Bernazobre, ont un an de retard voire plus, dit Thomas Bigard. Un coup d’œil au planning d’avril 2023 ? On voit que les travaux pour cet ouvrage étaient prévus d’octobre 2023 à mars 2024. Sur le calendrier actualisé d’octobre 2024, sa construction est désormais programmée de janvier à mars 2025 ! »

D’autres ouvrages cumulent du retard, a pu constater Reporterre en décortiquant les plannings. La voûte en béton de 7 m de haut, qui devait être construite de mai à décembre 2023 pour enjamber le ruisseau du Messal à Villeneuve-lès-Lavaur, est aujourd’hui prévue en juillet 2025, soit avec un retard de plus d’un an et demi.

De son côté, Atosca affirme dans un communiqué le 10 février que « la livraison des ouvrages d’art s’est accélérée », mais ne donne pas d’explication aux retards observés entre les différents calendriers. Le concessionnaire affirme également que les centrales d’enrobés à chaud « seront installées à partir du mois de mars » et que « la pose de l’enrobé interviendra à partir du printemps ».

La rapporteure publique recommande un arrêt du chantier

Des affirmations étonnantes compte tenu du retard observé le long du tracé, notamment sur les ouvrages d’art, mais pas seulement. « En octobre 2024, le directeur d’Atosca Martial Gerlinger annonçait que 45 % des terrassements étaient effectués, au bout de vingt mois de travaux. Et là, tout d’un coup, il y aurait une accélération magique pour qu’on soit prêt à bitumer dès le printemps ? C’est ridicule », lance Thomas Digard.

Contacté par Reporterre, le concessionnaire nous a envoyé une vidéo tournée en drone d’un survol du chantier, sans plus de précisions.

Captures d’écran d’une vidéo postée par Atosca

Pour Jean Olivier, coprésident des Amis de la Terre Midi-Pyrénées, l’une des associations qui portent le recours pour faire annuler l’autorisation environnementale, « Atosca essaye d’intoxiquer les juges en disant que l’autoroute est quasiment finie, que presque tous les investissements sont effectués. Même si c’était le cas, ce n’est pas un argument valable d’un point de vue du droit. Cette question de l’avancement des travaux ne devrait même pas être un sujet. »

« Il est encore temps d’arrêter les dégâts »

Dans ses conclusions, qu’elle présente aujourd’hui lors de l’audience, la rapporteure publique Mona Rousseau ne prend pas cet argument en compte et recommande au tribunal administratif de Toulouse d’annuler cette autorisation et d’arrêter le chantier.

« L’avancement du chantier, c’est le dernier argument dont Atosca dispose. C’est le signe qu’ils sont dos au mur », insiste Jean Olivier. « Ils tentent un coup de pression en disant que tous les travaux impactants ont déjà été effectués, mais c’est faux. Il reste beaucoup de travail sur les ruisseaux, le chaulage, le bitumage… Il est encore temps d’arrêter les dégâts. »

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Source: https://reporterre.net/Audience-decisive-pour-l-A69-le-retard-du-chantier-pourrait-peser

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