
Pour Gilles Leproust, maire PCF d’Allonnes (Sarthe) et président de l’Association des maires ville & banlieue de France, les difficultés rencontrées par les élus municipaux sont largement causées par la politique d’austérité du gouvernement.
Par Anthony CORTES.
Comment expliquez-vous l’hémorragie de maires et de conseillers municipaux ?
La situation est complexe, mais elle pourrait se résumer à une trop grande pression, notamment financière. Celle-ci devrait encore s’accentuer, à en croire les annonces du gouvernement sur le prochain budget : 40 milliards d’euros d’économies, dont une bonne partie doit reposer sur les collectivités. C’est une vraie purge qui se prépare et elle pèsera lourd sur le fonctionnement des municipalités.
Nous avons pourtant plus que jamais besoin de moyens. Alors que l’on constate un affaiblissement de tous les points de repère de notre société, que les syndicats et les partis sont en perte de vitesse, que l’autorité étatique est contestée et que la faillite de l’État est de plus en plus flagrante, les élus municipaux restent mobilisés pour maintenir la République dans les territoires. Les défis sont nombreux : on voit converger, aux portes des hôtels de ville, toutes les difficultés, les souffrances et les frustrations.
Sauf que d’année en année nos moyens sont revus à la baisse, et donc nos possibilités de répondre aux urgences. Cela ne peut que créer de l’exaspération chez nos administrés, qui se traduit parfois par des injures et de la violence, combinée à un sentiment d’impuissance rageant pour les élus. D’autant que, depuis la loi Notre (nouvelle organisation territoriale de la République – NDLR) de 2015, un certain nombre de nos compétences ont été transférées aux intercommunalités. En plus de perdre des moyens, nous sommes aussi de plus en plus dessaisis de nos responsabilités.
À quel point l’austérité joue-t-elle un rôle dans cette crise ?
Quand on s’engage à l’échelon municipal, c’est pour mener des actions claires, pour rendre concrète la devise affichée sur le fronton de nos mairies : « Liberté, égalité, fraternité ». Le problème, c’est que l’État, en voulant nous faire porter le chapeau du dérapage budgétaire, ampute toutes nos capacités à innover.
Alors même que nous votons chaque année un budget à l’équilibre, ce qui n’est pas le cas de l’État. Résultat : on finit par reporter ou annuler des projets essentiels. D’ailleurs, c’est aussi pour cette raison que l’Association des maires de France (AMF) a décidé de ne pas se rendre à la conférence de François Bayrou sur les finances publiques. Quand on organise une telle saignée, on affaiblit la République.
Malgré les violences et la défiance, les fonctions municipales sont les plus populaires dans la population. Doit-on y voir un paradoxe ?
Je ne le crois pas. C’est même tout à fait cohérent : quand ça ne va pas, nous sommes là. Cette présence est reconnue, mais nous restons à portée de baffes, le plus souvent en lieu et place de l’État, dont les services s’effacent peu à peu. Et parfois la colère est mauvaise conseillère.
Mais attention : nous sommes aussi à portée de câlins. Je le vis tous les jours dans ma commune. Personnellement, je prends énormément de plaisir à être maire, même si ça me réveille parfois la nuit. Les marques de sympathie et de reconnaissance sont nombreuses. Même de la part de personnes aux sensibilités très différentes de la mienne.
Que diriez-vous pour motiver les citoyens à s’engager aux prochaines municipales de 2026 ?
Je dirais qu’être engagé à l’échelon municipal, c’est faire le choix du collectif, c’est la possibilité d’innover et de redonner le sourire à des personnes écrasées par le poids des difficultés. Par exemple, dans ma commune, nous avons mis en place des séjours d’été pour permettre aux jeunes qui n’en ont pas les moyens de visiter d’autres régions, de rencontrer d’autres personnes.
Nous avons rendu les concerts de musique classique accessibles, tout comme la piscine. On dit souvent que s’engager et assumer des fonctions c’est prendre le risque de beaucoup perdre sur le plan personnel. Au contraire, on y gagne énormément : on est immergé dans la population, on crée de l’espoir. Et cela permet de rêver d’un autre monde.
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